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D’Urgences à Bad in Attic, Georges Campana retrace sa carrière

Emilie Lopez
Publié le 20/04/2008 à 00:14

Emilie Lopez : Voilà bientôt 5 ans, vous avez créé la société BreakOut Films, alors que vous aviez une place relativement confortable au sein du groupe Canal+. Pour quelles raisons avez-vous décidé de vous lancer ce nouveau défi ?

Georges Campana : De nombreux changements s’opéraient dans le groupe Canal+, qui risquait de faire bon nombre de laissés pour compte. J’ai donc préféré quitter le navire. Et je suis ravi d’avoir échappé au massacre ! Par la suite, nous avons créé BreakOut Films, avec deux anciennes collaboratrices avec le plaisir de se dire qu’on n’allait plus faire « du volume » mais seulement ce que l’on aime...

Emilie Lopez : Quel est votre cheval de bataille à présent ?

Georges Campana : Très prétentieusement, je dirais faire de la fiction de qualité. La légèreté de notre structure le permet. De plus, ma filmographie, quelque peu conséquente, fait que tous les partenaires avec lesquels j’ai déjà travaillé ont accepté de retravailler avec nous. Ainsi, tout est allé très vite : nous avons quitté le groupe en mai 2003, et en septembre 2003, j’avais déjà produit notre premier film avec Channel Four. Il n’y a donc eu presque aucun laps de temps écoulé.

Emilie Lopez : Dans quel genre de production êtes-vous spécialisé ?

Georges Campana : Il n’y en a pas en particulier. On ne fait simplement pas de télé réalité. Je pense qu’on ne fera jamais de soap ou de trucs comme ça, à la mode Plus belle la vie, ni de jeu. Par contre, dans le domaine de la fiction, j’essaye toujours de trouver des genres un peu différents.

Emilie Lopez : Que pouvez-vous nous dire sur Bad in Attic, la fiction jeunesse que vous avez préparée pour France 2 ?

Georges Campana : Cette série relate l’histoire d’une famille dont le père est licencié de son entreprise, et qui installe son bureau dans le grenier de la maison. Mais cela va perturber un peu la vie de famille, car les 3 ados, qui étaient habitués à ne pratiquement jamais voir leurs parents, se retrouvent confrontés à un père omniprésent... De plus, celui-ci décide d’inclure un peu toute sa famille dans son projet, et de gérer sa famille comme une entreprise. Et bien sur, ça foire considérablement ! C’est très drôle, et ce sera diffusé dans un premier temps sur Canal+ Family, d’ici la fin de l’année, puis sur France 2 à partir septembre 2009.

Emilie Lopez : Il est étonnant de vous voir produire un programme jeunesse, car au vu de votre filmographie, vous semblez plus enclin à faire des productions dites « historiques »...

Georges Campana : J’élargirai au sens « social », à tout ce qui nous concerne au quotidien. Il y a, selon moi, un règne de la télévision qui est évident. A partir du moment où elle fait partie du moteur de recherche pour une éventuelle réflexion, je préfère y participer, afin de fournir d’autres éléments sur notre société actuelle, qui a bien souvent des résonances et des racines en amont, que de faire « Mon curé chez les ministres » !


Emilie Lopez : On trouve pourtant, à votre palmarès, 5, rue Sésame, une production pour enfants. Où se trouve dans ce cas la « réflexion » ?

Georges Campana : Nous l’avons fait dans le concept du « pur entertainment », mais avec cette philosophie du respect des autres, des cultures différentes, de la tolérance. C’est tout aussi important selon moi.

Emilie Lopez : Pour vous, la télévision ne sert pas seulement à divertir, mais également à instruire ...

Georges Campana : Je revendique totalement le fait de faire de l’ « entertainment », je ne me marginalise pas par rapport à ça. Mais je pense que l’on peut respecter cet objectif de divertir, tout en apportant des sujets qui soient de notre société.

Emilie Lopez : Le fait d’avoir créé BreakOut Films vous permet-il plus de liberté à ce niveau ?

Georges Campana : Oui, car je n’ai pas à perdre 50% de mon énergie à expliquer à des patrons, des actionnaires ou qui que ce soit pourquoi je veux produire telle ou telle chose. C’est sûr que sur certains projets, on aurait pu me dire « Qu’est-ce que vous allez vous emmerder avec ce truc ? ». C’est le genre de chose que j’ai pu entendre par le passé. Mais aujourd’hui, je n’ai plus envie que l’on m’impose quoi que ce soit.

Emilie Lopez : Cela doit néanmoins comporter certains risques...

Georges Campana : Si je me plante, tant pis, car en même temps cela me laisse une grande souplesse. De plus, avec tout ce qu’on entend en ce moment sur France Télévisions, les choses vont bouger, on verra ce que nous réserve l’avenir... Tout ce que je sais, c’est que je n’ai pas besoin de faire 40 films par an, j’en fais déjà pas mal, et cela me suffit amplement. Je préfère faire peu, mais bien.

