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Alice Nevers > Rencontre avec Marine Delterme, une actrice très impliquée

Claire Varin
Publié le 25/01/2012 à 23:00 Mis à jour le 23/05/2013 à 18:11

Alice Nevers, le juge est une femme revient sur TF1 pour une nouvelle saison de 6 épisodes, à partir jeudi 26 janvier 2012. A cette occasion, Marine Delterme revient sur l’évolution de la série depuis 10 ans et sur son implication. L’actrice évoque également le départ de Jean Dell alias Lemonnier, la relation entre Alice Nevers et Marquand, et ses projets...

Claire Varin : Voilà 10 ans que vous incarnez Alice Nevers. N’avez-vous jamais éprouvé de lassitude ?

Marine Delterme  : Non parce que la série a beaucoup évolué et moi avec. Récemment, je suis tombée sur des rediffusions des premières saisons sur le câble. Aujourd’hui, c’est complètement différent : le format a changé, les personnages aussi. La dernière décennie a été très importante dans la fiction française puisque les Américains ont débarqué et ont complètement changé les codes. J’ai eu la chance de résister ou plutôt de muer par rapport à cette période. C’est un cadeau d’avoir quelque chose qui marche autant. L’angoisse serait qu’il y ait de la lassitude chez les téléspectateurs.

Quel regard portez-vous sur votre personnage aujourd’hui ?

Il y a eu un basculement, il y a trois ans, quand j’ai été enceinte dans la vie. Dans un sens, on a raconté ma vie privée pour créer son histoire. C’est intéressant de raconter une femme d’aujourd’hui, qui a fait un enfant toute seule. En plus, très vite, elle est prise entre deux hommes, et doit choisir entre deux amours. C’est des nuances de jeu et une palette que je n’avais jamais jouée puisque jusque-là, je recevais les histoires des autres. Là je créée ma propre histoire. C’est plutôt excitant.

Alice Nevers vous ressemble-t-elle ?

La problématique de l’enfant est arrivée en même temps, même si ce n’était pas ma première grossesse. C’est une période de ma vie où, comme la juge, je suis beaucoup plus occupée qu’il y a dix ans, par force, puisque je ne suis pas que comédienne. Il y a donc des points communs sur ces sortes de débordement parfois dans les emplois du temps. Heureusement pour moi, sur le plan affectif, c’est beaucoup plus calme (rires). Mais j’ai connu aussi dans ma vie des ruptures, des déchirements, des séparations avec un enfant en bas âge. Elle me ressemble parce qu’on assiste un peu à toutes ses étapes de vie consécutives et c’est aussi ce que les femmes de notre génération peuvent vivre.

Lors d’une interview, vous aviez déclaré qu’« être une héroïne de série est un statut un peu particulier, qu’il faut un investissement et être plus qu’une comédienne ». Pouvez-vous nous parler de votre investissement ?

Quand on est une héroïne de série, il y a un capital affectif avec le public. On infiltre un peu l’inconscient des gens et on peut se permettre, à terme, d’aller beaucoup plus loin dans les histoires et oser même parfois des déviances, des écarts que l’on ne pourrait pas faire dans un unitaire. On peut - et j’espère on pourra de plus en plus - oser et creuser ce personnage et aller vers les zones d’ombre.

Quels sont vos rapports avec les auteurs ?

Je vois les auteurs en amont, autour de la table, on discute des arches privées et un peu moins des enquêtes. J’arrive quand les scénarios sont au trois quarts finis et j’ai un peu l’œil du téléspectateur. Je suis pragmatique et assez carrée, alors je peux dire : « là, je ne comprends pas ; là, ce n’est pas logique ou là, il manque ça sur tel personnage ». Ce que je cherche de plus en plus - et c’est ce que j’aime dans cette saison - c’est qu’on aille toujours vers l’affectif, vers des gens - comme vous et moi - qui basculent dans le meurtre où dans des histoires sordides, mais qui n’auraient pas dû le faire. Ce qui m’intéresse c’est que l’on s’attache aux gens et qu’on les comprenne. En télé, il faut toucher le cœur des gens.


N’avez-vous jamais eu envie de devenir productrice ?

Souvent on me dit « Toi, t’es prête pour la production » parce que maintenant je connais un peu toutes les ficelles. Peut-être que je le ferai un jour, mais pour l’instant, malheureusement, je n’ai pas le temps. En tout cas, pas sur cette série. Alice Nevers appartient à Pascale Breugnot. Elle est intelligente et on s’entend bien. Je n’irais jamais lui prendre une part de production là-dessus.

Comment est venue cette décision de reformater la série en 2007 ?

René Manzor, qui venait du cinéma, a repris la série. Il a reformaté tout ça dans le look, dans les costumes et dans le changement de partenaires. On a gardé Jean Dell et Daniel-Jean Colloredo, qui jouent le greffier et le médecin légiste. C’était une décision intelligente de Pascale Breugnot, qui a suivi la demande de TF1. Il y a eu un vrai relookage, mais ce n’est pas moi qui ai demandé ça (rires).

N’avez-vous pas craint que la série perde alors son identité ?

