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La saga 2007 > Tempêtes sur les JT (4/7)

Joseph Agostini
Publié le 04/08/2007 à 00:21 Mis à jour le 05/08/2007 à 19:31

Cinq ans après la première saga de l’été, qui racontait l’histoire de la télévision des années 80 à nos jours, Joseph Agostini revient sur ces cinq dernières années cathodiques, entre guerres d’audience et nouvelles tendances.

Les dieux de la télévision n’en démordent pas : Jean-Pierre Pernaut demeure le grand invaincu des JT français, toutes chaînes confondues. Celui qui fêtera ses 20 ans au 13 heures, l’année prochaine, ne s’est jamais fait battre pas la concurrence ! Avec 6 à 8 millions de fidèles, son journal reste une inépuisable vache à audience, avec la vie des régions pour principale mamelle. Pourtant, Jean-Pierre Pernaut en a vu passer, des cavaliers obstinés, des méchants loups aux dents longues, des toréadors en tenue de combat... France 2 n’a manqué ni d’audace ni d’imagination pour défier la bête d’audience de la mi-journée. En vain. Pourtant, en septembre 2004, la chaîne croyait enfin tenir le bon filon. La directrice de l’information, Arlette Chabot, en jubilait d’avance. Il faut dire que l’idée valait toutes les vaches à lait des rédactions du pays. Comme toutes les idées géniales, elle était très simple : mettre Christophe Hondelatte, le Monsieur faits divers de la chaîne, à la tête du Journal de 13 heures.

L’homme, capable de multiplier l’audience des dimanches de France 2 par deux avec Faites entrer l’accusé, était alors vu comme le seul, l’unique présentateur capable d’affaiblir Pernaut sur ses terres. Nouveau décor, nouveau générique : rien ne devait être laissé au hasard. Hondelatte annonçait les nouvelles debout, créait des débats et entretiens autour de sujets de société ou de la vie culturelle, terminait son JT par un sucré « Gardez la pêche »...

Mais sur TF1, Jean-Pierre Pernaut, son Musée du champignon de Saumur et ses spécialités du Poitou ne faiblissaient pas le moins du monde !
Trois mois après, France 2 obtenait toujours 18,5% de part de marché tandis que TF1 caracolait à plus de 50% ! Même si les 15/34 ans se retrouvaient plus dans le ton pêchu de Christophe Hondelatte que dans les cravates melon de Daniel Bilalian, le bilan était déjà, il faut bien l’avouer, triste à pleurer.

Ajoutez à cela les pressions internes, les angoisses personnelles et un portrait indélicat dans Libération... Le 28 janvier 2005, Christophe Hondelatte fuit le 13 heures comme s’il avait en face de lui le sanglier de Provence dont Jean-Pierre Pernaut vante les mérites ! Benoît Duquesne prend alors le relais au pied levé, rapidement remplacé par Elise Lucet... S’il arrive à l’audience de frétiller, Pernaut peut encore dormir sur ses deux oreilles. Ce n’est sans doute pas demain la veille que France 2 créera la formule du 13 heures capable de déloger les marmottes de Savoie de leur seul et unique terrier médiatique sur TF1.


A ce propos, on pourrait croire la Une parfaitement hostile au changement « révolutionnaire » sur son antenne, surtout lorsqu’il s’agit d’informations. En effet, Jean-Pierre Pernaut n’est pas le seul à faire le plein d’audience. Claire Chazal et Patrick Poivre d’Arvor n’ont, eux non plus, aucun mal à balayer la concurrence en sifflotant. Juillet 2006, pourtant, TF1 bousculait un peu les bonnes et ronronnantes habitudes en dévoilant l’identité de son joker de l’été, Harry Roselmack ! D’origine martiniquaise, ce journaliste de 33 ans, qui a débuté sur i>Télé et Canal +, se retrouvait « dans le poste » de Monsieur et Madame Tout le monde, avec l’obligation de leur plaire et de ne pas surtout pas réveiller leur haine de la différence. Il faut dire que le beau gosse, de par son physique de vainqueur et son regard persuasif, ne risquait pas d’inspirer la méfiance. Résultat des courses : pas de mauvaise surprise ! Harry Roselmack a gagné sa place de joker et de présentateur de 7 à 8, le magazine d’information dominical de TF1, aux côtés d’Anne-Sophie Lapix.

Ces cinq dernières années, les JT ont connu des tornades moins exceptionnelles mais tout aussi médiatiques, comme l’arrivée de Laurent Delahousse sur France 2 en 2006, ou celle de Marie Drucker sur France 3, en 2005. A chaque fois, il est question d’améliorer l’image et la qualité d’une télévision publique, soucieuse d’être jeune et compétitive. Pour le premier, blond et athlétique à souhait, tout laissait à penser qu’il ne serait pas longtemps simple joker des JT du week end. David Pujadas le pressentait avant tout le monde... Si l’ancien présentateur de Secrets d’actualité sur M6 venait sur France 2, ce n’était pas pour servir de doublure à Béatrice Schonberg... surtout si celle-ci était appelée à devenir la femme d’un ministre nommé Jean-Louis Borloo ! Schonberg s’éclipsa comme prévu et Laurent Delahousse a aujourd’hui le JT du week end pour lui tout seul ainsi qu’un magazine (Un jour, un destin).

Marie Drucker, elle, serait une Béatrice Schonberg en plus jeune, en ce qui concerne ses idylles. Voilà la nièce de Michel et la fille de Jean aux bras du député UMP de l’Aube, Ancien Ministre de l’Outre Mer, sous Jacques Chirac, François Baroin. Ce dernier n’étant pas dans l’actuel gouvernement, la belle Marie sera évidemment aux commandes du Soir 3 l’année prochaine. Un Soir 3 taillé sur mesure pour elle par la chaîne soucieuse de bichonner l’une de ses meilleures journalistes, adulée de toutes parts et vue par Michel Drucker comme « la seule présentatrice de France à présenter le JT sans prompteur » ! Revoyez votre copie, cher Michel, votre nièce s’adonne en effet à cet art de lire ses papiers plutôt qu’un écran... mais Jean-Pierre Pernaut le fait tout aussi bien !

Quant à M6, en lançant son 12.50, en 2005, avec Anne-Sophie Lapix, puis Nathalie Renoux, elle avait la ferme intention de se lancer dans la guerre des JT quotidiens. Si l’enjeu est périlleux et que l’audience tarde à exploser, le pari s’inscrit sur le long terme et demande de la patience à l’heure où les programmateurs attendent du chiffre sans tarder. L’information, pour la sixième chaîne, reste une terre de conquête. Il s’agit pour elle de lentement s’immiscer sur le créneau de ses « grandes sœurs », qui n’ont aucunement l’intention de lui rendre la tâche facile.