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RIS > le scénariste Yann Le Gal se confie sur le renouveau de la série policière

Claire Varin
Publié le 17/01/2013 à 19:11 Mis à jour le 01/02/2013 à 09:08

Ces deux dernières saisons, R.I.S a vu un changement de casting important. Philippe Caroit et Barbara Cabrita ont laissé la place à Michel Voïta et Laetitia Fourcade. Ce renouveau de la série policière correspond à l’arrivée d’un nouveau directeur de collection, Yann Le Gal. Dans cette interview donnée à Toutelatélé, le scénariste évoque les grands changements de la série policière de TF1, sa vision de RIS, ses sources d’inspiration et la situation de la production française.

Claire Varin : Avant R.I.S. ,vous aviez écrit seulement des unitaires. Comment en êtes-vous arrivé à travailler sur cette série ?

Yann Le Gal : Ca fait effectivement deux ans que j’ai pris la tête de R.I.S. C’était la première fois que je travaillais sur du 52 minutes. J’ai fait trois téléfilms dont En apparence, un thriller, diffusé sur TF1, qui avait pas mal plu. C’est comme ça qu’ils m’ont contacté.

Votre intérêt pour les séries est-il récent ?

J’ai toujours été un grand fan de séries américaines et pas forcément de séries françaises. En général, avec le format 52 minutes, on perd en force sur les personnages, mais ça permet de raconter des histoires de manière plus rapide, avec beaucoup de rebondissements. Le 52 minutes est un format très intéressant, c’est d’ailleurs pour ça que le 90 minutes est en train de disparaître à la télévision.

Qu’aimiez-vous en particulier dans R.I.S ?

Je n’étais pas très fan de R.I.S avant l’arrivée de Maxime Vernon. Je trouvais les épisodes très froids, souvent peu crédibles. La série manquait de chair et d’émotion. Quand le producteur m’a proposé de travailler sur R.I.S, j’étais un peu frileux. Je lui ai fait une liste de toutes ces choses qui me déplaisaient et il m’a dit « Ca tombe bien c’est exactement ce que l’on veut changer ». C’était un défi intéressant que de reprendre une série un peu vieillissante et d’essayer la remoderniser. Avec le personnage de Maxime Vernon, j’ai essayé d’apporter une autre dimension à la série en ramenant plus de psychologie. Il a des instincts psychologiques, qui peuvent créer des désaccords avec les scientifiques du R.I.S. En jouant sur ces deux dynamiques, ça permet de s’éloigner des séries plus classiques comme Les experts ou NCIS.

« La série a beaucoup moins de défauts de casting qu’avant »

Le renouvellement d’une série comme celle-ci passe-t-il forcément par le personnage de meneur ?

C’est toujours très compliqué de renouveler une série. Ce n’est pas parce qu’elle change dans son ADN que cela se voit de manière très évidente pour le public. Et c’est difficile de convaincre un public, qui ne regarde pas, que RIS a vraiment changé. Maxime est effectivement le pivot de ce renouvellement. On a fait ce changement en deux temps. Dans la saison précédente et durant la moitié de la saison 8, le personnage est vraiment très psychologique. Puis, on a fait un épisode sans Maxime dans lequel Malik prend le relais, cela permet de remonter le côté psychologique du R.I.S.

Avez-vous une place de showrunner sur la série ?

La productrice artistique, Virginie Brami, est très présente sur le plateau et sur les castings. Mais c’est aussi quelqu’un de passionné par l’écriture. Elle s’est vraiment investie. Nous formons un binôme très soudé. Avec Clara Laplace, la directrice littéraire, on a formé un showrunner à trois têtes. Nous avons eu une communication très limpide, notamment sur le casting. Et je crois que ça se voit. La série a beaucoup moins de défauts de casting qu’avant.

PARTIE 2 : Les grands enjeux de la saison 8 de RIS


Avez-vous des interactions avec les acteurs ?

