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Christophe Michalak (Qui sera le prochain grand pâtissier ?) : « On n’est pas dans le spectacle, mais dans la transmission et dans la bienveillance »

Marion Olité
Publié le 27/05/2014 à 18:16 Mis à jour le 01/06/2014 à 14:05

Après le coup d’essai transformé du « Gâteau de mes rêves », Christophe Michalak a rejoint France 2 en 2013 avec l’émission quotidienne « Dans la peau d’un chef » proposée depuis septembre, et le concours « Qui sera le prochain grand pâtissier ? ». Entouré de ses trois complices - Philippe Urraca, Christophe Adam et Pierre Marcoloni – il revient pour une deuxième saison du talent show adopté par les Meilleurs ouvriers de France. Confidences

Marion Olité : Comment les candidats du Qui sera le prochain grand pâtissier ? sont-ils choisis ?

Christophe Michalak Il y a une pré-sélection où ils sont jugés sur leur travail. On leur donne un panier avec dix éléments comme du sucre, du chocolat, une pêche... Et on leur demande de nous faire un dessert. Les critères portent sur l’artistique, le goût ou encore la façon de travailler. Ceux qui totalisent les meilleures notes sont sélectionnés.

Que pensez-vous du niveau des apprentis de la saison 2, par rapport à l’année dernière ?

Je pense qu’il est supérieur même si on a vécu de grands moments l’année passée. Il y avait beaucoup de fortes personnalités pour la première saison, mais le niveau général me paraît plus élevé sur cette deuxième année.

Quelles qualités doit posséder le candidat idéal de Qui sera le prochain grand pâtissier ?

Il doit avoir une vraie forme d’humilité. Le concours est un combat contre soi-même, et non contre les autres. Il doit porter toutes les qualités recherchées chez un pâtissier : le style avec une élégance naturelle dans le dressage de ses gâteaux. Il faut que ses réalisations aient énormément de goût. Ces aspects combinés doivent nous procurer de vraies émotions.

Avez-vous eu de gros désaccords avec des membres du jury ?

On a pas vraiment de moments de fight car on est tous très amis. Chacun a son caractère et sa vision de penser. On n’est pas toujours d’accord sur le choix des desserts. Certains vont être sensibles à la technique d’un certain gâteau, d’autres en préféreront un autre. Il y a vraiment matière à discuter, mais toujours dans la bonne entente.

« Ce concours est un combat contre soi-même, et non contre les autres »

Vous insistez sur le fait que l’émission est différente des autres programmes de compétition culinaire, qu’elle participe à la mission de service public de France 2. En quoi se distingue-t-elle finalement ?

Le Grand Pâtissier est extrêmement différent, car les candidats amenés à faire une épreuve sont envoyés pour travailler chez les plus grands pâtissiers français. En six primes, leur évolution est incroyable. Et puis on goûte à l’aveugle, donc aucun candidat ne peut être privilégié. On n’est pas dans le spectacle, mais dans la transmission et dans la bienveillance.

Comment est perçue l’émission dans le monde de la pâtisserie ?

Toutes nos connaissances qui travaillent dans des établissements prestigieux sont ravies. C’est la plus belle vitrine qui pouvait être réalisée sur le monde de la pâtisserie. Le programme montre aussi l’envers du décor. Être pâtissier, c’est se lever tôt, travailler dur, être très rigoureux pour s’exprimer au mieux. J’adore la cuisine, mais c’est un métier vraiment différent, tout comme la boulangerie ou la charcuterie. Tous ces très beaux métiers méritent d’avoir leur propre émission.

Partie 2 > Sa vision de la pâtisserie


Comment expliquez-vous cet engouement pour la pâtisserie ?

Il faut savoir qu’à l’époque de Vatel, le chef pâtissier gérait les banquets, de la touche salée à la touche sucrée. Au moment de l’avant-guerre, les maîtres d’hôtel ont pris le pouvoir. Après 1945, une nouvelle génération de cuisiniers avant-gardistes a fait son apparition. Les Bocuse, les Troisgros et les autres ont développé la pâtisserie. Il a fallu attendre la fin des années 70 pour assister à son éclosion avec Gaston Lenôtre, qui lui a donné ses lettres de noblesse. Pierre Hermé a réalisé une pâtisserie haute couture, et Philippe Conticini a vraiment réinventé la pâtisserie traditionnelle. À partir de 2000, une nouvelle génération de pâtissiers est arrivée. On a un peu été les chefs de file avec Christophe Adam, et on a créé « Le Club des Sucrés ». À partir de 2005, des émissions ont commencé à nous mettre en valeur. Et puis la pâtisserie est ancrée dans les meilleurs souvenirs d’une vie. Du mariage avec la pièce montée au baptême en passant par les anniversaires, vous avez une photo avec le gâteau.

Pensez-vous qu’une émission comme celle-là puisse être exportable ?

Bien sûr ! Au Japon, la pâtisserie française réalisée par des chefs japonais est absolument extraordinaire. À Tokyo, le niveau s’avère parfois supérieur à celui de la pâtisserie parisienne. Aux États-Unis, je pense aussi que ça pourrait très bien marcher, car nous avons plein de Français installés là-bas, qui font rayonner ce savoir-faire. Je pense aussi à l’Italie. Ce sont les trois pays dans lesquels on mange le mieux dans l’univers sucré. J’adore parcourir le monde et j’ai pu découvrir des spécialités très intéressantes en Angleterre, parfois aussi en Asie et au Moyen-Orient.

Auriez-vous pu participer à un concours de ce type au début de votre carrière ?

Oui, complètement. J’aurais rêvé de faire un concours pareil. J’ai découvert Top Chef à Chicago, en 1998. Je travaillais pour Pierre Hermé à l’époque. Dans ma chambre d’hôtel, je suis tombé sur cette émission. J’ai trouvé ça génial. Il a dû se passer presque dix ans avant de voir ça arriver enfin en France.

« Ma mission est de désacraliser la pâtisserie, et la rendre accessible et funky »

D’autres émissions télé trouvent-elles grâce à vos yeux ?

Les émissions culinaires qui me font le plus rêver et que je trouve les plus réussies sur le PAF sont celles de Julie Andrieu. J’adorais Fourchette et Sac à dos. Je suis aussi complètement accro aux Nouveaux explorateurs avec Fred Chesneau. Je peux regarder cette émission non-stop. Elle est riche et les gens sont attachants. J’aime les programmes avec des concepts originaux. Sur Le Gâteau de mes rêves, on m’avait proposé de reprendre un concept américain, mais j’ai refusé et préféré écrire quelque chose qui me ressemble. Ce n’était pas possible autrement.

Qu’en est-il d’une troisième saison de Qui sera le prochain grand pâtissier ?

Elle est actuellement en pourparlers, mais c’est en très bonne voie, avec logiquement les mêmes personnes.

Vos activités télévisées vous laissent-elles assez de temps pour le reste ?

Ma mission aujourd’hui est de désacraliser la pâtisserie, et la rendre accessible et funky. Je veux montrer qu’on peut faire de la pâtisserie sans se prendre la tête, un peu comme Jamie Oliver le fait en Angleterre avec la cuisine. Je ne fais pas que de la télé. Je donne un cours par semaine dans mon école, et le matin je vais travailler avec mon équipe. On réalise des gâteaux et évidemment j’adore ça, c’est le cœur de mon métier.