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De Loft Story à Star Academy : la real tv dans tous ses états

Aurélie Demarcy
Publié le 19/01/2007 à 04:14 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:41

TF6 propose une seconde soirée dédiée aux passages marquants des émissions de télé réalité dans Les meilleurs moments de Télé-Réalité, le dimanche 21 janvier à 20h50. Ce second opus, animé par Loana, offre un cocktail des extraits les plus drôles, touchants, insolites de Loft Story, du Bachelor, de La Ferme Célébrités, du Pensionnat de Chavagnes... Cette liste, non exhaustive, illustre le succès des « émissions du réel » qui ont vu le jour sur les écrans français, il y a maintenant six ans. Depuis, et telles des poupées russes, elles ne cessent d’être thématiquement renouvelées, conservant, cependant, les mêmes procédés de construction. A l’occasion du rendez-vous de TF6, Toutelatele.com propose de revenir sur l’émergence de cette nouvelle télé, aussi décriée qu’adulée : celle de la réalité.

Le 26 avril 2001 à 20h50, 5,6 millions de téléspectateurs, soit 26,1% du public présent devant son petit écran, assistent, sceptiques et intrigués, à l’arrivée d’un programme ovni : Loft Story. Adapté de Big Brother, produite par le Hollandais John De Mol, le concept de l’émission repose sur le quotidien de plusieurs candidats vivant dans un espace clos que les téléspectateurs peuvent suivre 24h/24, grâce au dispositif de nombreuses caméras prêtes à traquer leurs moindres faits et gestes.

Héritière du genre des reality shows, survenues durant les années 90, au travers d’émissions telles que Bas les masques ou autres Perdu de vue, Loft Story innove en repoussant à l’extrême les frontières de l’intime, dans un désir de proximité avec son public. Bien plus qu’une transposition du témoignage sur la place publique, c’est la vie dans sa globalité qui est mise à nu, sous le regard des fidèles. Avec l’argument principal du direct, l’émission fait comparaître le quotidien du citoyen lambda sur la scène médiatique. Un effet de réciprocité qui tend vers une réduction totale de la distance entre le téléspectateur et son écran. A cette volonté de réciprocité vient se greffer un principe d’interactivité. En effet, comme le répétait régulièrement Benjamin Castaldi lors de l’appel aux votes : « Cette histoire, c’est vous qui allez l’écrire. » Le téléspectateur est, ici, appelé à agir et, si l’on s’en tient aux dires du présentateur, il devient le narrateur exclusif de l’histoire.

Autre aspect de ce gommage des frontières, celui de l’histoire proposée et de ses schémas narratifs qui, sous couvert de réalité, tendent vers des mécanismes dramatiques propres au genre de la fiction. Basée sur une expérience de groupe authentique, la vie des Lofteurs intéresse car, présentée sous forme d’épisodes rappelant la veine des sitcoms, elle repose sur du relationnel et génère inévitablement des conflits, des relations amoureuses, amicales, des réconciliations... Autant de situations visant à toucher l’affect de la cible qui, automatiquement, est invitée à s’identifier et à s’investir dans ces comportements humains.

Mais le phénomène de reconnaissance atteint son paroxysme par le biais des candidats eux-mêmes. Fonctionnant sous la forme d’une galerie de portraits, les participants doivent être représentatifs d’un échantillon de la population. Aussi, l’identité des Lofteurs est stéréotypée et construite de manière à être en adéquation avec les valeurs sociales et les pratiques de la cible. Par exemple, pour Loft Story, chaque figure des Lofteurs est ancrée dans des critères bien précis : Delphine est la jeune fille nature, Laure la bourgeoise, Jean-Edouard le charmeur, Philippe l’intello... Une fois de plus, la télé réalité fait appel aux ressorts de la fiction de manière à mettre en scène le quotidien. Par le biais de cette pratique, on assiste à une banalisation de la figure héroïque qui devient accessible à tous. En effet, les candidats, aux antipodes des héros traditionnels, ne sont pas parfaits, au même titre que les téléspectateurs qui une fois de plus se retrouve aisément en la personne de celui qu’il regarde. On assiste, dès lors, à l’émergence d’une mise en scène de l’ordinaire.

Ce concept vivement contesté pour son aspect voyeuriste a cependant remporté tous les suffrages du public et a été à l’origine d’émissions, qui bien que différentes par leur contenu, demeurent semblables dans leur forme : Star Academy, Koh Lanta, Le Bachelor, L’île de la tentation, La Ferme - où cette fois-ci les célébrités sont ramenées au rang d’anonymes - , Nice People... Si la télé réalité a tenté de se distinguer par son aspect « authentique », elle a, avant tout, conquis les fidèles par la place hégémonique qu’elle leur a accordée. En effet, dans ces programmes, le statut du téléspectateur est transposé, celui-ci n’est plus simplement « regardant », mais devient, avant tout, « participant. » Peut-être est-ce là, une des clés de son succès et de sa longévité ?