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Ce soir ou jamais > Frédéric Taddeï dresse le bilan

Tony Cotte
Publié le 04/06/2007 à 00:07 Mis à jour le 05/03/2015 à 11:45

Vendredi 1er juin, à quelques heures de la 100e de Ce soir ou jamais, Frédéric Taddeï se confie à Toutelatele.com... Depuis son taxi pour le ramener à sa demeure au Pré-Saint-Gervais, l’ancien animateur de Paris Dernière fait le point sur sa carrière. Confidences du noctambule le plus connu du PAF au milieu de la circulation francilienne...

Tony Cotte : Mardi 5 juin, vous allez fêter le 100eme numéro de Ce soir ou jamais, comment abordez-vous ce cap ?

Frédéric Taddeï : C’est tout à fait symbolique. Pour moi, le grand cap était à Noël. Il fallait que je commence à prendre du plaisir et être à l’aise dans l’émission. Le prochain sera à la fin de l’année pour savoir si on continue. A priori, il a l’air de se franchir.

Tony Cotte : Vous ne preniez pas vraiment de plaisir avant les fêtes de fin d’année ?

Frédéric Taddeï : Ca m’intéressait et me passionnait mais je n’étais pas dans une situation de plaisir. Jusqu’à cette période, je travaillais trop. Je voulais tout savoir sur les sujets, mes invités et leurs œuvres. J’étais stressé. A partir du moment où j’ai divisé mon travail par deux, je me suis senti beaucoup plus à l’aise. Le plus difficile est de trouver le temps idéal de préparation. Aujourd’hui, il me faut désormais deux heures avant chaque émission.

Tony Cotte : A ses débuts Ce soir ou jamais stagnait entre 5 et 6% de parts de marché. Avez-vous, à un moment donné, douté de l’espérance de vie de l’émission ?

Frédéric Taddeï : J’ignorais que ça stagnait à 5 et 6%. J’avais demandé à France Televisions de ne pas me communiquer les audiences et ils le font encore aujourd’hui. J’ai appris le jour où nous avons réalisé notre record par une journaliste qui m’a appelé pour me féliciter. Je n’ai jamais douté de l’avenir de ce programme. On ne fait pas un pari pareil pour l’arrêter au bout de trois mois sous prétexte de l’audimat. Ce serait ridicule. Malgré ce qu’ont pu penser certains journalistes, ni Patrice Duhamel ni Patrick de Carolis ou encore Vincent Meslet (directeur des programmes de France 3, ndlr) n’ont envisagé une seule seconde d’arrêter Ce soir ou jamais. J’étais très décontracté par rapport à la chaîne qui a toujours soutenu l’émission.

Tony Cotte : Certains remaniements ont quand même été effectués par France 3...

Frédéric Taddeï : Pas du tout. Les seuls remaniements qui ont été réalisés viennent de la production. Les changements que nous avons établis faisaient suite à une étude qualitative commandée par la chaîne. Nous en avions pris bonnes notes : il n’était pas necessaire de faire un best-of de la veille. Nous l’avons ainsi changé en pré-générique. Nous avons également arrêté le piano. Quand les gens l’entendaient, ils pensaient que c’était l’heure de se coucher (rires). Aujourd’hui tout s’enchaîne, donc les téléspectateurs restent. Mais au milieu de tout ça, nous n’avons pas touché aux fondamentaux. Le principe de l’émission reste l’actualité vue par la culture. Et l’actualité culturelle vient dans la deuxième partie. A chaque fois que nous l’avions traitée avant le Soir 3, le public n’était pas présent. Selon l’étude, le téléspectateur est à ce moment-là dans une atmosphère où il a envie d’information uniquement.

Tony Cotte : Pourtant, la chaîne ne s’est jamais cachée à vos débuts que vous réalisiez les meilleures audiences avec la revue de presse du mardi. Aujourd’hui, ce rendez-vous s’est répandu à travers toutes les émissions...

Frédéric Taddeï : Quand je traite par exemple du Moyen Orient, la forme est la même que la revue de presse mais pas le contenu. Le principe de cette revue est d’avoir des artistes qui commentent l’actualité de la semaine. Ils ont des avis d’individus. Quand je fais la science, là j’invite des scientifiques. Ils savent exactement de quoi ils parlent, ce n’est pas le café du commerce.


Tony Cotte : En 2005, alors que vous étiez à l’antenne de Paris Dernière, vous parliez dans l’Express de « grands clivages » au sujet des nuits parisiennes. N’avez-vous pas l’impression de participer, à votre tour, à un clivage mais télévisuel lorsque vous êtes confronté à Cauet ou Confessions Intimes sur TF1 ?

Frédéric Taddeï : Je ne parlais pas de clivage social à l’époque, contrairement à la traduction qu’a fait l’Express. J’évoquais des codes culturels et un clivage qui est du même acabit avec la télévision. Je ne regarde évidemment pas les émissions de Cauet, que j’aime beaucoup, mais lui, suit la mienne. Je comprends très bien que tout le monde ne s’intéresse pas à Ce soir ou jamais et je n’en veux pas aux téléspectateurs de La Méthode Cauet. Ils n’allument pas leur téléviseur pour s’informer mais pour se divertir. Ceux qui me suivent chaque soir, sont des gens qui, eux, ont avant tout envie de mieux comprendre le monde et leur époque.

Tony Cotte : En début d’année, vous avez fait l’objet d’un portrait dans Libération qui vous décrit comme un « paresseux ultraactif ». Vous reconnaissez-vous dans cette description ?

Frédéric Taddeï : Tout à fait. Le vendredi / samedi / dimanche, soit je suis en voyage où je suis actif, soit je reste à Paris et je rentre dans une paresse extrême. Je reviens juste d’un déjeuner à Roland Garros avec Patrick de Carolis et Patrice Duhamel, mais sinon je ne serais pas sorti de chez moi pour me remettre de quatre jours de travail (rires).