Depuis deux ans, on a mis en place des lectures avec les comédiens, ce qu’il n’y avait pas avant sur R.I.S. Nous les rencontrons une semaine avant chaque tournage. On lit le texte et ils font des retours. On réécrit selon leurs remarques. Ils sont plus concernés par l’histoire et ça nous permet de mieux les connaitre. Nous pouvons ainsi mieux modeler les histoires par rapport à leur personnalité. Nous avons beaucoup communiqué avec Laetitia Fourcade, qui est très investie. Cette communication très directe et très franche nous a permis d’aller plus loin dans le personnage d’Émilie, qui est vraiment le fil rouge de la saison 8.

Quels sont les grands enjeux de cette saison 8 ?

On a voulu deux choses : sur les six premiers épisodes, on a souhaité creuser sur le personnage de Maxime. Savoir qui il était, quel est son passé et pourquoi il a quitté la criminelle ? C’est ce que l’on découvre à travers la rencontre de différents personnages, sa fille, son ex-collègue et une juge d’instruction. Puis, la série devient feuilletonnante sur les six derniers épisodes avec une histoire entre Émilie et un petit ami. Ça évolue petit à petit jusqu’au double épisode final où beaucoup de choses se passent…

Cela signifie-t-il que TF1 est enfin prête à accepter le feuilletonnant pour ses séries ?

Ma mission en arrivant sur R.I.S était de ramener de l’émotion. Le discours que nous avons tenu à la chaîne était que pour avoir de l’émotion, il faut aller vers du feuilletonnant. Ils ont eu beaucoup de mal à accepter de le faire jusqu’au moment où, en cours d’écriture de R.I.S, il y a eu la diffusion de Profilage, qui commençait à feuilletonner. TF1 s’est rendu compte, preuve à l’appui, que le feuilleton apporte une fidélité plus grande et permet de développer beaucoup plus les personnages. La chaîne a finalement accepté qu’on le fasse. C’est pour ça que l’on a un peu précipité le feuilletonnant sur les six derniers épisodes.

« Pour avoir de l’émotion, il faut aller vers du feuilletonnant »

Les faits divers restent-ils une source d’inspiration ?

Les faits divers agrémentent et permettent de rebondir sur les histoires, c’est sûr. Je m’inspire aussi beaucoup de films. Par exemple, sur « Paris-Londres », la référence était La soif du mal. Ça commençait sur un crime qui se passe à la frontière, avec un Américain qui avait un nom mexicain et une Mexicaine, qui avait un nom américain. Après, j’ai découvert qu’il y avait une série sur le sujet, The Bridge. Mais je ne l’avais pas vu. Un autre épisode rend un hommage à Mort à l’arrivée. Sinon, c’est surtout l’imagination qui entre en jeu et qui permet de trouver des histoires à la fois tordues et compliquées.

Et quels sont vos goûts et vos inspirations en matière de séries ?

J’aime Dexter, Breaking Bad, Castle et Mentalist. Après, il y a aussi des séries comme Battlestar Galactica, qui sont très passionnantes. Mais, pour la télévision, c’est simple : soit, on fait de la comédie, soit, on fait du polar. Et le seul moyen d’aborder de vrais drames et d’avoir des personnages riches, c’est le genre policier. Cela permet de parler d’autre chose et au niveau de la narration, on a un vrai rythme soutenu.

PARTIE 3 : Les guests dans RIS et la saison 9


RIS reçoit régulièrement des guests, parfois, inattendus comme Adriana Karembeu cette saison. Écrivez-vous des personnages spécialement pour eux ?

On veut d’abord des histoires fortes et ça passe par des personnages forts. Ensuite, au niveau de la production, il y a des demandes de guests. C’est une série qui existe depuis pas mal de temps et le seul moyen de faire parler d’elle aujourd’hui, c’est d’avoir des guests comme Adriana, sur un épisode et Clémentine Célarié sur le double épisode de fin. Ce sont des comédiennes charismatiques qui apportent une valeur ajoutée à l’épisode. S’il y a une saison 9, je pense qu’on fera en sorte qu’il y en ait encore plus.

