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Michel Nougué (directeur de la marque M6) : « Chez M6, on a une écriture et une logique qui a un sens par rapport à notre marque »

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Directeur exécutif en charge des contenus
Publié le 11/01/2016 à 16:55 Mis à jour le 13/01/2016 à 10:51

M6 a mis en place fin 2015 un nouvel habillage avec de nouveaux jingles pub, des bandes-annonces revisitées et des idents flambants neufs. Michel Nougué, directeur de la marque M6, est revenu pour Toutelatele sur les caractéristiques majeures de cet habillage et ses objectifs. Rencontre.

Benjamin Lopes : M6 arbore un nouvel habillage depuis la fin de l’année 2015. Pourquoi avez-vous choisi de le faire évoluer cinq ans après le précédent ?

Michel Nougué : Les habillages ont besoin d’être rafraîchis de plus en plus régulièrement. M6 en est à son quatrième changement depuis 2003. La consommation télévisuelle étant ce qu’elle est, l’usure est de plus en plus importante. On a vécu quasiment 15 à 20 ans avec le même habillage. Aujourd’hui, nous sommes obligés de faire des changements réguliers.

Quelles sont, selon vous, les périodes majeures de l’histoire de l’habillage de M6 ?

Il y a des grandes étapes marquantes dans l’histoire de la chaîne. Le premier habillage, après la naissance de M6, a duré quatre semaines. On est ensuite resté très longtemps avec les jingles alliant le « M » et le six. En 2003, on a séparé le « M » et le six pour en faire un produit vivant. Et puis 2007 a marqué un virage avec le logo qui a basculé en trois dimensions. Ça a eu beaucoup de conséquences sur l’habillage visuel de la chaîne. En 2010, on a fait le ménage de cette version. On l’a épurée, on lui a apporté plus de transparence pour plus de légèreté. C’est notamment l’apparition des plaques de verre.

Pourquoi avoir opté pour la 3D là où certaines de vos consœurs européennes misent encore sur la 2D ?

Cela vient d’un constat assez simple. La TNT était née deux ans avant et on était entré dans une position où M6 était statutaire. On se devait de retrouver un statut par rapport aux autres chaînes du marché et on est entré dans une logique où l’on devait prendre un peu de poids. Personnellement, je ne suis pas absolument partisan de la 2D ou la 3D. Je pense qu’il y a des exécutions qui s’y prêtent et d’autres non. Le travail qui a été fait par ITV en deux dimensions en Angleterre par exemple est remarquable, mais il coûte relativement cher, typiquement car c’est de l’utilisation d’images réelles avec un système automatisé pour détecter la couleur du logo. C’est complètement dingue comme projet, mais c’est génial.(voir l’ident d’ITV) Quand on connaît l’histoire, c’est un gouffre financier avec dix-huit mois de travail et six agences autour de la table. Au final, c’est vrai qu’il y a un retour du « flat design » dans les tendances graphiques des habillages en Europe.

Avec ce nouvel habillage, quels changements majeurs M6 a-t-elle voulu apporter ?

On est reparti en se focalisant sur l’idée que le six était l’élément important de distinction de la chaîne. On a ainsi replacé le six au centre de l’habillage de la chaîne, comme la marque. En 2010, le logo de M6 volait et la caméra tournait autour. Là, le logo est systématiquement posé au centre des jingles, et puis il a un effet magique qui change un peu la vie des gens à chaque fois qu’il tourne sur lui-même. On a retrouvé un peu aussi l’esprit des petites histoires qu’on avait à l’époque de la première génération de l’habillage.

« J’ai une conviction très forte en habillage, c’est la structuration dans la continuité »

Quelle agence a conçu ce nouvel habillage ?

C’est Barjabulle qui s’en est occupé. On a notamment travaillé avec Sylvain Sauger et les équipes créatives. Ils maîtrisent très bien la marque M6. C’est un projet qui a été mené par Jean Marie Julhes (Directeur artistique de M6) dans mes équipes. Il connait nos collaborateurs de chez Barjabulle puisque ce sont des anciens de chez View qui avaient travaillé pour W9.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour mettre en place ce nouvel habillage ?

