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Philippe Gougler (Des trains pas comme les autres) : « Le succès de l’émission est la plus belle des récompenses »

Paul Gratian
Publié le 10/08/2017 à 19:17

Créée en 1987, l’émission Des trains pas comme les autres est incarnée depuis 2011 par Philippe Gougler. Après l’Indonésie, la Finlande et le Chili, il se rendra en Russie, ce jeudi 10 août à 20h50 sur France 5. Entre coulisses et rencontres inoubliables, l’animateur revient sur ses souvenirs de voyages.

Paul Gratian : Depuis vos débuts à Des trains pas comme les autres en 2011, l’émission a-t-elle changé ?

Philippe Gougler : Les émissions évoluent toujours avec de petites retouches chaque saison pour améliorer le programme, mais globalement, l’idée reste la même. Grâce à des parcours en train, on propose un voyage dans des lieux inattendus qui permettent de faire des rencontres. Le train est un endroit incroyable, car il y a un petit plaisir du hasard. Ces éléments sont restés tout comme les rencontres hors des trains qui sont toujours étonnantes avec beaucoup d’humanité.

Il y a de nombreuses émissions de voyages sur France 5. Qu’apporte Des trains pas comme les autres en plus ?

La principale particularité est le train. Ce mode de transport est un moyen merveilleux pour faire des rencontres, car c’est comme une petite cabane dans laquelle on se déplace. On se sent à l’aise, mais, en même temps, cela nous amène ailleurs. Ce contraste entre l’évasion et le confort crée du rêve. Quand on est dans un train au bout du monde pendant sept à huit heures, du contact se crée forcément. Mais comme il y a de la place, on n’est jamais contraint de parler avec son voisin, le contact se fait par plaisir. Tout cela favorise les rencontres.

« Le train est moyen merveilleux pour faire des rencontres, car c’est comme une petite cabane dans laquelle on se déplace »

Avez-vous gardé des contacts avec certaines personnes rencontrées lors de voyages ?

Quand on est au bout du monde, c’est assez difficile donc on garde contact par des SMS, des messages whatsapp… Ce matin même, je répondais à un mail d’un garde d’un parc tanzanien qui nous avait emmenés voir des hippopotames. Il avait un fusil plus gros que lui, car c’est un animal parmi les plus dangereux du monde. On était monté dans une barque toute légère en aluminium au-dessus des hippopotames. Ce type d’aventure, à la fois inquiétante et excitante, crée des liens forts donc on garde le contact.

La présence d’une équipe de tournage et de caméras modifie-t-elle les rencontres selon vous ?

Oui forcément, mais j’ai toujours réussi à garder un côté spontané auquel je tiens beaucoup. La part d’humanité que l’on va chercher chez les gens ne peut passer que si on reste assez naturel et simple. Avec les équipes qui m’accompagnent, on veille à être le moins envahissant possible et le plus naturel. On réussit comme cela à garder des moments qui restent vrais.

« On pourrait tourner quelques numéros en France. Je suis sûr qu’il y a des pépites que l’on ira découvrir un jour ou l’autre »

Comment choisissez-vous les destinations ?

Le premier critère est la présence de train. C’est souvent un puzzle complexe, car il faut tenir compte à la fois de ce qui a déjà été fait, de pays où il y a des trains, de la bonne saison pour tourner… En plus de cet assemblage de paramètres, il y a bien sûr nos envies personnelles qui jouent.

Est-ce difficile de trouver de nouveaux trains et des parties du monde que vous n’avez pas encore explorées ?

Oui, il y en a encore beaucoup où je ne suis pas allé. Par exemple, je ne me suis jamais rendu en Chine alors que ce pays regorge de trains fabuleux. J’aimerais aussi découvrir la Colombie où il y a quelques trains très atypiques. Le principe de l’émission repose sur des trains pas comme les autres donc, même dans les pays avec peu de transport, les rares trains présents sont vraiment différents ce qui permet d’y aller. Pour l’instant, on n’atteint pas les limites de l’exercice.

Pourriez-vous tourner quelques numéros en France ?

Oui, on a cela en tête même si, pour de nombreux téléspectateurs, Des trains pas comme les autres est une émission de voyages lointains. Ce n’est pas notre première intention, mais je suis sûr qu’il y a des pépites qu’on ira découvrir un jour ou l’autre.