C’est toujours un risque. Il y a une évolution, mais elle correspond aussi à une maturité chez moi et à l’arrivée de Jean-Michel Tinivelli, qui a mon âge. On n’était plus dans le tandem avec Arnaud Binard, beaucoup plus amoureux, mais de manière frivole. Notre couple avec Jean-Michel fonctionne très bien, j’adore jouer avec lui. On a toujours peur quand on change quelque chose, mais je ne suis pas très angoissée là-dessus. Je préfère prendre des risques que de m’ennuyer. Je pousse pour essayer des choses et si ça ne marche pas tant pis.

Parmi les changements, la série a développé des éléments feuilletonnants, ce qu’elle s’était refusée de faire pendant des années. Était-ce une demande de votre part ?

C’est tout nouveau, avant on n’avait pas le droit parce qu’ils rediffusaient les épisodes dans le désordre. L’élément feuilletonnant est très développé cette saison. Sans trop en dire, Marquand et Brémont sont laissés sur le carreau. La saison finit de façon très violente et forte. On a osé aller assez loin dans l’écriture. J’ai poussé pour que l’on en arrive là. C’est une saison assez dramatique avec une fin très ouverte et énigmatique. Alice est un peu amoureuse de ces deux hommes. D’un côté, le père de son fils qu’elle fait libérer de prison pour qu’il élève son enfant. Et de l’autre, Marquand, avec qui elle est tout le temps.

L’histoire sentimentale est un élément fort de fidélisation. Avez-vous conscience de l’attente du public ?

Oui, cette demande du public existe. La saison dernière, on a fini par un baiser. Cette fois, il va y avoir une surprise avec Marquand. Mais il se passe aussi beaucoup de choses avec Brémont. Que le téléspectateur veille que je sois avec Marquand est une évidence, puisqu’en gros c’est l’homme de ma vie. Sauf que je suis enferrée dans cette autre histoire, qui est une histoire de jeunesse. Le père de mon fils me manipule beaucoup et je suis très fragilisée. Moi qui ai tendance à être forte dans mon travail, les téléspectateurs vont me voir descendre dans cette spirale.


Imaginez-vous que la juge et Marquand puissent réellement former un couple à l’écran ?

Je trouve qu’il n’y a aucun empêchement pour qu’Alice et Marquand soient ensemble. On peut raconter une vie de couple, surtout avec leurs caractères assez trempés, ça peut être drôle. Mais, apparemment dans les séries, lorsque l’on met deux héros - sur lesquels il y a une tension - ensemble, ça n’est jamais très bon. Donc je ne sais pas ce qu’ils vont décider de faire.

Jean Dell alias Lemonnier était un pilier et l’élément comique de la série, quels sont les enjeux de son départ ?

Je l’aime beaucoup. Jean Dell voulait quitter la série et aller voir ailleurs. J’étais triste, comme dans la série. Quand Lemonnier part, c’est un déchirement. C’est un bel épisode parce que c’est un pilier dans la série et pour moi dans le travail. Ça ne veut pas dire qu’il ne reviendra pas. Il me met son neveu dans les pattes, joué par Guillaume Carcaud que l’on a vu dans la série Samantha, oups !. Il est très drôle. C’est un Lemonnier dans une version jeune. Il s’habille comme lui et en même temps, il y des surprises, il fume des pétards... On a fait attention à ne pas perdre cet élément de comédie important.

Votre participation à la mini-série américaine Coco Chanel en 2008 a-t-elle changé des choses sur votre manière de travailler sur cette série française ?

J’avais déjà travaillé sur Vatel de Roland Joffé et sur d’autres séries, donc ça n’a pas été une révélation. Je connaissais leur mode de travail. C’est très efficace et très hiérarchisé. Sur Alice Nevers, le rythme est tellement rapide qu’on n’est pas loin de ce travail-là. En télé, il faut tourner beaucoup de minutes utiles par jour. Et nous avons la même efficacité parce que nous sommes comme une famille, ce sont les mêmes gens aux mêmes postes depuis des années. C’est juste moins hiérarchisé et on a moins de figurants, donc les tournages sont moins lourds.

Avez-vous d’autres vos projets ?

Je suis en train de préparer un unitaire pour France 3 ainsi que la sortie du long métrage de Sophie Lellouche, que j’ai fait avec Alice Taglioni, Patrick Bruel et Woody Allen (Paris Manhattan, sortie prévue en juin 2012, ndlr). Et je prépare également une exposition de sculptures.

Est-ce qu’un grand rôle au cinéma vous manque ?

Je suis contente parce que j’ai un rôle magnifique dans le film de Sophie Lellouche. Et le film pour France 3, c’est un personnage historique. Un rôle énorme, avec un metteur en scène de qualité donc je ne vois pas trop la différence entre le cinéma et la télévision. Évidemment, je viens du cinéma et j’ai du plaisir à y retourner, mais lorsque l’on a aussi des beaux rôles en télé, c’est luxueux. J’ai fait Château en Suède avec Josée Dayan, diffusé sur Arte, avec Guillaume Depardieu et Jeanne Moreau. Maintenant, tout se mélange et c’est évidemment plus intéressant. Il y a des projets passionnants qu’il faut faire vite et la télévision le permet. Parfois, certains metteurs en scène, comme Claude Miller, viennent en télé et font des films qu’ils ne pourraient pas faire au cinéma.