C’est un développement qui a été assez long pour de nombreuses raisons. Le principal point de départ a été la dynamique. Par exemple, l’apparition des hashtag à l’écran. C’est quasiment toute l’antenne de M6 qui est pilotée automatiquement aujourd’hui. Il a fallu qu’on coordonne tout ça. Au-delà de ça, c’est un outil important et les développements sont donc un peu longs.

Le logo M6 reste au cœur des jingles pub et il est mis en situation. Est-ce une caractéristique de votre cahier des charges ?

J’ai une conviction très forte en habillage, c’est la structuration dans la continuité. La direction à suivre a toujours été focalisée autour de la marque. À la base, c’était une question de survie, aujourd’hui c’est une question de fierté. Dans le futur, avec l’intensification de la délinéarisation, le rôle de la marque et son poids vont devenir fondamentaux. Ça fait partie des discussions que l’on a avec la direction de la chaîne, sur l’importance du rôle central de la marque qu’on exécute. C’est culturellement inscrit dans toutes les chaînes du groupe M6 d’ailleurs.

Dans ce nouvel habillage, vous avez encore plus misé sur la transparence, notamment sur le logo et sur les effets de transition, tout en intensifiant la profondeur. Pourquoi avoir opéré ces choix ?

Il y a tellement d’éléments à l’antenne, notamment dans les packs d’autopromo, qu’il est devenu une nécessité à l’image de créer différents niveaux de lecture. En parallèle, on s’est focalisé sur le six du logo, car le « M » est extrêmement difficile à exploiter aujourd’hui dans cet habillage. Le six reste le dénominateur commun de tout le groupe M6. C’est donc une volonté que tous ces éléments communs soient liés. 6play est d’ailleurs la première expression de cette idée-là.

M6 reste une chaîne historique premium. Comment cet habillage permet-il de se démarquer par rapport aux chaînes de la TNT qui utilisent aussi la 3D et mettent leur logo au centre de l’habillage ?

Je pense qu’aujourd’hui le marketing global de l’antenne prime. Les éléments de l’habillage sont essentiels, mais la capacité qu’on a à avoir un habillage fort, dynamique, extrêmement bien structuré et professionnel est partie intégrante de cette stratégie. Il faut aussi qu’il y ait une cohérence entre l’offre produit et la marque. On peut toujours faire semblant et les certaines chaînes de la TNT, de première ou deuxième générations, sont arrivées avec des habits de grandes. Au final, on reste dans des échelles de prix qui sont très différentes. On est souvent dans un rapport d’un à trois en termes de moyens entre un habillage pour une chaîne comme M6 et une chaîne de la TNT. On le voit notamment au nombre de jingles. M6 a une très grande capacité, même si elle n’atteint pas celle de TF1 qui avoisine 80 à 90 jingles par an, avec environ 50 jingles produits par année. Ce n’est pas le cas des chaînes de la TNT.

« M6 avait pu être un peu lourde en 2007 en mettant en place un gros logo un peu massif et monolithique à l’instar de ce que peut faire TF1 »

Avez-vous pu être influencé par des habillages européens ?

C’est certain qu’on est influencé. Ce sont des influences graphiques ou encore dans les techniques. Cependant, chez M6, on a une écriture et une logique qui a un sens par rapport à notre marque. Il n’y a que les chaînes françaises qui utilisent les habillages de cette manière-là. Typiquement chez les Anglais, l’habillage a très peu de place, car ils préfèrent servir leur discours avec des idents. Chez nous, la partie graphique de l’habillage est omniprésente. Les jingles pub sont un enjeu majeur alors qu’ailleurs le « break-bumper » est très discret. Aujourd’hui, l’effort apporté pour nous en termes d’investissements et de développement est essentiellement sur le discours corporate de nos chaînes et sur la capacité à développer des messages de marque, comme ce qu’on a fait à Noël ou à la rentrée. C’est ce qui crée la différence et la liaison avec le téléspectateur.

On ne peut pas parler de réel changement avec cet habillage par rapport à 2010. Pourquoi ce choix ?

On ne voulait pas de rupture à l’antenne, notamment pour des raisons économiques ; il faut l’avouer. C’est un habillage dans la continuité. Il est fort probable qu’il ait une durée de vie plus courte que les précédents habillages. On le fera sans doute évoluer plus rapidement.

M6 a proposé une bande-annonce spéciale avec les visages de la chaîne pour Noël. En quoi correspond-elle à la copy stratégie de la chaîne ?

Elle est relativement simple puisqu’on dit aux gens qu’on les aime. On continue à rêver ensemble et la télévision est là pour ça, notamment M6. La force de la chaîne est de proposer aux gens des temps de respiration forts. Nos amis de chez TF1 sont par exemple venus nous chercher sur des territoires de proximité. Nous on le fait avec notre simplicité et l’âme de M6. On ne s’est jamais trop pris la tête avec des animateurs qui ont la facilité d’accès. On arrive à traduire ça à travers ce message, avec un rappel à l’enfance qui reste magique.

M6 est l’une des rares chaînes à continuer à investir dans les bandes-annonces spéciales incarnées par les animateurs. Quel est l’objectif concret de ces autopromotions coûteuses pour la chaîne ?

Il y a deux choses. Tout d’abord, l’importance du moment de l’année pour les gens. Il est nécessaire de marquer les esprits, comme à Noël. Le ton que l’on emploie peut alors être différent. La deuxième chose c’est que je pense qu’il est fondamental de recréer le lien avec le téléspectateur. M6 est une chaîne de proximité depuis toujours. C’est important à un moment donné de le signifier à travers ces bandes-annonces, d’être présent auprès de nos téléspectateurs et de réincarner la chaîne. C’est aussi une différence par rapport aux chaînes de la TNT, car on montre qu’on est vivant. Je suis par exemple stupéfait qu’on ne dise plus bonjour sur les chaînes de télévision, comme à une époque. C’est pourtant la moindre des choses dans la relation humaine.

« Ce qui est difficile dans la construction de l’habillage c’est de voir la continuité »

Vous militiez donc pour le retour des speakerines ?

C’est mon rêve, mais on peut trouver plein d’idées pour retrouver cette logique. Ce sont des sujets desquels ont discute d’ailleurs chez M6. Les Anglais prennent par exemple la parole en contextuelle entre les programmes, et, pour moi, c’est une idée absolument géniale. Ça montre qu’il y a des personnes qui font la chaîne et que ce n’est pas juste un robinet à diffusion. Avec la digitalisation, c’est important de la rappeler.

L’intervention de speakers est-elle une piste que pourrait suivre M6 ?

Les chaînes anglaises ont la chance de pouvoir faire intervenir à peu près cinq speakers qui peuvent venir très régulièrement. Pour un groupe comme M6, avoir autant de speakers à temps plein, ce n’est pas forcément évident. Mais on est dans des réflexions en ce sens et je promets que dans l’année, il y a des idées qui vont jaillir dans ce sens-là.

Comment arrivez-vous à mesurer l’impact d’un habillage comme celui de M6 ?

Il y a des gens qui font des études chez M6 et qui font un fond de marque. On sait donc l’affinité du public à l’habillage. Ensuite, le ressenti global des gens peut se voir sur internet et les réseaux, c’est incroyable. Un habillage qui ne marche pas, ce n’est pas tellement le public qui va vous le dire, c’est l’ensemble de l’antenne qui paraît incohérente. En 2010, les gens ont par exemple directement identifié que la transparence était l’un des éléments principaux de l’habillage. Il est vrai qu’on avait été un peu lourd en 2007 quand on a voulu être encore plus statutaire. On avait mis en place un gros logo un peu massif et monolithique à l’instar de ce que peut faire TF1. On avait eu des commentaires sur cet aspect. Ce qui est difficile dans la construction de l’habillage c’est de voir la continuité. C’est toujours facile de faire des maquettes d’autopromotion avec Bones et des grands films, mais quand vous traitez les magazines, ça devient tout de suite un peu moins sexy. Il faut faire très attention à tout ça.

On a aussi pu aussi remarquer l’intégration de jingles pub au milieu des écrans publicitaires. Pourquoi ce choix ?

C’est un exercice de style que l’on fait avec la régie publicitaire. L’idée est relativement simple. On a mené des études d’efficacité de l’attention des téléspectateurs pendant les messages publicitaires. Avec ce système, l’attention revient. Le produit est donc efficace. On valorise l’écran qui est derrière. C’est une façon d’aborder la réglementation française.