Toutelatele

Guy Carlier

Joseph Agostini
Publié le 18/04/2005 à 00:36 Mis à jour le 15/03/2010 à 15:12

En cinq ans, Guy Carlier s’est imposé comme l’un des humoristes les plus grinçants du moment. « Je veux une chronique dont les gens parlent le lendemain devant la machine à café », lui a dit Marc-Olivier Fogiel, à son arrivée dans l’équipe d’On ne peut pas plaire à tout le monde, au début de la saison. Malgré le succès mitigé de l’émission, l’objectif a largement été atteint : la verve de Guy Carlier ne passe en aucun cas inaperçue !

A cinquante-six ans, l’homme promet pourtant depuis plusieurs années d’arrêter ses chroniques. C’est à croire qu’il ne peut pas tenir parole. Serait-il lui aussi devenu parfaitement addict au système qu’il dénonce ? « Quand on fait mon boulot, on devient une sorte de parodie de soi-même à la longue » confiait-il à l’Humanité en 2002 ! L’année précédente, il projetait déjà d’écrire un spectacle et de s’y consacrer, mais il a dû retarder l’échéance pour mieux... faire ses fameuses chroniques télé !

Pour comprendre cette ambivalence, il faut d’abord savoir que Guy Carlier est arrivé dans le monde des médias sur le tard. Avant cela, il a été Directeur financier de trois entreprises différentes, dont celle du milliardaire saoudien Adnan Kashoggi. Quand ce dernier fit faillite, Guy Carlier se retrouva au chômage. Il eut donc tout loisir d’affiner ses piques et de se préparer au grand saut dans le vide radiophonique et télévisuel... Mais avant tout radiophonique !

A la fin des années 90, il prend un malin plaisir à laisser des messages sur le télérépondeur de Jean-Luc Delarue, sur Europe 1. Il rentre dans la peau d’un certain « Monsieur Zernati », qui s’affiche publiquement comme un « réactionnaire gaulliste ». Le Monsieur en question plait beaucoup à Laurent Ruquier, alors animateur de Rien à Cirer de France Inter, qui propose à Guy Carlier de le rejoindre.
Le même Carlier devient « Monsieur Le Tallec » pour l’occasion, « un gaulliste de droite imposé par la Direction pour lutter contre le gauchisme ambiant ». Mais Monsieur Guy ne suit pas Laurent Ruquier sur Europe 1. Il reste fidèle au service public et rejoint Laurence Boccolini, puis Stéphane Bern à France Inter. C’est dans l’émission matinale de ce dernier, Le Fou du roi, qu’il donnera libre cours à son insolence, en son nom propre. Les critiques s’agitent, les politiques se fâchent. Jean-Marie Cavada est assailli de coups de fils. A l’Assemblée nationale, on s’insurge contre ce roi de la provocation, qui rappelle Desproges et ses terribles touches de cynisme. Dorénavant, Carlier est aussi en librairie.

En 2004, Marc-Olivier Fogiel parvient enfin à le mettre dans ses filets. Il le ramène à quai sur France 3, chaque dimanche soir, pour une nouvelle version de son talk show, qui cherche un second souffle. La chronique Carlier dans le bocal, en tout début de programme, apparaît comme « l’attaque » du concept. Pour Fogiel, il n’y a plus le choix : On ne peut pas plaire à tout le monde doit dépasser le seuil de 15% de part de marché pour continuer sur sa lancée le dimanche soir. Le pari est à peine atteint. Carlier est doublement critiqué. D’une part, on lui reproche d’être plus consensuel à la télé qu’à la radio. D’autre part, Monaco l’invite à faire ses excuses pour avoir malmené le Prince Rainier dans l’un de ses billets d’humeur. Du coup, Guy Carlier ne sait plus comment faire, promet de quitter le navire en juin, se rétracte et parle d’une nouvelle saison dans l’équipe de Fogiel... Bref, il hésite. Apparemment, ce n’est pas demain la veille que l’humoriste se retirera dans les beaux quartiers du 16è, où il a récemment élu domicile, pour écrire un vrai spectacle, loin des projecteurs et des micros. Mais, avec ce faiseur de paradoxes, auteur de Y a pas que les grands qui rêvent, pour Mélody, dans les années 80, il ne faut justement pas se fier aux apparences...