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Hervé Hadmar (Les Témoins) : « Une grande chaîne de télévision se doit d’avoir de belles séries »

Tony Cotte
Publié le 18/03/2015 à 19:50 Mis à jour le 08/04/2015 à 12:55

Quatrième collaboration entre Hervé Hadmar et Marc Herpoux, Les Témoins permet à son duo de créateurs d’approfondir le sillon du thriller. Les deux hommes semblent instaurer une véritable marque de fabrique pour la télévision après Les Oubliées, Pigalle, la nuit et Signature. Mais pas question pour eux de se reposer sur leurs lauriers. Hervé Hadmar, réalisateur, fait ainsi le point…

Les Témoins serait née d’une peur liée à l’enfance. Pouvez-vous revenir sur son origine ?

Hervé Hadmar : Quand j’étais petit, j’ai visité des maisons témoins et ça m’a toujours fait flipper. Il y a quelque chose de vraiment angoissant à prétendre avoir de la vie quand il n’y en a pas. De là à imaginer des cadavres dans ces maisons, il n’y avait qu’un pas…

Comment ce projet de série a vu le jour ?

J’étais en week-end romantique avec ma femme [Rires.] On ne connaissait pas le Tréport et on ne voulait pas trop s’éloigner de Paris. Finalement, ça n’a pas été du tout romantique ; j’ai passé mon temps à prendre des photos et des notes. C’est un décor incroyable pour un thriller, entre les falaises et le bruit des vagues sur les galets. J’ai associé les deux idées : le Tréport et les maisons témoins. J’ai tout de suite appelé Marc Herpoux [co-créateur, ndlr.] et je l’ai embarqué pour un week-end « romantique » à son tour [Rires.]

« Mon souhait était de proposer un thriller à la The Killing »

Comment décririez-vous Les Témoins ?

Après la Réunion [Signature, ndlr.] et Paris [Pigalle, la nuit, ndlr.], je voulais mettre mes chaussons et revenir à la maison. Mon souhait était de proposer un thriller nordique, à la The Killing ou Bron. C’est dans mon ADN. Ça commence donc comme un procedural très classique, avec un crime, des flics et des indices. Petit à petit, on va vers le thriller. Notre idée était de proposer un glissement progressif.

Le choix de Thierry Lhermitte est étonnant…

On n’a pas l’habitude de le voir dans ce registre, mais je me souviens d’Une affaire privée, de Guillaume Nicloux, où il incarnait un détective. Nous n’avons fait que reprendre son idée. J’ai proposé le rôle à Thierry et on s’est entendu tout de suite. Nous souhaitions reproduire l’histoire avec le casting : une jeune femme flic va mener l’enquête avec une légende de la PJ. Marie [Dompnier, ndlr.], une comédienne que le grand public ne connait pas encore, travaille ainsi avec une star.

La série n’a pas encore été lancée que la saison 2 est déjà évoquée. Qu’en est-il concrètement ?

A l’issue des six épisodes, il y aura toutes les réponses à toutes les questions et nous écrivons une nouvelle enquête de Sandra et Justin. Ce n’est pas à proprement parler une suite. On tente de le faire sur huit épisodes cette fois. Mais on sait comment ça fonctionne : si le public n’est pas au rendez-vous, ce projet restera au stade de l’écriture.

« Channel 4 proposera Les Témoins en prime-time et en français »

Vous ne cachez cependant pas votre confiance…

La série se vend très bien à l’étranger et a déjà été diffusée en Norvège. Channel 4 la proposera même en prime-time, en français. C’est la première fois que ça arrive pour France Télévisions depuis très très longtemps. Ça devait même être à l’antenne en Angleterre avant France 2, mais il y a avait Engrenages sur BBC4 et les Anglais ont préféré ne pas mettre deux séries en langue française en même temps…

Quel est selon vous l’attrait des chaînes étrangères pour Les Témoins ?

Si je pose la question aux acheteurs, on me répond que c’est la direction artistique globale. La distribution est également est un argument que j’entends souvent. Marie a beaucoup plu, notamment aux Anglais. Ils ont vu le premier épisode et ont demandé la suite. Ils l’ont achetée après le deuxième, sans voir la fin. BBC a fait une offre et Sky également. Les enchères sont montées un peu et Channel 4 a finalement décroché la mise. J’essaie de comprendre l’enthousiasme, mais tout cela est nouveau pour moi.

Peut-on dire que la roue tourne après la saison 2 avortée de Pigalle, la nuit pour Canal+ ?

C’est arrivé deux semaines seulement avant la préparation… Avec Marc, nous avons pu rebondir. Ça a surtout été terrible pour l’équipe. J’ai dû les appeler le lendemain pour leur dire qu’ils avaient eu tort de refuser les rôles sur d’autres séries et films. La raison de tout ça n’est pas artistique, mais c’est tout ce que je peux dire. Si on pose la question à Fabrice [de la Patellière, directeur de la fiction à Canal+, ndlr.], il dira que le scénario n’était pas assez bon. Vu qu’il y a eu des réunions tous les 15 jours pendant le développement pour faire le point, il aurait pu s’en rendre compte avant. La vérité est ailleurs…

« La fiction française doit beaucoup à Canal+ »

Travailler à nouveau avec Canal+ est-il exclu ?

Je remercie cette chaîne, car, sans elle, la première saison n’aurait jamais vu le jour. Je le pense sincèrement. Elle fait des séries formidables et la fiction française lui doit beaucoup. Je serais ravi de travailler à nouveau avec eux.

Quid du projet de film Pigalle ?

Il est toujours en écriture, mais je ne sais pas si ça se fera. Je préfère les séries. On me propose des projets de longs-métrages, mais aujourd’hui le cinéma d’un point de vue artistique… Il me fait de moins en moins rêver. J’ai quand même vu des films extraordinaires l’an dernier dans le genre polar/thriller : L’affaire SK1 et La prochaine fois je viserai le cœur.

La série semble être devenue votre support de prédilection…

C’est un bien culturel, au même titre qu’un livre ou qu’un film. Je compare d’ailleurs davantage la série que le cinéma à la littérature. Et en tant qu’objet culturel, c’est une valeur ajoutée pour un diffuseur. Aujourd’hui, une grande chaîne de télévision se doit d’avoir de belles séries.