Tony Cotte : Après Paris Dernière, vous êtes à nouveau à l’antenne avec une émission qui se déroule la nuit. Est-ce une période où vous vous sentez plus productif ?

Frédéric Taddeï : C’est un hasard. J’ai arrêté Paris Dernière pour Ce soir ou jamais comme j’aurais pu le faire pour une émission tournée en plein jour. Mais j’aime beaucoup la nuit et son atmosphère. Ma façon de faire de la télévision se prête peut-être plus à cette période. Et étant couche-tard, ça ne me pose aucun problème d’animer à ces heures. Me confier un programme le matin, m’interdirait par contre de sortir la veille au soir ou de veiller. Ce serait tout simplement impossible !

Tony Cotte : Comment organise t-on sa vie hors des plateaux quand on travaille la nuit et que l’on partage sa vie avec une actrice (Claire Nebout, ndlr) ?

Frédéric Taddeï : C’est toujours difficile d’organiser sa vie en fonction des autres, a fortiori de la femme que l’on aime et surtout quand elle est comme la mienne. Mais c’est plus facile avec une actrice qui peut avoir des horaires similaires aux miens, voire complémentaires.

Tony Cotte : Vous avez dit à son sujet qu’elle est l’incarnation de Ava Gardner...

Frédéric Taddeï : C’est un propos qui a été un peu traduit. C’était la première impression que j’avais eu en la voyant à l’écran. Je parlais d’une beauté cinématographique. Elle véhiculait pour moi ce que je voyais dans le physique d’Ava Gardner : sexe, alcool et torero. Mais elle ne lui ressemble en rien (rires).

Tony Cotte : Parmi les hommes qui ont partagé la vie d’Ava Gardner, vous considérez-vous plus comme Franck Sinatra ou Mickey Rooney ?

Frédéric Taddeï : Je dirais Franck Sinatra. John Ford et Clark Gable demandaient à Ava Gardner sur le tournage de Mogambo ce qu’elle aimait chez un type comme Sinatra pesant 60 kilos tout mouillé. Elle répondait « 5 kilos de Franck et 55 kilos de bites ». J’aimerais qu’elle fasse la même réponse (rires).


Tony Cotte : Vous avez réalisé en 2005 le vidéoclip de Comme elle se donne, chanson de Jérôme Attal. Le résultat a un côté fortement lascif...

Frédéric Taddeï : Paris dernière a créé une révolution dans la manière de montrer le sexe à la télévision. On peut dire qu’il y a un avant et un après. Un journaliste de Paris Match avait même écrit qu’à côté de mon émission, les films pronographiques étaient devenus gnan gnan. Ce que l’on diffusait était réel. Evidemment, il n’y avait pas la même vocation que des films X. Le clip de Jérôme Attal est vraiment gentil par rapport à ce que j’ai pu montrer dans Paris dernière.

Tony Cotte : Passer derrière la caméra le temps d’un videoclip, est-ce une expérience que vous aimeriez renouveler ?

Frédéric Taddeï : Pas particulièrement. Jérôme me l’a demandé et j’aimais la chanson. Ce sont surtout les paroles qui me parlaient. D’autres ensuite me l’ont proposé et j’ai refusé. Mais je ne donnerai pas de noms...

Tony Cotte : Il y a-t-il des réalisateurs que vous admirez personnellement ?

Frédéric Taddeï : Si je devais tous les énumérer il faudrait des jours entiers (rires). Chaplin, Dreyer, John Ford, Hitchcock et j’en passe. Pour les années 60, je citerai Polanski. Et plus récemment, les frères Cohen ou encore Tim Burton. Il y a beaucoup de grands réalisateurs dans le cinéma, comme il y a de grands écrivains ou de peintres de renom. A la télévision, il n’y a pas encore trop de « grands ». C’est pour cette raison que je suis animateur. Il n’est pas trop tard pour faire sa place dans l’histoire du petit écran.

Tony Cotte : Et vous pensez réellement pouvoir faire la vôtre ?

Frédéric Taddeï : J’ai l’impression. Je parie sur le fait que l’on regardera Paris Dernière dans 20 ans sans que cela soit désuet et, dans un autre genre, D’art d’art et Ce soir ou jamais.

Tony Cotte : Vous avez parlé de grands auteurs. Vous-même auriez renoncé à être écrivain car vous vous jugiez trop critique...

Frédéric Taddeï : Si l’on veut être écrivain, le temps d’écrire un livre est suffisamment long pour que le critique qui est en vous emmerde l’auteur et l’empêche de travailler. A la télévision, c’est complètement différent.

Tony Cotte : Que pensez-vous de votre façon d’animer ?

Frédéric Taddeï : En fait, je travaille plus vite. C’est comme écrire dans les journaux. Quand le délai est court, je n’ai pas le temps d’être paralysé par mes jugements. De toute façon quand vous êtes en direct le problème ne se pose plus et en différé il faut bien donner à un moment l’émission à la chaîne. J’essaye juste d’être perfectionniste et de rendre le meilleur résultat possible. Puis, avec le recul, je me critique...

Tony Cotte : Si vous deviez commenter les premières images de Ce soir ou jamais, quel regard porteriez-vous sur le Frédéric Taddeï de l’époque ?

Frédéric Taddeï : Qu’il travaillait trop et qu’il n’était pas assez décontracté. Il y aurait un tas de choses à dire sur lui mais je ne l’ai pas beaucoup vu. Aux débuts de Ce soir ou jamais, je savais que je n’étais pas bon. Si à cette époque je m’étais regardé tous les soirs, j’aurais certainement eu envie d’arrêter l’émission.