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Bernard Majani, l’homme des séries de M6

Tony Cotte
Publié le 06/03/2007 à 00:40 Mis à jour le 14/03/2010 à 19:37

Prison Break, Bones, NCIS, Charmed et bien d’autres, Bernard Majani est l’homme des séries, des films et des téléfilms de M6. Il dirige le pôle acquisitions de la chaîne privée et parcourt le monde à la recherche des perles rares susceptibles d’alimenter l’antenne de M6 et de ses petites soeurs comme W9, Téva... A l’occasion des 20 ans de M6, Toutelatele.com est parti à la rencontre de Bernard Majani pour mieux connaître ce métier méconnu du grand public et indispensable au sein d’une chaîne de télévision.

Tony Cotte : En tant que directeur des acquisitions, quel est votre rôle et votre pouvoir décisionnel ?

Bernard Majani : Je ne suis pas seul à décider. Quand on achète quelque chose, il faut une case bien précise de programmation. Nous définissons donc tout cela avec l’équipe qui gère ce service. C’est avant tout un travail d’équipe. Nous sommes en quelque sorte le filtre pour les acquisitions de M6, W9, Paris Première et Téva.

Considérez-vous, qu’au fil du temps, M6 doit son succès aux séries ?

Absolument pas. Les séries ne représentent qu’une des fondations du succès de M6. Nous avons toujours été, comme notre slogan l’indique, le « fournisseur officiel de séries en France ». Nous avons été les premiers à diffuser des séries américaines en prime-time. Mais dieu merci, une grand chaîne de télévision est une chaîne diversifiée qui ne se cantonne pas qu’à ce genre là.

La TNT a-t-elle changé aujourd’hui votre politique d’achat ?

Nous sommes un service d’acquisitions pour une famille de chaînes. Bien évidemment, nous avons une vision plus large qu’à l’époque où M6 n’achetait que pour une seule antenne. Certaines des chaînes du groupe peuvent diffuser les mêmes séries que M6 mais elles se positionnent également sur des programmes pour leur propre marché.

A combien s’élève le prix d’un épisode pour une série de 52 minutes classique par exemple diffusée en prime dans la Trilogie du Samedi ?

J’apprécie la question mais je ne peux pas vous répondre.

Au mois de mai prochain vont se tenir à Los Angeles les « May Screenings ». En quoi consiste cet événement annuel ?

Les « May Screenings » ont lieu une semaine après la présentation des nouveaux pilotes à New York aux agences de pub par les network. Une fois que les pilotes ont été sélectionnés par les distributeurs, les acheteurs du monde entier sont convoqués pour assister à la présentation des nouvelles séries qui seront, pour la majorité, à l’antenne en septembre aux États-Unis. Nous faisons donc la tournée des majors pour les visionner.

Après seulement un visionnage, est-ce que l’on a suffisamment de recul pour savoir si une production peut plaire au grand public ?

Il y a des craintes. Si vous achetez un cheval de course vous ne pouvez pas savoir avant qu’il ait couru s’il va gagner ou non. Mais vous avez des connaissances dans ce métier pour vous permettre de prendre un certain nombre de risques. Il ne faut pas oublier que nous achetons les séries avant qu’elles ne soient à l’antenne aux États-Unis. Ce serait bien plus simple de les acquérir après leur diffusion pour voir leurs audiences. Mais pour la majorité des cas, ça ne se passe pas comme ça.


Depuis le triomphe de Prison Break, avez-vous cette année une pression supplémentaire pour trouver son digne successeur ?

Ce n’est pas nous qui avons la pression mais nos concurrents (rires). Nous sommes toujours à la recherche de pépites. Nous attendons donc avec impatience les prochains Screenings sans pression particulière.

Suite à la polémique avec le CSA et à sa recommandation de diffuser certains épisodes de Prison Break à partir de 22 heures, allez-vous être plus vigilant avant d’acquérir des productions qui pourraient être jugées comme trop « violentes » ?

Nous avons toujours été très attentifs sur ce point. Il y a eu une discussion avec le CSA, aujourd’hui réglée. Nous avons déjà délibérément refusé d’acheter des séries car elles étaient trop violentes.

Depuis le 19 février on peut retrouver Veronica Mars à l’antenne. Cette série était pourtant attendue sur France 2...

Je ne suis pas au courant. La série était disponible. Nous l’avons achetée à Warner qui nous l’a proposée.

Veronica Mars n’a jamais vraiment été un succès d’audience dans les pays où elle a été diffusée. Considérez-vous son acquisition comme un risque ?

Nous avons besoin de séries pour approvisionner diverses cases sur M6. Nous ne l’avons pas achetée pour une diffusion en prime-time.

Le potentiel d’audience d’une série hors prime-time n’est donc pas un critère de sélection ?

Certaines séries sont destinées à la première partie de soirée, d’autres en night time ou encore en day-time. Ce ne sont donc pas les mêmes critères de performances.

Décrocher une série comme Friends alors qu’elle a été multidiffusée sur un grand nombre de chaînes (France 2, Comédie, RTL9, AB1, Jimmy), est-ce une fierté pour M6 ?

On en rêvait depuis 10 ans. La série a été rendue disponible à nouveau. Pour nous, c’est une revanche sur l’histoire. Nous sommes très contents de la diffuser chaque jour dans une case naturelle de contre-programmation face aux JT.


Suite au succès de Un,dos,tres il y a eu une tentative de programmation de productions hispaniques avec Mes adorables voisins. En dehors des séries américaines, vers quel marché vous dirigez-vous aujourd’hui ?

Un, dos, tres est un véritable ovni. C’était la première fois en France qu’une série espagnole connaissait un tel succès. C’était exceptionnel. Aujourd’hui, nous ne nous dirigeons pas vers un marché en particulier. Il y a de très bons producteurs en Espagne, comme il y en a en Italie. La force d’un programme ne vient pas de son origine mais de sa qualité.

Le Destin de Lisa est, quant à lui, plébiscité sur TF1. Vous n’allez donc pas contrer avec la diffusion d’une série allemande ?

Le Destin de Lisa est une très bonne série. Mais on ne va pas prendre une série allemande pour dire d’avoir une série allemande. Si demain on nous propose une production hollandaise de qualité, on l’achètera. En dehors de la tradition des séries américaines qui sont des machines de guerre, on ne se focalise pas du tout sur l’origine de nos acquisitions.

Les contrats d’exclusivité que TF1 a par exemple pour le catalogue Disney, et bientôt Warner, représentent-ils un barrage pour vous ?

C’est un marché concurrentiel, chacun va faire son shopping. TF1, France Télévisions et nous-mêmes avons des accords.

Votre confrère de TF1, Laurent Storch, affirmait qu’il regrettait un peu de ne pas avoir pris Desperate Housewives, est-ce que vous aussi vous avez des regrets sur un des programmes diffusés sur une chaîne concurrente ?

Je vais lui renvoyer la politesse sur Les Experts (rires).

Vous avez déclaré récemment que lorsque vous achetiez un programme, vous négociez automatiquement les droits qui vont avec pour la vidéo en ligne. Y a-t-il des difficultés particulières pour ce genre de support ?

Notre service M6Video est déjà bien en place. On peut y retrouver les épisodes de Desperate Housewives ou de Prison Break. Nous sommes en train de passer des accords supplémentaires pour rendre disponibles plus de séries de notre antenne en VOD. Mais c’est un nouveau média. Il est normal que les choses se mettent en place progressivement. Quant au streaming gratuit, il est à l’étude. Cela viendra un jour...