Dans l’émission, diffusée le 17 août prochain, vous vous êtes par exemple rendu en Suisse, un pays pas vraiment exotique, mais qui regorge de découvertes…

Oui, ce n’est pas moins intéressant. Quand on pense à la Suisse, on évoque les banques et les bureaux, mais c’est un pays incroyable. C’est tout prêt de chez nous et c’est magnifique. Ce pays est amoureusement entretenu avec un réseau de trains parmi les plus denses du monde. On peut aller dans les montagnes en train par exemple et ce moyen de transport est conçu pour être un spectacle permanent. Je me souviens du Glacier express qui traverse 290 kilomètres de montagnes en sept heures. La Suisse a vraiment été une découverte. Tout était extrêmement vert, avec une campagne entretenue comme un jardin. On fait ce type de destination plus proche de nous, car on peut se rendre compte qu’il y a des choses merveilleuses près de chez nous.

« Il y a toujours un mélange entre de l’improvisation et une part de préparation qui est indispensable »

Une fois le choix de destination établi, comment préparez-vous un tournage ?

On se renseigne beaucoup. Toutes les rencontres dans les trains sont dues au hasard, mais tout ce qui se fait en dehors des trains est préparé. Le déroulement des séquences et les discussions se font de manière spontanée. Il y a toujours un mélange entre de l’improvisation et une part de préparation qui est indispensable.

Comment trouvez-vous ses personnages rencontrés en dehors des trains ?

C’est un travail d’enquête classique fait par une équipe de journalistes qui se démène pour trouver des situations qui nous racontent le pays. À travers ces expériences étonnantes, il y a toujours une grande part d’humanité et une grande tendresse envers ces personnages. J’adore aller chercher cette part d’humanité partout sur la planète. On a donc des scènes qui sont étonnantes, mais toujours touchantes.

Comment se déroule un tournage ?

Le temps varie, mais un voyage dure environ 15 jours. Autour de moi, il y a un caméraman, un traducteur/fixeur et un preneur de son. Quand on va dans des endroits compliqués, il y a parfois un chauffeur. C’est une toute petite équipe qui est présente depuis le début. On se connait très bien donc on arrive vraiment à aller au cœur des choses, car on se comprend facilement : c’est une petite famille.

« Lors de mes voyages, il y a neuf destinations sur dix où je me dis que je resterais bien ici »

Quel a été votre plus beau train ?

Il y en a beaucoup. Je ne sais pas vous dire le plus beau, mais j’adore le train des nuages en Argentine. Au bout de ce train qui monte à des altitudes vertigineuses, il y a un wagon-restaurant tout simple avec une table et une petite nappe blanche. Le long de la vitre, des spectacles incroyables défilent : des ravins, des montagnes rouges qui donnent l’impression d’être sur Mars… Dans un autre genre, il y a le Rovos en Afrique du Sud, un des trains les plus luxueux du monde. Chaque petit objet est une pièce d’antiquité et a été choisi avec amour. Plus populaires, j’aime beaucoup les trains africains. Dès qu’on met les pieds dedans, c’est une aventure totale. En Tanzanie, on traverse par exemple des lieux peuplés de zèbres, de lions…

Êtes-vous déjà tombé amoureux d’un pays au point de vouloir y rester pour y vivre ?

Je me le demande tout le temps, car je tombe vite amoureux d’un pays (rires). Il y a neuf destinations sur dix où je me dis que je resterais bien ici. Il faut plutôt que je me retienne. Mais j’aime bien la France et j’ai la chance de pouvoir faire le tour du monde. Surtout, je veux continuer de faire cette émission, car elle fait des résultats assez formidables avec jusqu’à 1.2 million de téléspectateurs. C’est la plus belle des récompenses, car cela veut dire que les gens ont apprécié notre travail. Cela signifie qu’on partage quelque chose, c’est comme le voyage finalement.

Ce succès vous surprend-il ?

Je ne sais pas, mais ça fait très plaisir en tout cas. Un voyage procure une émotion, des sensations… Si le public est sensible à cela, cela signifie qu’on est arrivé à partager cette expérience. Avec l’équipe, ce succès nous rend très heureux. La chaîne nous donne une très belle case le jeudi en prime avec deux numéros, ce qui participe à ces bons résultats d’audience.

« La Russie est un pays beaucoup plus riche et complexe que ce qu’on imagine »

Concernant les prochains numéros, deux émissions sont consacrées à la Russie (le 10 août puis le 31 août). Était-ce le même voyage ?

En fait, nous avons fait deux voyages. C’était conçu comme cela dès le départ et ce n’est pas un seul séjour que l’on a décidé de couper en deux. C’était la première fois où je me rendais dans ce pays.

Ce jeudi 10 août, vous partirez de Saint-Pétersbourg pour aller jusqu’à Moscou. Ce voyage vous a-t-il étonné ?

Oui, car on a beaucoup de préjugés et d’idées préreçues sur ce pays. Il y en a certaines qu’on retrouve un peu (rires), mais on découvre que la Russie est un pays beaucoup plus riche et complexe que ce qu’on imagine. