Toutelatele

Les confessions d’Amanda Sthers

Tony Cotte
Publié le 03/05/2008 à 13:45 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:41

A l’heure où la folie Mai 68 s’est emparée du paysage audiovisuel français, Toutelatele.com est parti à la rencontre d’Amanda Sthers, auteure et scénariste à succès. Cette trentenaire dynamique ajoute, aujourd’hui, une corde de plus à son arc en passant devant la caméra pour raconter les événements sociaux d’il y a quatre décennies. Rencontre avec une femme engagée qui, pour la première fois, n’est pas interrogée sur sa relation (ou sa rupture) avec l’interprète de Casser la voix...

Tony Cotte : Livres, scénarios, chansons et même sketchs : l’écriture est inhérente à toutes vos activités. Pourquoi la présentation aujourd’hui avec Un jour, une photo sur Paris Première ?

Amanda Sthers : C’est un rendez-vous ponctuel et l’expérience me tentait. Je ne suis pas présentatrice d’une émission quotidienne, ce côté événementiel m’intéressait avant tout. Je n’ai pas abandonné l’écriture pour autant puisque j’ai participé aux textes. Nous avons également choisi les illustrations en commun avec l’équipe de Paris Première.

Tony Cotte : Samedi 3 mai, les téléspectateurs pourront découvrir la première photo, « L’occupation à la Sorbonne ». Est-ce un choix justifié par votre scolarité ?

Amanda Sthers : Ce sont, effectivement, les décors de mes années d’étudiante. Par cette photo, je voulais parler de la jeunesse de mon père. Il faisait partie de ces jeunes un peu révolutionnaires et était heureux d’avoir participé à ce mouvement pour l’héritage social qui en a découlé. Je me souviens que nous avions fait la fête chez moi lorsque Mitterrand a été élu.

Tony Cotte : De nombreux médias comparent les révoltes sociales d’aujourd’hui à mai 68. Selon vous, il y a-t-il un amalgame ou un réel rapprochement ?

Amanda Sthers : Je ne pense pas que ce soit comparable. Il y avait plus d’utopie à l’époque et une certaine candeur malgré la violence. La jeunesse était un tout. La donne a changé, j’ai l’impression qu’aujourd’hui les gens sont ensemble derrière leur ordinateur à travers Facebook. La dernière fois que j’ai pu sentir ce genre de ferveur, c’était après le passage du Front National au second tour des élections.

Tony Cotte : En France, la tendance veut qu’il y ait deux camps : les nostalgiques de mai 68 et les railleurs. Faites-vous partie de ce premier ?

Amanda Sthers : Peut-être pour l’atmosphère et la volonté de changer les choses, mais je ne suis pas du tout nostalgique de l’époque. On a fait beaucoup de progrès depuis, grâce à mai 68 justement...

Tony Cotte : Après le soutien pour votre ami Bertrand Delanoë, votre apparition sur la liste de Lili Gion lors des dernières municipales de Neuilly-sur-Seine et le fait de raconter aujourd’hui mai 68, doit-on s’attendre à une Amanda Sthers davantage impliquée dans la vie politique ?

Amanda Sthers : J’ai toujours été très politisée. Le rôle d’un écrivain est de véhiculer des idées et des sentiments. Ma participation à la liste de Lili Gion lors des municipales était avant tout un clin d’œil pour la culture à Neuilly et une envie de changer le systématisme d’une droite installée (rires). Je parlais déjà de l’Afghanistan dans mon deuxième roman, Chicken Street, traduit dans de nombreux pays. Dans mes interviews à l’étranger, les journalistes m’ont souvent interrogée sur mes opinions politiques...

Tony Cotte : Peut-être leur curiosité est-elle attisée par votre franc parler comme quand vous déclarez à l’antenne de RCJ : « En France on est dans un pays arabe où il y a des intérêts financiers (et) électoraux » ?

Amanda Sthers : Ces propos ont été sortis de leur contexte via le site de Dieudonné. En réalité, je disais que la France est un pays communautariste. Bien sûr, il y a des intérêts avec certains pays arabes, mais c’est plus large que cela. Quand on a le droit de parole et la chance comme moi de pouvoir s’exprimer, il faut dire les choses. J’ai été récemment choquée de voir le manque de sanctions contre la Chine avec la situation au Tibet alors que l’on a fait un tollé quand les Américains se sont rendus en Irak. Il manque une voix qui s’élève dans le milieu politique, Rama Yade reste trop sage. Je suis également choquée que Kouchner ne démissionne pas quand Kadhafi vient à Paris.


Tony Cotte : « Ressemble t-on vraiment à l’image que l’on renvoie ? » : Telle est la question soulevée dans votre pièce Le vieux juif blonde. Avec vos différents propos autour du débat israélo-palestinien et votre côté 68tard et engagé, on possède des éléments de réponses à votre sujet...

Amanda Sthers : J’ai toujours eu un décalage avec mon apparence de jeune fille sage et blonde (rires). Je ne me suis pas beaucoup exprimée de moi-même sur le débat israélo-palestinien, ce sont les médias juifs qui me posent des questions. Je partage avant tout la souffrance du peuple Palestinien, mais il faut juste rappeler qu’Israël n’en est pas la seule raison. C’est un territoire pris dans un étau et devenu une caution à des pays arabes qui commettent des exactions terribles. Israël est la seule démocratie du Moyen-Orient, et surtout la seule qui s’autocritique. Le cinéma et les intellectuels juifs n’hésitent pas à dénoncer quand l’État se conduit mal envers les Palestiniens. J’espère juste que des membres de l’autre bord puissent en faire de même pour arriver à un accord et que tout le monde vive en paix.

Tony Cotte : On ne peut donc pas parler d’ « esprit contestataire » vous concernant ?

Amanda Sthers : Il s’agit plutôt d’un esprit critique et humaniste. Étant née juive, je ne suis pas du tout bloquée et aveugle sur Israël ni sur le reste.

Tony Cotte : Vous allez prochainement vous consacrer à votre premier film, Je vais te manquer, dont le tournage est annoncé pour le mois de septembre. Passer de l’écriture de scénarios à la réalisation, est-ce la suite logique dans un plan de carrière ?

Amanda Sthers : Je ne pensais pas arriver au métier de réalisatrice, du moins pas aussi rapidement. C’est une insistance de la directrice d’UGC et de mon producteur, j’en suis touchée et j’essaye de le faire au mieux. C’est un souhait inavoué qu’ils ont su révéler. Maintenant, je dois redoubler de travail...

Tony Cotte : Là encore, vous êtes à l’origine du scénario. Vous n’abandonnez finalement jamais la plume !

Amanda Sthers : Si je vais dans plusieurs domaines, mon idée de base, elle, reste la même : raconter des histoires. Certes, les moyens sont différents, mais toujours par l’écriture. Je vis à travers les histoires que je raconte. Réaliser un film, finalement, c’est le prolongement du même métier.

Tony Cotte : Pouvez-vous nous dévoiler le synopsis ?

Amanda Sthers : Des destins se croisent dans un aéroport et influent les uns sur les autres. C’est un vrai mélange de genres avec de la comédie romantique, du social et du burlesque. On passe du rire aux larmes, ça ressemble à la vie...

Tony Cotte : C’est une description qui revient souvent dans vos différents travaux...

Amanda Sthers : C’est vrai, j’ai du mal avec les genres. J’espère qu’ils n’existeront bientôt plus, l’art est impossible dans ce cas. Je refuse d’admettre qu’il y ait qu’une seule catégorie dans un film ou un livre. De sourire au milieu d’une situation grave ne rend pas les choses moins intelligentes...

Tony Cotte : Si l’expérience de votre premier film se déroule avec succès, pourquoi ne pas réaliser l’adaptation cinématographique de Chicken Street dont vous avez, à ce jour, toujours refusé de céder les droits ?

Amanda Sthers : Je ne pense pas devenir une réalisatrice qui va faire des films tous les deux ans. Mon métier reste l’écriture. Je vais te manquer reste une expérience, je verrai bien comment elle évolue. Mais cela demande beaucoup de temps et d’énergie que j’ai envie de mettre, en priorité, au service de mes romans. Je n’ai pas de plan de carrière, mon idée de ce métier est d’aller là où j’ai envie à certains moments de ma vie...

Tony Cotte : Quand on s’appelle Amanda Sthers, que l’on réalise des pièces à succès et des best-sellers traduits dans le monde entier, peut-on réellement se considérer comme une artiste libre loin de la pression des producteurs et éditeurs ?

Amanda Sthers : Mon prochain roman sera disponible pour la rentrée littéraire, il n’était pas prévu mais mon envie d’écrire a été plus forte que tout. Je vis à l’instinct... c’est vraiment un métier d’instinct.