Toutelatele

Gilles Goujon (MasterChef) : « La cuisine, ce n’est pas la rigolade ! »

Nastassia Dobremez
Publié le 02/07/2015 à 19:10

Le 25 juin dernier, TF1 a donné le coup d’envoi de la nouvelle saison de Masterchef. L’émission, qui a essuyé un cinglant revers d’audience, a été entièrement repensée. Un nouveau jury est à la tête du concours culinaire. Frédéric Anton, Yves Camdeborde, Sébastien Demorand et Amandine Chaignot ont été remplacés par Gilles Goujon, Christian Etchebest et Yannick Delpech. Pour Toutelatele, le premier d’entre eux parle de cette nouvelle expérience et se confie sur les difficultés du métier de cuisinier aujourd’hui.

Toutelatele : L’aventure MasterChef vous a-t-elle beaucoup changé de votre quotidien ?

Gilles Goujon : Bien sûr ! C’était complètement différent ! En passant à la télé, j’ai découvert un autre vrai métier presque aussi dur que celui que j’exerce. Je m’imaginais que c’était facile, qu’il suffisait de prendre un micro, mais ce n’est pas vrai. On se lève tôt le matin, on finit tard le soir. Il y a des moments difficiles, de longues périodes d’attente où l’on ne fait rien, entrecoupés de 20 minutes d’enregistrement. Au début, c’était surprenant. Mais à la fin on arrive à s’y habituer.

Pourquoi avez-vous accepté d’y participer ?

Principalement parce que je voulais transmettre ma passion pour la cuisine. Je suis un compétiteur alors cette émission me plaisait par sa mécanique de concours. Et puis, c’est aussi une aventure humaine pour nous parce que l’on partage des moments incroyables. Il y a des séquences très touchantes, d’autres difficiles quand il faut séparer deux candidats avec qui on a passé un mois. On pleure tous, mais c’est le jeu ! [rires]

Comment s’est passé votre collaboration avec Yannick Delpech et Christian Etchebest ?

Nous nous sommes très bien entendus, ce sont de belles rencontres. On a lié des amitiés très rapidement. Ce qui n’était pas forcément évident au départ : on vit quand même tous les trois sept jours sur sept. Il faut pouvoir se supporter ! Mais il n’y a eu aucun problème, on a été « supporters » entre nous.

Qu’avez-vous appris les uns des autres ?

On a tous les trois les mêmes bases : le respect du produit, la bonne cuisine et la belle cuisson. Les différences se situent surtout dans notre façon de faire la cuisine : Christian est dans la bistronomie, il va faire le plat sans trop de techniques. Pourtant, le résultat sera très goûteux. Yannick va être plus dans le même travail que moi. On va chercher à surprendre le client, mais il a ce côté pâtissier que je n’ai pas.

Comment définiriez-vous votre cuisine ?

Elle est ludique, j’essaie de m’amuser et étonner les téléspectateurs. Si on casse un truc, de la fumée va en sortir. Des objets vont disparaître. Jusqu’au dernier moment, les gens ne savent pas quel goût aura ce qu’ils vont manger. En fait, j’essaie de démocratiser la cuisine en amenant des jeux. Je ne veux pas être guindé, chez moi on se marre !

« Ils ne nous écoutent pas forcément quand on leur explique comment faire une sauce, alors ce n’est pas sûr qu’ils nous écoutent quand on leur conseille de ne pas ouvrir un restaurant ! »

Quelles étaient vos relations avec les candidats ?

J’essayais de les réconforter. Après la journée de tournage, je discutais avec eux dans le foyer, j’en prenais quelques-uns pour leur remonter le moral, j’allais en voir d’autres qui pleuraient, car ils avaient raté leurs plats. Je les remotivais : on ne perd pas toujours définitivement dans la vie et dans MasterChef, il pouvait y avoir un rattrapage le surlendemain. Je me rappelle qu’un candidat est arrivé très loin après avoir fait quatre ou cinq séances de rattrapage. Parfois il fallait aussi les secouer. Mais c’était assez sympa comme ambiance !

Avez-vous été bluffé par certains cette saison ?

Bluffé, ce n’est pas vraiment le mot, surpris plutôt. Ils n’ont pas les mêmes codes que nous, car ce sont des amateurs. Donc ils vont là où il ne faut pas aller. Alors parfois le résultat surprend. Je me souviens qu’au début du programme, une candidate nous a envoyé une assiette affreuse, esthétiquement parlant. Il y avait des moules, du miel et du chorizo. Je me suis un peu moqué, j’appréhendais le moment fatidique où il allait falloir goûter [rires]. Ce n’était vraiment pas engageant ! Mais en fait, c’était bon finalement ! Je n’aurais jamais osé faire ça…

Les avez-vous encouragés à faire de la cuisine leur métier ?

Un jour, on était au foyer. Quand je demande à l’un d’entre eux ce qu’il veut faire après, il me dit qu’il veut ouvrir un restaurant de gastronomie. Je n’ai pas réagi sur le moment, car la caméra tournait. Mais en off, je lui ai vraiment dit ce que j’en pensais. Cela ne faisait que trois semaines qu’il faisait de la cuisine ! Avec Yannick et Christian, il nous a fallu 30 ans de carrière pour être chef gastronomique. Je lui ai demandé d’arrêter de rêver et de revenir sur terre ! La première chose à faire était tout d’abord d’essayer d’aller au bout de l’émission puis ensuite de continuer une formation. La cuisine, ce n’est pas la rigolade : à six heures du matin, il faut être au marché, à minuit on a pas encore fini la comptabilité. On ne peut pas pratiquer ce métier en dilettante ! La vie est tellement difficile pour les restaurateurs. Je ne voulais pas trop les encourager à faire cela, trop se plantent ! Après, ils ne nous écoutent pas forcément quand on leur explique comment faire une sauce, alors ce n’est pas sûr qu’ils nous écoutent quand on leur conseille de ne pas ouvrir un restaurant !

Que pensez-vous de la diffusion de tous ces programmes culinaires à la télévision ?

D’un côté, cela nous apporte de la notoriété, cela contribue à médiatiser notre profession. Mais en même temps, j’ai peur qu’avec ces émissions, on fasse croire à nos jeunes que l’on peut devenir grand chef en quelques semaines. Ce n’est pas vrai. Il y a peu d’élus, c’est comme dans le football. On peut néanmoins y arriver avec de l’abnégation et du boulot. Donc il faut faire très attention à l’image que l’on envoie. Je ne voudrais pas que des gamins se trompent à cause de nous. Ce qui me dérange par ailleurs, c’est que l’on parle toujours que des cuisiniers. Mais il y a aussi les serveurs, les chefs de rangs, les maîtres d’hôtel, les sommeliers… Ils sont souvent oubliés. Je le regrette.