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Odysseus : le soap mythologique d’Arte

Claire Varin
Publié le 13/06/2013 à 20:29 Mis à jour le 19/06/2013 à 11:46

C’est la seconde série événementielle d’Arte, après Ainsi soient-ils. Odysseus , librement adaptée de L’Odyssée d’Homère, arrive en prime time sur la chaîne franco-allemande ce jeudi 13 juin 2013. Judith Louis, directrice de l’unité fiction de la chaîne, parle d’un nouveau « pari narratif » autour d’une volonté d’aborder la fiction historique et les mythes fondateurs. Arte voulait de la saga, du romanesque et des thèmes universels. C’est le cas avec cette coproduction internationale, tournée au Portugal, créée par Frédéric Azémar (Un village français) et réalisée par Stéphane Giusti (Les Bleus, premiers pas dans la police). Ici, on parle de la famille, du pouvoir et du traumatisme de la guerre.

D’abord imaginée par Frédéric Azémar comme une série en quatre saisons et vingt-quatre épisodes autour de la vie de Télémaque, fils d’Ulysse, Odysseus est finalement une mini-série de douze épisodes, articulée en deux mouvements : l’attente et le retour du héros. Durant toute la première partie, on a clairement envie de chanter un refrain bien connu « Ulysse revient !!! ». Le héros (Alessio Boni) se fait attendre par tout le monde, personnages et téléspectateurs. L’occasion de mettre en scène les luttes de pouvoir et de mettre en avant Pénélope, l’épouse abandonnée. Se dessine alors un portrait de femme, incarnée par Caterina Murino.

« Pénélope a le pouvoir. Elle tient l’île durant vingt ans. Et en même temps, elle n’existe qu’à travers l’absence d’Ulysse. Si Ulysse revient, elle s’efface, elle n’est plus que la femme du roi » explique le réalisateur, qui a vu en Murino, la comédienne « idéale » car elle alliait « un charisme réel et une jeunesse ». Pour l’actrice italienne, dont la mythologique Grecque fait partie de sa culture, accepter ce rôle était « une évidence ». Car le scénario proposait « une vraie connaissance de la mythologie grecque, tout en offrant une autre vision. Cela changeait d’une Pénélope toujours dans sa chambre à pleurer. » Elle confie « La plus grosse difficulté était d’arriver à comprendre, moi femme d’aujourd’hui, comment une femme de l’époque a pu supporter vingt ans d’absence, toujours accrochée à cet amour et à cette image d’homme qu’elle avait dans sa tête, sans photo, sans enregistrement de sa voix. »

Frédéric Azémar souhaitait ainsi s’intéresser à Penelope, d’abord, mais surtout à Télémaque. La série raconte la confrontation entre le fils et le père, avec une touche œdipienne. Télémaque est « doublement castré », raconte son interprète Niels Schneider. « D’abord, par le mythe de son père écrasant parce que c’est un fantôme. Et par Pénélope, qui l’étouffe. » Et sur l’île d’Ithaque, la famille se déchire. « Deux partis politiques s’opposent », renchérie Caterina Murino. « Une vision de guerre et de vengeance d’Ulysse et une vision de justice de Pénélope. » Car le héros se révèle être un tyran. Et autour de cette famille royale gravitent prétendants et esclaves troyennes. Des personnages secondaires portés par un casting solide (Bruno Todeschini, Joseph Malerba, Karina Testa, Augustin Legrand).

Odysseus n’est pas spectaculaire, mais le voyage est captivant. La série colle à ses personnages et trouve la couleur du soap opéra par une mise en valeur des dialogues, souvent bons, et une mise en scène parfois théâtrale. Cette théâtralité est un parti pris artistique : « Ils sont prisonniers. Pour moi, Ithaque est une prison. Ça a été filmé comme tel. On ne sait jamais où ils sont », explique Stéphane Giusti. « Ensuite, ils sont tout petits dans d’immenses décors. Cette théâtralité vient de là. Ils sont seuls. Qu’il n’y ait pas beaucoup de monde est aussi une volonté. Et à l’époque, ce n’était pas d’immenses villes. C’est normal qu’ils soient seuls. Il s’agit de montrer la solitude à travers les images, avec des plans larges. Au début, il y a très peu de gros plans. Ça vient après avec le retour d’Ulysse. C’est lui qui ressert l’intimité de la famille. Mais au début, ils sont un peu perdus dans cet univers concentrationnaire. »