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Haven > Anne Caillon, une frenchy à Hollywood

Tony Cotte
Publié le 09/11/2010 à 10:37 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:42

Héroïne des Montana sur TF1 et guest dans différentes fictions françaises, Anne Caillon a eu la « chance » de tourner dans Basic Instinct 2. Malheureusement pour elle, les producteurs américains en ont décidé autrement. Coupée au montage, la jeune femme a malgré tout assuré la promotion du film. Une déception qui n’a pas arrêté Anne Caillon pour autant. Notre compatriote a non seulement passé les essais pour le prochain film de Clint Eastwood (le rôle a été attribué à Cécile de France, son amie), tourné dans un long-métrage aux côtés de Diane Kruger et Djimon Hounsou ou encore fait une apparition le temps de trois épisodes de la série américaine Haven. Rencontre avec une petite française qui monte...

Tony Cotte : Les téléspectateurs de Syfy peuvent vous retrouver au générique de Haven, sous les traits de Jess Minion, une femme quelque peu énigmatique au premier abord. Par quoi avez-vous été attirée dans ce rôle ?

Anne Caillon : Le mystère autour de ce personnage est intéressant. C’est agréable quand on est une actrice de ne pas toujours donner dans la séduction ou la minauderie. Certes, Jess s’habille assez mal(rires). C’est quelqu’un de brut, qui va droit au but avec les gens. Son rapport avec le personnage de Nathan est intéressant : le fait de le brusquer et de le repousser dans ses retranchements est agréable à jouer. De toute façon, interpréter un personnage qui a du caractère, ça me plait.

Dans la série vous êtes censée interpréter une Canadienne. Votre accent étant assez peu prononcé. Avez-vous suivi des cours particuliers ?

J’ai appris l’anglais en Angleterre. Selon les producteurs de Haven, j’ai un accent franco-anglais. Je suis arrivée là-bas telle que j’étais, sans coach. Le premier jour, j’ai cru que j’allais devenir dingue, je voulais même me payer mon billet d’avion pour revenir (rires). Je devais à la fois être crédible en tant que Québécoise pour certaines phrases, tout en ayant un accent américain pour toutes les parties en anglais. Et ils me corrigeaient là où je devais bouffer les syllabes. Comme toutes les scènes pour mon premier épisode ont été tournées dans la même journée, le soir venu j’ai cru que ma tête allait exploser. J’avais vraiment besoin d’un verre de Pinot noir (rires). Mes autres apparitions ont été plus confortables. J’ai pu compter sur mes partenaires à l’écran. Ils ont enregistré mes phrases sur mon téléphone pour que je puisse m’entraîner et ne pas me faire reprendre toutes les trois secondes par la scripte.

Le tournage de Haven a eu lieu au Canada. Les conditions étaient-elles aussi idylliques que l’on peut l’imaginer ?

On était à cinquante kilomètres de Halifax, tout le monde avait son petit cottage au bord d’un lac. Mais il n’y avait « nothing » à part un resto qui fermait à 20 heures... et nos journées terminaient à 22 heures. Autant dire que si l’on ne s’entendait pas, ça aurait été la merde. Dieu merci, ils ont tous été « surcool ». Le producteur était sympa, il nous rassemblait tous et on faisait des barbecues tous les week-ends. Quand je revenais en France, j’avais pour mission de leur apporter du vrai vin français. Il faut dire qu’il coute cinq fois moins cher qu’au Canada car c’est avec ça qu’ils payent la sécurité sociale. Ce n’est pas dans la langue de bois, mais nous sommes tous des bons vivants et l’on s’est tous très bien entendu.

Après plusieurs participations à des fictions françaises, comment vous êtes-vous retrouvée au générique de l’américaine Haven ?

La production a demandé à ce que mon agent envoie une bande démo aux États-Unis. Ils ont regardé et ont adoré, mais ils ne comprenaient rien à mes scènes en français. Alors, avec une amie et un pote chef opérateur, nous avons enregistré une vidéo à l’arrache pour leur prouver que je savais parler anglais. J’ai envoyé ça et, dès le lendemain, ils m’ont proposée des billets pour le Canada ! Je n’ai appris que récemment qu’une employée de Syfy France avait aimé ma performance dans Engrenages. Il se trouve que Haven est une co-production internationale, et des gens de Londres m’avaient également vue dans Spiral (titre de la série Engrenages outre-Manche, ndlr) sur la BBC.

Votre participation à Basic Instinct 2 a-t-elle également eu une influence pour travailler de l’autre côté de l’Atlantique ?

