Toutelatele

Aïda Touihri (Engagez-vous, RMC Story) : « Je souhaite davantage écrire et produire »

Par
Rédacteur - Expert TV
Publié le 25/03/2019 à 14:54 Mis à jour le 26/03/2019 à 11:37

Ce lundi 25 mars, Aïdi Touihri sera à la tête d’un nouvel épisode d’Engagez-vous à 20h50 sur RMC Story. L’animatrice se confie sur sa première expérience de productrice et sur ses projets. Elle revient également sur les différents événements qui ont jalonné sa carrière.

Benoît Mandin : Vous êtes à la tête du programme court Engagez-vous sur RMC Story. Comment est né ce projet ?

Aïda Touihri : Il y a quelques années, j’ai présenté Cité gagnant sur LCP. L’émission s’intéressait aux initiatives citoyennes à travers le pays. Pendant trois saisons, on a parcouru plusieurs villes de France. On mettait déjà à l’honneur ce qui favorisait le vivre ensemble. Cette thématique m’a beaucoup interpellé, car j’ai rencontré des gens formidables. Je m’étais dit que ce serait super qu’on puisse prolonger le concept et raconter des histoires de vie. De fil en anguille, je me suis posée et j’ai souhaité concrétiser ce projet. Cela fait vingt ans que je fais du journalisme et que je présente des émissions de sport, culture, information... J’avais envie d’une nouvelle expérience avec la production.

Le choix de le proposer à RMC Story s’est imposé comme une évidence ?

J’ai vu en RMC Story une chaîne des histoires vraies. Son historique, Numéro 23, s’intéressait beaucoup à la diversité. Notre rôle en tant que journaliste est de représenter la diversité de la société française. Mais dans ce mot, il y a plein de choses : diversité de personnes, diversité d’imaginaire... J’avais envie de le prendre dans le sens le plus large possible. Je me suis à la fois intéressée à des associations qui oeuvrent pour l’environnement ou pour les Roms, minorité la plus stigmatisée du pays. Entre les deux, plein de choses sont possibles. J’ai été très touchée par une association lyonnaise qui s’intéresse aux personnes âgées. On sait qu’elles souffrent généralement d’isolement et de solitude. Cela se renforce quand elles sont d’origine migrante. RMC Story est la chaîne de l’histoire vraie et c’est la seule que je suis allée voir.

Pourquoi avez-vous décidé de ne pas incarner Engagez-vous ?

Jusqu’en août dernier, j’ai présenté les journaux sur CNews. Dans ce rôle, on annonce souvent les mauvaises nouvelles. Or, il y a beaucoup de choses qui peuvent aussi nous donner le sourire. On est dans une réalité où on a l’impression d’être dans un contexte de rejet de l’autre, de haine, de violence et d’extrême souffrance. Une autre partie de la réalité est composée de gens qui s’aident et oeuvrent pour le bien commun. Ils sont généreux, solidaires et essayent à leur manière d’apporter des solutions à des problèmes que l’on rencontre tous au quotidien. J’avais envie de mettre en lumière ces personnes et c’est pour cela que j’ai fait le choix de ne pas incarner le programme. Sur trois minutes, je ne souhaitais pas leur laisser moins de temps.

Quelle rencontre vous a particulièrement marqué ?

Sur les cinquante-deux à venir, j’ai déjà tourné quinze épisodes. Chaque personne qui s’engage a une histoire et ne le fait pas par hasard. Il y a toujours soit une rencontre avec quelqu’un ou un événement de la vie qui pousse à l’engagement. Celui-ci finit par prendre toute la place et donner un sens à votre vie. L’association Révèle, qui s’intéresse aux jeunes filles des quartiers populaires, s’est rendu compte que quand on leur demande ce qu’elles souhaitent faire plus tard, c’est toujours les mêmes réponses : secrétariat, marketing... C’est comme-ci il n’y avait pas d’autres rôles possibles pour elles. Ces jeunes filles n’ont pas d’autre perspective parce qu’elles ne s’autorisaient aucun rêve face à un manque de rôles modèles dans leur entourage. Vu que j’ai suivi leurs parcours du premier au dernier jour, j’ai vu l’évolution et elles m’ont beaucoup marqué. C’était touchant de voir qu’au final un simple petit déclic dû à une rencontre pouvait faire changer une vie à jamais.

Certaines associations manquent de fonds ou de subventions pour concrétiser leurs actions. Avez-vous fait ce constat ?

Cela arrive, mais la tonalité est globalement assez positive. Les associations que j’ai été voir ont une utilité sociale. Certaines sont soutenues par le gouvernement et des structures, mais aussi par des partenaires privés. Il existe des mécènes et des fondations d’entreprise. À Lyon, j’ai été voir une association qui propose du bio dans les quartiers populaires. Son fondateur est parti du constat que le taux d’obésité et de diabète est jusqu’à quatre fois supérieur à la moyenne nationale. Il a décidé de grouper les achats pour permettre à ces personnes d’acheter bio à prix coûtant. Alors qu’il la voyait comme un ennemi et le diable, il s’est rendu compte que la grande distribution pouvait l’aider à toucher ces publics.

« J’ai l’impression de me rendre encore plus utile et de revenir aux sources de notre métier de journaliste »

Pourrait-on envisager une déclinaison en version allongée d’Engagez-vous ?

Je n’ai pas de discussion dans ce sens avec RMC Story. On est vraiment centrés sur les cinquante-deux épisodes à venir. Après, la chaîne a été d’une grande écoute sur ce programme et j’en suis vraiment reconnaissante, car je n’avais jamais produit d’émission. J’avais une envie et une volonté dingue de parler du milieu associatif. On a été sur la même longueur d’onde et cela a été le moteur de notre collaboration. Mais dans un avenir plus ou moins proche, on pourra imaginer Engagez-vous dans un format plus long puisque RMC Story est la chaîne des histoires vraies.

Parallèlement à Engagez-vous, avez-vous d’autres projets ?

Je suis vraiment sur la production du programme. Comme je les écris, réalise et produit, cela fait énormément de travail et de temps. Je planche aussi sur des projets d’émission et de documentaire. J’aimerais les réaliser sur des thématiques qui me tiennent à coeur. À travers les personnes que je rencontre, je me dis : « Tiens, cette personne là, elle pourrait faire l’objet d’un cinquante-deux minutes. Elle fait des choses dingues ». Je souhaite davantage écrire et produire.

Aimeriez-vous revenir à la présentation d’un JT ?

Je ne l’exclus pas du tout, mais ce n’est pas une priorité.

Sur M6, vous avez contribué aux lancements de 66 minutes et du 12.45. Quel regard portez-vous sur ces années ?

M6 a été un formidable tremplin pour moi. Quand j’y suis arrivée, je n’avais jamais fait d’antenne vu que je venais de la radio. Après plus de vingt ans de carrière maintenant, je crois que je suis arrivée à un moment où j’ai envie de produire des choses, de porter des émissions et d’être aussi à l’origine de programmes qui me tiennent à coeur. Je suis en quête de sens et j’ai envie de me sentir encore plus utile. C’est la mission première du journalisme.

Pourquoi avoir fait le choix de quitter M6 pour France 2 ?

Je fonctionne à l’envie et aux nouvelles expériences. J’ai été approchée par France 2 pour le lancement du magazine culturel, Grand public, en 2012. J’ai dit à M6 : « Merci beaucoup pour tout ce que vous avez fait pour moi. J’aimerais tenter autre chose ». Je savais que cette expérience ne serait pas simple. Un magazine culturel en troisième partie de soirée, ce n’est jamais chose facile. Ce défi a quand même duré trois ans et j’en suis très fière. Avec le recul, je me dis que c’était bien.

« On doit revenir aux sources en étant moins éditorialiste et plus dans le témoignage du réel »

Certains observateurs ont noté que Grand public a été victime de ses nombreux changements de programmation. Qu’en pensez-vous ?

Grand public avait sa place sur France 2 à tel point qu’un autre magazine culturel y est proposé aujourd’hui. Je ne pense pas que la télévision publique peut se priver de ce type d’émission. Très honnêtement, j’ai tourné la page de Grand public. C’était bien, mais je suis passée à autre chose.

En 2015, vous êtes apparue dans Touche pas à mon sport sur D8. Comment est née votre collaboration avec Cyril Hanouna ?

C’est surtout venu d’Estelle Denis que j’ai connue à M6. Comme j’ai commencé par les sports, ma participation à Touche pas à mon sport était évidente. La collaboration n’a pas duré très longtemps puisque j’étais beaucoup sur Le grand 8. Je n’étais pas une collaboratrice régulière de l’émission.

Avez-vous regretté l’arrêt du Grand 8 ?

J’ai adoré faire cette émission. On parlait de tout et la parole était très libre. C’était un positionnement féminin qui n’existe plus aujourd’hui. Il y a eu Frou-Frou dans les années 90. J’aimerais pourquoi pas animer une émission comme celle-là. Les femmes ont beaucoup de choses à dire.

Après Midi Sports sur Canal+, vous avez co-animé la matinale de CNews avec Thomas Lequertier. Pourquoi avoir fait le choix de quitter la chaîne ?

Pour Engagez-vous sur RMC Story. Sur CNews, j’animais des journaux et je faisais des remplacements. Quelque part, j’avais envie d’autre chose. J’ai présenté des journaux pendant longtemps et je souhaitais me lancer dans le grand bain de la production. J’adore faire ça et je suis à fond sur le projet. Je ne compte pas mes heures et je fais des rencontres qui m’amusent et m’inspirent. J’ai l’impression de me rendre encore plus utile et de revenir aux sources de notre métier de journaliste.

À travers notamment l’apparition des gilets jaunes, les médias sont victimes d’une défiance des Français et de violentes attaques...

On ne peut pas nier qu’il y a un problème et une crise des médias. Les gens leur font de moins en moins confiance au détriment de la véracité des informations. La multiplication des fake news y est pour beaucoup. Je pense que l’on doit revenir aux sources en étant moins éditorialiste et plus dans le témoignage du réel. C’est ce que j’essaye de faire à travers les personnes que je filme. Je me déplace et je vais vers eux. C’est une vraie source d’inspiration. Le retour au terrain devrait se faire pour tous à un moment ou un autre. Quand on présente les informations dans notre studio, on n’a pas la même perception du terrain.