Emilie Lopez : Concernant le Service public, que pensez-vous du projet du Président de la République de supprimer les publicités des chaînes du groupe France Télévisions ?

Georges Campana : Enormément de questions se posent autour de cette déclaration. Premièrement, est-ce une idée durable ? Parce qu’il nous a habitués à souvent jeter des pavés dans la mare... Deuxièmement, n’y a-t-il pas, derrière tout ça, l’idée de privatiser France 2 ? Comment réussir à faire co-habiter France 2 et Arte ? De plus, dire que l’on ne veut plus que France 2 dépende de l’audimat, cela me semble un discours un peu facile...

Emilie Lopez : Pensez-vous que la course à l’audience soit un frein à la qualité ?

Georges Campana : Totalement ! Il y a cette volonté des chaînes d’annoncer du « light », quitte à offrir du banal. Un jour, une fille, que je ne citerais pas, et qui travaille chez M6, m’a sorti « Moi je cherche de l’easy watching » ! C’est aberrant !

Emilie Lopez : Selon vous, que manque-t-il à la télévision française ?

Georges Campana : De l’originalité. J’aimerais être plus surpris. Ne pas avoir plus de recherche dans les genres, ne pas avoir le courage de montrer plus de novations, cela nuit à la télévision française. Seule Canal+ se démarque parfois, et France 2 de temps en temps. Mais il faudrait avoir le courage de se maintenir et de continuer sur cette lancée.


Emilie Lopez : Vous avez, vous-même, fait dans le téléfilm comique, il y a quelques années, avec Une nounou pas comme les autres...

Georges Campana : C’était une comédie qui s’inscrivait dans la différence, et je la revendique ! Nous avons fait l’un des plus gros scores de fictions. On nous a donc demandé une suite, et nous avons réalisé 52%. Mais je ne peux pas faire Blanche Neige toute ma vie ! J’aurai par exemple été incapable de faire Joséphine. C’est banaliser quelque chose d’important, qui a déjà été mis en exergue dans deux téléfilms. Même si j’aime beaucoup Mimie Mathy, cela a un côté beaucoup trop répétitif...

Emilie Lopez : Que pensez-vous de cette tendance qu’ont les chaînes françaises à copier les succès américains, comme cela a par exemple été le cas avec L’hôpital ?

Georges Campana : Ou avec Mystères, qui était éhontément calqué sur Taken, une série de Spielberg. Je suis d’ailleurs étonné que ses avocats n’aient rien fait ! (rires) C’est une erreur, parce qu’on se base sur des sujets, et on ne se donne plus les moyens de ses ambitions. Mystères par exemple était un 12x52 minutes, mais avec un seul auteur ! C’est totalement aberrant ! Si on veut jouer à l’américaine, on le fait vraiment. Quand ils font une série, ils ont une vraie équipe d’écriture de 7-8 personnes. Il aurait fallu faire pareil...

Emilie Lopez : Vous cautionnez donc cette nouvelle lubie des chaînes ?

Georges Campana : Non, bien sûr je ne pense pas que la solution soit dans la copie pure et simple. D’autant qu’il y a des violences que le spectateur accepte dans les séries américaines, qu’il ne supporte pas dans des séries françaises. Je prends l’exemple de La Commune, dont on m’a dit que c’était violent. Effectivement ça l’est, mais pas plus que des séries comme 24 heures chrono.

Emilie Lopez : En lisant votre parcours, on découvre que vous avez réalisé quelques épisodes de la série Urgences, alors au sommet de sa gloire. Comment vous êtes-vous retrouvé dans cette aventure ?

Georges Campana : Les producteurs ont demandé un jour à la Warner s’ils ne connaissaient pas quelqu’un en France pour faire un épisode se déroulant à Paris, avec comme personnage central John Carter. Pendant une semaine, on a tourné un truc bien parisien, avec des gros moyens : dans le métro, à l’hôpital... C’était comme un repas extrêmement copieux : lourd à porter, mais une fois qu’on l’a digéré, tout va bien !

Emilie Lopez : Vous avez par la suite produit les épisodes traitant du Darfour...

Georges Campana : Je leur avais dit que mon fond de commerce était de tourner à l’étranger, et notamment en Afrique du Sud. Très vite, ils se sont interrogés sur cette opportunité, car Noah Wyle (Carter - ndlr) avait un contrat l’obligeant à tourner 3 ou 4 épisodes pour la saison, et qu’à chacune de ses apparitions les audiences s’affolaient. Ils hésitaient entre Hawaï ou une histoire de drogue en Colombie, ils n’étaient pas très surs... Puis est arrivée l’histoire du Darfour, et ils m’ont demandé de faire ces épisodes spéciaux en Afrique. Et ils ont tellement bien marché que la série a repris un second souffle !