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Au coeur du tournage de la saison 5 d’Un village français

Claire Varin
Publié le 15/10/2013 à 19:30 Mis à jour le 23/10/2013 à 10:40

Depuis 2009, France 3 diffuse Un village français, produit par Tetra Média Fiction. Cette série feuilletonnante met en scène le quotidien des habitants de Villeneuve, un village fictif du Jura, sous l’Occupation. Tout a commencé en 1940 avec l’arrivée des Allemands. Forte de son succès populaire et critique, la série, dirigée par Frédéric Krivine, démarre sa cinquième saison. Les héros sont en 1943. Une loi décrétée en février conduit – de gré ou de force – trois classes d’âges en Allemagne pour le travail obligatoire (STO). Des réfractaires vont alors prendre le maquis. Immersion…

Int. jour. 11 heures. Au coeur de la campagne, au bout d’une longue allée, derrière les arbres, se découvre une grande propriété équestre, le Haras de Maison Blanche.En ce premier jour d’octobre, le ciel est encore bleu. Le trafic aérien rappelle que Paris n’est pas si loin. Nous sommes à Lésigny en Seine et Marne. Ce lieu familier des fidèles de la série, sert de décor pour la maison du docteur Daniel Larcher. Le réalisateur Jean-Marc Brondolo et son équipe entament la dernière semaine de tournage. On filme avec deux caméras. Robin Renucci et Audrey Fleurot sont sur le plateau. Entre deux consultations, Daniel reçoit Hortense, son épouse, qui l’a quitté pour le chef de la Gestapo Henrich Müller, incarné par Richard Sammel. La jeune femme est venue lui réclamer son aide médicale qu’il refuse de lui donner.

La relation de Daniel et Hortense a évolué, les enjeux ont changé

Cette saison, « Daniel entre en lutte » explique Robin Renucci. «  Il résiste à Hortense et découvre le maquis malgré lui. » En effet, le médecin de Villeneuve sera fait prisonnier par de jeunes maquisards. Mais la scène qui les occupe ce matin est une séquence de tension entre les deux personnages. Les prises se multiplient. Les comédiens proposent et le réalisateur affine sa direction. Ce genre de scènes, ils en ont déjà tourné plusieurs. Jean-Marc Brondolo tient à ce qu’ils marquent une rupture. En cette année 1943, la relation de Daniel et Hortense a évolué, les enjeux ont changé. Et malgré son apparente banalité, la scène doit aussi être unique pour le téléspectateur. « Je crois que Daniel aime encore Hortense, mais elle est inconséquente » raconte Robin Renucci. Pour les deux comédiens, il semble évident qu’ils se retrouveront à la fin. C’est d’ailleurs l’idée de l’auteur Frédéric Krivine. «  Pour Hortense, Daniel représente la maison et la famille  » explique le réalisateur. « Elle a eu besoin de « faire le mur » mais rien ne dit qu’elle ne voudra pas le refaire dans le sens inverse. » L’expression choisie est adolescente, mais renvoie à un besoin d’émancipation. Et on imagine mal plus transgressif que de tomber dans les bras d’un SS.

La maternité d’Hortense est aussi en question. Dans cette scène, les deux personnages sont rejoints par Téquiero. De brèves retrouvailles entre la mère et l’enfant. Rappelons que cet enfant, dont la mère biologique, réfugiée espagnole, est morte en couche, a été adopté par les Larcher au début de la guerre. Hortense était alors en mal d’enfant, mais lui aussi, elle l’a abandonné. Cette saison, le personnage a été recasté. Téquiero est maintenant interprété par des jumeaux, Lucas et Tom Tondeleir Roth.

Un figurant est là aussi. Paul, retraité, est un habitué. De la figuration, il en fait depuis vingt ans. Ce qu’il aime, c’est le contact avec la jeunesse et les nouvelles rencontres. Le Comte de Monte Cristo, Balzac, il connaît. Les tournages en costume, c’est ce qu’il préfère. Aujourd’hui, il était aussi attendu sur le tournage de Jo, la série avec Jean Reno mais « on ne peut pas être partout  ». Paul confie sa « joie » d’apparaître dans Un village français. Ça lui rappelle des souvenirs de son enfance. L’homme patiente et observe. Il s’étonne de l’accessibilité de Robin Renucci, qu’il pensait « plus réservé. »

Partie 2 > Une équipe soudée


Entre les prises, le comédien, lui-même père de jumeaux, se montre bienveillant envers les deux frères. Si Lucas et Tom semblent avoir des personnalités différentes, au moment de tourner, ils sont – étonnamment et heureusement – dans la même dynamique de jeu. Jean-Marc Brondolo confesse que ce n’est pas toujours aussi évident. Au cinéma, on dit toujours d’éviter de tourner avec des animaux et des enfants. Le réalisateur remarque que sur les saisons précédentes, les enfants du Village français étaient très vite mis de côté – une constante à la télévision –, mais cette année, il a souhaité les filmer davantage pour mieux les faire exister à l’écran. Cette matinée était le dernier jour de tournage des jumeaux. Comme leurs aînés, ils sont applaudis avant d’être libérés. La surprise et la joie des deux enfants sont émouvantes. L’équipe leur a offert un jouet, des talkies-walkies. C’est anecdotique, mais le clin d’oeil est amusant quand on sait que c’est l’objet indispensable sur un tournage de fiction.

