Dana Hastier (Directrice des programmes de France 3) : « Pour gagner 0.1 point de part de marché, certains sont prêts à tout, pas moi »
Toutelatele : La modernité fait partie des priorités de France 3 la saison prochaine. L’image de la chaîne est-elle devenue trop vieille ?
Dana Hastier : Ce n’est pas du tout lié à l’âge des téléspectateurs. Aujourd’hui, avoir 60 ans, c’est être jeune. C’est la moyenne d’âge de France 3. Mais ce n’est pas pour autant que ce public a envie de choses poussiéreuses et démodées. Je souhaite mettre la chaîne en mouvement pour la moderniser, la revoir, avec des éléments fondamentaux qui existent et qui fonctionnent. La première année, on a fait bouger 15% de la grille. Là, c’est de l’ordre de 20 à 25%.
Quels sont les grands axes de la rentrée prochaine de France 3 ?
Je suis très attachée aux lundis en histoire. C’est notre vitrine de création, de culture populaire avec la chanson française qui joue un rôle primordial. C’est une case que je suis vraiment. J’ai souhaité également revoir les magazines. Soit on retravaille les marques qui existent, soit on a ouvert de nouveaux concepts comme avec Jamy Gourmaud et Franck Ferrand la saison prochaine. Ça bouge de tous les côtés. Sur le divertissement, on est souvent en documentaire de création. On travaille aussi sur les jeux. On tourne des pilotes pour en avoir d’autres sous la main. Sur la fiction, on continue de travailler sur des valeurs sûres, mais on rajeunit, on féminise et on modernise nos contenus.
Les audiences de la case cinéma restent problématiques. Comment allez-vous agir ?
Nous sommes désespérés. C’est la seule case qui baisse en prime time. C’est un mouvement général sur toutes les grandes chaînes historiques et on se pose bien évidemment des questions. L’idée est de proposer de temps en temps de la belle série à dimension internationale dans cette case pour la remonter. On ne peut pas se permettre de conserver des scores si faibles. Nous allons donc très certainement commencer à rentrer dans des coproductions internationales de séries.
Les documentaires sont très présents sur France 3. Est-ce l’influence de votre poste préalable de directrice des documentaires ?
Nous avons une question de modèle économique à respecter. Nous ne faisons pas autant de documentaires, car je viens du documentaire. C’est surtout un programme qui a une valeur de catalogue, qui fait qu’on peut diffuser deux, voire trois fois. Celui sur Jean-Jacques Goldman a mieux fonctionné la deuxième fois que la première par exemple.
« On rajeunit, on féminise et on modernise nos contenus »
Quel est le budget de France 3 la saison prochaine ?
Pour l’instant les budgets sont stables. Sur le programme national, nous sommes autour de 350 millions d’euros, dont 200 millions d’euros consacrés à la création. Le budget fiction est très important puisqu’il représente 135 millions d’euros d’investissements.
Le week-end reste compliqué pour France 3 en termes d’audiences, mis à part les prime times. Quels sont les chantiers ?
Je souhaite faire des week-ends polars sur France 3. C’est un moment fragile de la chaîne. Il y aura quatre rendez-vous de polars à la rentrée. Le samedi en prime time, inédit ou en rediffusion. Nous sommes à la recherche d’achat de séries polar plus segmentant, plus jeunes. Le dimanche après-midi, nous allons diffuser des séries policières anglo-saxonnes, et le dimanche soir on retrouvera toujours les polars européens.
Les audiences du bloc de jeux l’après-midi sont en baisse. Quelle est votre stratégie ?
On surveille le bloc de jeux de manière très attentive. Les audiences ont globalement baissé, sauf Slam qui continue à progresser. Emmanuel Garcia (Responsable des jeux de France 3, ndlr) est aux manettes avec un regard très pointu, avisé et expert. Rien n’est impossible puisque les jeux doivent fonctionner sur France 3. Je pense qu’on a pas assez développé cette thématique et c’est pourquoi on travaille sur des pilotes, et puis on verra bien. Je veux faire de blocs de jeux le week-end également pour qu’ils se soutiennent les uns les autres. Je ne m’interdis rien si c’est bon pour la chaîne, donc des formats internationaux pourraient très bien arriver. France 3 est suffisamment culturelle et clairement positionnée, alors si de temps en temps on doit appel à un format, on le fera.
Atteindre la barre des 10% de part d’audience est-il encore possible pour France 3 ?
J’essaie de conserver la cohérence de la chaîne, car France 3 a tant de missions, contrairement à d’autres. Nous avons pour mission d’être présents en région, des obligations en matière jeunesse, de retransmission des questions du gouvernement, mais aussi de faire un certain nombre d’investissements en matière de documentaires, de fiction, et en cinéma. J’essaie que France 3 ne soit pas un empilement de missions, mais qu’elle ait une allure de chaîne de télévision. Ça nous donne ainsi certaines marges de manœuvre. Je ne sais pas s’il est atteignable d’atteindre la barre des 10%. La chaîne a progressé en prime time et baissé en fond de grille. On lutte, et j’espère qu’on dépassera les 9% à la rentrée, car la bataille est rude avec les chaînes de la TNT. Je fais attention aux audiences, mais ce n’est pas une obsession. Pour gagner 0.1 point de part de marché, certains sont prêts à tout, pas moi.