Concernant le flux des saisons, on note une différence entre les saisons 7 et 8. Pourquoi ?

La série évoluait beaucoup avec l’arrivée de Maxime Vernon alors on s’est offert plus de temps pour écrire et réfléchir pour remettre le train sur les rails. C’est pour cela qu’il y a que huit épisodes. Et cette saison, on en fait douze, mais ce serait difficile d’en faire plus parce qu’il faudrait alors que l’on crossboarde - c’est-à-dire tourner deux épisodes en même temps - et ce serait un peu compliqué pour le comédien, Michel Voïta, qui a beaucoup de textes. C’est quelqu’un qui vient du théâtre et qui travaille beaucoup avec les textes. Or, ça voudrait dire pouvoir lui donner les textes très en avance, et ce serait difficile. Donc, on restera sur 12 épisodes si saison 9, il y a.

Resterez-vous aux commandes d’une probable saison 9 ?

Non, je m’arrête à la saison 8. J’ai l’impression que sur les six derniers épisodes, on est vraiment sur les rails. Tout marche très bien sur les rapports entre les différents personnages et dans l’équilibre entre polar et comédie. Si je reste sur une saison de plus, je pense que je vais un peu me reposer sur mes lauriers et je n’en ai pas envie. Je préfère repartir sur d’autres aventures et d’autres défis.

Ces autres défis pourraient être des séries ?

J’ai un autre projet de série, qui est plutôt bien parti, avec NGN production. Je n’ai pas le droit d’en dire plus pour l’instant. Mais, ce sera pour TF1, si tout se passe bien.

« C’est une série qui existe depuis pas mal de temps et le seul moyen de faire parler d’elle aujourd’hui, c’est d’avoir des guests »

La polémique autour du financement du cinéma peut-elle être mise en corrélation avec la situation de la production des séries françaises ? Pascal Thomas a notamment dit que trop de gens donnaient leur avis sur un scénario…

La polémique lancée par Vincent Maraval en comparant le cinéma français avec le cinéma américain et les salaires des acteurs est fallacieuse. Le système de financement est très différent de celui des États-Unis. Une fois que le film est rentabilité, il y a une moitié qui reversé aux financiers et l’autre moitié aux talents (scénaristes, réalisateurs et comédiens). Donc les talents gagnent plus d’argent, non pas en salaire, mais en récupération, une fois que le film marche. Après, le financement entre la télé et le cinéma n’a rien à voir puisqu’en télé, tout est quasiment financé par la chaîne. Il n’y a donc pas vraiment de problème de financement. Mais, c’est toujours très compliqué parce que les conseillers de programmes ont une vision de la télévision et des valeurs que l’on n’a pas forcément envie de partager. Il s’agit de trouver un terrain d’entente entre ce que l’on aimerait faire et ce qu’eux pensent. C’est toujours compliqué. Ce serait bien que les auteurs soient un peu plus considérés.

La polémique a également mis en avant, la précarité des scénaristes...

En télé, quand les scénaristes travaillent, ils gagnent très bien leur vie parce qu’on peut passer d’un épisode à l’autre et d’une série à l’autre. Et le temps de travail est relativement court par épisode, car ça se fait rapidement. En cinéma, l’investissement est beaucoup plus long et c’est mal payé. J’ai travaillé pour les deux. Travailler pour la télé me permet de faire des choses en cinéma et de compenser le fait qu’en cinéma, le scénario est très peu financé. Il faudrait que ça change. Pour l’instant, même s’il y a un syndicat des scénaristes, j’ai le sentiment qu’ils sont plus là pour se congratuler que pour vraiment faire bouger les choses. C’est vrai que c’est très précaire et j’ai l’impression que ça va l’être de plus en plus. Je pense qu’il y aura de plus en plus de films très chers et de films très pauvres, la classe moyenne va souffrir de plus en plus. Pour l’instant, je ne vois pas d’ouverture très positive et très encourageante.