Difficilement étant donné que je n’étais pas dans le film (rires). Oui je l’ai fait, ça a été une super expérience, Sharon Stone est très jolie et très agréable à embrasser. Mais les producteurs n’ont pas été honnêtes : ils m’ont prévenue que je n’étais pas dans la version américaine sinon Basic Instinct 2 aurait été classé « X-Rated », compte tenu d’une scène d’amour à trois. Pourtant, selon eux, sans mon personnage, on ne peut pas comprendre l’histoire. Ils m’ont alors demandé de faire de la promotion en France en sachant très bien que je n’étais pas non plus présente dans les autres versions du film. J’ai été conviée par plusieurs supports pour raconter mon expérience avec Sharon, sans savoir que j’ai été coupée au montage. Vous pensez bien que je n’aurais pas accordé des interviews pour faire la promotion d’un long-métrage dans lequel je ne joue pas. Ça m’a un peu blessée.


Cette mésaventure vous a-t-elle dissuadée de poursuivre une carrière internationale ?

Je ne peux pas regretter mon expérience de Basic Instinct 2, le tournage était vraiment fou. Tourner à l’étranger, c’est quelque chose dont on peut avoir envie, mais je n’ai aucune envie d’aller vivre à Los Angeles. En revanche, j’aimerais, si possible, travailler avec l’Angleterre. Ils produisent de bonnes fictions. Après, savoir parler une langue c’est une chose, se sentir libre sur un plateau avec cent personnes autour de soi n’est pas évident pour autant. Mais je pense que tourner dans Haven m’a un peu rassurée de ce côté-là.

Votre nom est annoncé pour faire partie du casting de Special Forces aux côtés de Diane Kruger. Pouvez-vous revenir sur ce projet ?

Diane Kruger peut-être, mais surtout Djimon Hounsou ! (Excitée) Je joue son épouse. D’ailleurs, il a fait récemment des photos Calvin Klein, elles sont juste dingues. Je n’en ai pas assez profité (rires) ! J’interprète une femme d’un homme des forces spéciales. Pour les besoins du rôle, on a rencontré des personnes qui vivaient vraiment cette situation et ce n’est vraiment pas facile. Mes scènes sont simplement au début du film pour comprendre que le héros a une vie de famille. Mais on s’est quand même fait des petits bisous... sans la langue !

Malgré tous vos projets, vous continuez à faire des apparitions pour le petit écran en France, dont Camping Paradis ou Paris enquête criminelle. N’est-ce pas un peu surprenant ?

Il faut bien payer ses impôts (rires) Pour Camping Paradis, je suis amie avec les producteurs. Le casting est quand même cool, le tournage a lieu dans le sud de la France et Princess Erika est une nana qu’il faut rencontrer au moins une fois dans sa vie. Et puis c’est TF1, c’est quand même bien rémunéré. On m’a reproché de ne pas faire les bons choix pour ma carrière, mais quand il m’arrive d’en faire, je le paye très cher. Il y a des choses que je ne ferai jamais, c’est sûr, mais j’espère que l’on va réussir un jour à dépasser ce truc où l’on juge ceux qui se dirigent vers le populaire ou la publicité. Les gens ont honte de faire les choses pour l’argent, mais tout le monde en a besoin. George Cloooney produit aussi ses films grâce à ses cachets pour les pubs Nespresso.

Considérez-vous vraiment Camping Paradis comme un travail alimentaire ?

Je préfère tourner à Martigues que de faire les cent pas chez moi en attendant que le téléphone sonne. Après tu n’es pas forcé de regarder. J’ai des amis stars très connus, mais à part elles, sur ma génération de l’école de la rue blanche (L’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre, ndlr) qui fait vraiment des choix aujourd’hui ? On s’imagine que tous les acteurs de France décrochent leur téléphone et demandent à jouer dans tel film ou telle série. Je l’avoue : j’ai eu à un moment donné le luxe de choisir et j’ai commencé à dire non à des propositions, mais simplement pour varier les personnages. Après UV avec Laura Smet et Jacques Dutronc, où j’ai eu le plus joli rôle, j’ai commencé à avoir une autre exigence, même si le film n’a pas marché. J’ai enchaîné avec Poltergay avec Julie Depardieu puis un téléfilm pour France 2 où j’ai obtenu un prix d’interprétation à Rome. À partir de ce moment-là, j’ai décidé que je ne voulais plus refaire des rôles similaires à ce que j’ai pu tourner par le passé.

Quels rôles avez-vous refusés ?

Une saga de l’été de TF1 par exemple. Faire la petite fille de Bernadette Soubirou et des séries flics classiques, ça ne m’intéressait plus. Mais quand vos beaux films ne fonctionnent pas ou que les directeurs de casting à la télévision pensent que vous rejeter tout en bloc, c’est vite difficile. Vos interlocuteurs pensent que vous prenez la grosse tête. Pour être honnête, j’ai eu un moment j’ai été mise un peu sur la touche pendant deux années. Les gens se vexent, ils ont leur sensibilité. C’est compliqué à la fois de se justifier quand on fait des choses populaires et également quand on refuse de les faire.