Int. Jour. 15 heures. L’équipe prépare la mise en place d’une séquence de l’épisode 38. Nous sommes donc plus tôt dans la saison. Daniel Larcher reçoit une visite déterminante. Derrière la porte vitrée apparaît une tête blonde, c’est Antoine. Ce nouveau personnage, incarné par Martin Loizillon, est le beau-frère de Raymond Schwartz. Le jeune homme sollicite l’aide du médecin pour soigner un soldat allemand blessé. Le refus de Larcher conduit à son enlèvement. (Ces séquences dans le maquis ont été tournées cet été dans le Limousin.) « Cette année, on s’intéresse à la jeunesse française en 1943, une classe d’âge entre 20 et 21 ans, qui ont été obligés de partir en Allemagne pour le travail obligatoire (STO)  » raconte le producteur Emmanuel Daucé. « Certains ont refusé d’aller en Allemagne et ont pris le maquis. Ils ont, de ce fait, nourri les rangs de la Résistance ». Antoine fait partie de ceux-là. La série se penche alors sur une génération qu’elle avait jusque-là négligée. L’occasion d’attirer une tranche plus jeune du public et d’offrir de nouvelles sources de réflexion et d’empathie.

Le destin d’individus face à la grande histoire

Toujours à hauteur d’hommes, Un village français met en scène le destin d’individus face à la grande histoire. Antoine prend le maquis, non pour des idéaux politiques, mais pour « un besoin personnel de liberté » lié à une pression familiale et un refus d’autorité. « On ne sait jamais ce qui va nous arriver dans la vie. Ce sont les petits détails qui déterminent son camp » explique Martin Loizillon, ravi de pouvoir défendre un personnage de cette époque particulière et dans une « bonne ambiance ». On le retrouvera le lendemain, à la scierie en compagnie de Thierry Godard, Nathalie Bienaimé et Nicolas Gob.

Ext. Jour. 11 heures. Le rendez-vous est donné à Crécy-la-Chapelle. Nous sommes alors à la scierie de Raymond Schwartz (Thierry Godard). L’équipe tourne les premières images, post-générique, du premier épisode de la saison (le 37e de la série). Les figurants en bleus de travail, les voitures des années 40 et le costume noir de Marchetti offrent un tableau plus impressionnant que la veille, mais le ciel est aussi plus variable. En extérieur, « Moteur. Action ! » s’annonce au grès du passage des nuages.

La saison dernière, Engrenages avait quelque peu privé les téléspectateurs de Raymond. Thierry Godard est un acteur très occupé. Comme Audrey Fleurot, il jongle entre les deux séries et d’autres projets. Mais, cette saison, l’acteur le promet « il sera un peu plus présent ». En cette année 1943, beaucoup de choses ont changé dans la vie de Raymond Schwartz. Le patron a épousé Joséphine (Nathalie Bienaimé), son ancienne domestique, et a pris Antoine comme bras droit.

Partie 3 > Un planning de tournage millimétré


En fin de journée, l’équipe tournera l’arrestation de Joséphine par Marchetti. Du fait du planning de tournage, Nathalie Bienaimé a l’impression de ressusciter son personnage. Car les choses avaient démarré par sa fin tragique. Joséphine fait partie de ces héros que le public verra disparaître cette saison. «  Après cela, Raymond va se retrouver tout seul » confie Thierry Godard. Pourtant, il va recroiser Marie (Nade Dieu) - qui a pris la tête du réseau de Résistance. Un triangle amoureux va naître entre Antoine, Marie et lui. L’acteur fait preuve d’une grande décontraction. Entre les prises, il fait de l’humour ou discute de la saison 4 d’Engrenages et Des Hommes de l’ombre avec le producteur de Tetra Média Fiction.

Ext. Jour. 16h15. «  Attention les oreilles, il va y avoir des coups de feu » prévient Franck, le 1er assistant. Nous sommes dans la continuité de la séquence filmée le matin, mais l’action demande plus de coordination. La mise en place est plus longue. La police de Villeneuve est venue arrêter un jeune homme refusant le STO. Dans la scène, il est abattu par Marchetti (Nicolas Gob). Un jeune cascadeur, Hugo, est chargé de tomber sous les balles. Le jeune homme est content d’être là car il retrouve Martin Loizillon avec qui il avait commencé au théâtre.

La mise en danger des héros s’accroît

Cette saison, la mise en danger des héros s’accroît. Villeneuve est sous le contrôle des SS. Chassagne (Philippe Résimont), le nouveau maire, est des plus collaborationnistes. Et « Marchetti est à nouveau amené à faire des saloperies » lance Nicolas Gob. « J’adore la complexité du personnage » poursuit le comédien, qui le compare à un bipolaire. «  Il obéit aux ordres, il est arriviste aussi. Parfois, il fait quelque chose de bien malgré lui. Puis il passe d’un état très enfantin à adulte. Il est un peu fou.  » C’est le dernier jour pour Nicolas Gob. Après, le comédien rejoindra le plateau de La Belle et la Bête de Christophe Gans, avec Vincent Cassel, Léa Seydoux, Gérard Depardieu et des fonds verts. Une tout autre ambiance.

18h10. Les comédiens laissent échapper des rires au milieu d’une prise. La fatigue de fin de journée sans doute. « On a pris du retard » raconte Pascal, l’accessoiriste «  mais ça va, les fins de tournages sont rodées  ». Le rythme est intense. Un village français est l’unique série feuilletonnante à produire 12 épisodes par an. Même si cette année, on note un retard. Seuls six épisodes sont en boîte. Pascal sera lui aussi de retour en février pour les six derniers, cette fois, réalisés par Jean-Philippe Amar. L’équipe devrait alors enchaîner le tournage de 18 épisodes tout au long de l’année 2013.