Toutelatele

Breaking Bad, itinéraire d’une série sans faille

Marion Olité
Publié le 10/08/2013 à 16:42 Mis à jour le 20/08/2013 à 10:09

Breaking bad, une des séries les plus acclamées de ces dernières années, tire sa révérence à compter de ce dimanche 11 août. La chaîne AMC diffuse la deuxième partie de la saison 5, composée de huit épisodes. Retour sur une série ovni de la télé américaine, planifiée de A à Z par son créateur.

Fort de ses expériences sur X-Files et The lone gunmen, Vince Gilligan a créé sa première série avec une idée bien précise en tête. Fatigué de voir des personnages squatter le petit écran pendant des décennies dans un état de « non-évolution » imposé, le scénariste souhaitait raconter l’histoire d’une franche évolution, voire même d’une transformation. Breaking bad, comme l’indique très bien son nom, c’est aussi un point de départ pour le moins original, jamais vraiment exploré à la télévision : celui d’un personnage « gentil » qui va devenir la pire des ordures. Ce pitch séduisant comportait une sacré prise de risque, celle que le téléspectateur le prenne en grippe. Dans les séries télévisées, les personnages de méchants retrouvant le droit chemin sont légion, mais pas l’inverse.

Un plan sans accroc

Après cinq saisons, force est de constater que le plan de départ prévu par le showrunner a été parfaitement exécuté. Véritable caméléon, Bryan Cranston se glisse avec génie dans la peau de Walter White, ce prof de chimie en manque de reconnaissance qui apprend soudainement que ses jours sont comptés. Atteint d’un cancer incurable, il se lance dans la préparation de kilos de méthamphétamine, ultra-pure, initialement pour subvenir aux besoins de sa famille quand il ne sera plus de ce monde. Ce nouveau « job » dans le trafic de stupéfiants va s’avérer aussi addictif que les drogues qu’il fabrique.

Comédie noire, drame familial, film de mafia aux accents tarantinesques... Breaking bad touche à différents genres avec une égale réussite. Entre épisodes conceptuels (celui dit « de la mouche », ou « de l’aspirateur »), méchants d’anthologie à l’image de Gus Fring, et scènes devenues cultes (« I am not in danger, I am the danger ! »), la série acquiert rapidement le statut de meilleure production du moment. Filmée avec soin, elle alterne des scènes intimistes avec des moments plus spectaculaires quand Walter plonge dans la grande criminalité. Jamais à court d’idées, Vince Gilligan convoque le souvenir des grands films de mafia américains, de Scorcese à Coppola. Breaking Bad emprunte au cinéma la qualité de ses plans, sans oublier de rendre le téléspectateur accro avec les techniques de narration propres à la télévision. L’alliance des deux médias n’a jamais été aussi harmonieuse.

Walter White, le nouveau Scarface

La descente aux enfers de Walter White ne devait durer qu’une ou deux saisons. Devant le succès critique rencontré par Breaking Bad lors de son lancement en 2008, Vince Gilligan va prolonger son histoire. Finalement, le showrunner accepte de tourner cinq saisons, durant lesquelles les téléspectateurs, toujours plus nombreux et accros, assistent à la lente, mais inexorable transformation de Walter White en nouveau Scarface. Le scénariste laisse aussi la place à l’imprévu dans son processus de création. Le personnage de Jesse Pinkman, acolyte de Walter, devait être tué en première saison. Devant l’interprétation bluffante d’Aaron Paul en junkie ultra-sensible et son alchimie évidente avec Bryan Cranston, Gilligan étoffe son personnage. L’empathie de Jesse envers ses semblables offre un contrepoint parfait à la déshumanisation de Walter. La richesse de Breaking Bad repose en grande partie sur cette relation complexe qui unit les deux hommes.

D’autres personnages secondaires vont révéler au fil des saisons toute leur utilité : Hank, le beau-frère policier sous-estimé par Walt, ou l’avocat véreux mais attachant Saul Goodman, caution comique qui pourrait bien se voir offrir un spin-off à l’issue de la série.

La fin de Breaking Bad

Il faut reconnaître une qualité essentielle à Vince Gilligan : il a su arrêter Breaking Bad là où d’autres (Dexter...) ont cédé aux sirènes des audiences, au détriment de la trajectoire de leur héros. Le scénariste aurait pu continuer. Son show a en effet connu un chemin inverse à la vie habituelle d’un programme télé, avec une courbe ascendante au fil des saisons. Breaking Bad a débuté avec une moyenne de 1.2 million de téléspectateurs en 2008, pour arriver en saison 5 à près de 2 millions de fans. Il est évidemment bien plus compliqué de réaliser un chef-d’œuvre en huit saisons qu’en cinq saisons. Le scénariste le sait.

Quelle que soit la fin, qui ne manquera pas de faire parler d’elle et de diviser les fans, Vince Gilligan a réussi son pari. L’épopée sanglante de Walter White est déjà entrée au panthéon des plus beaux portraits de « salauds humains » de l’histoire de la télévision.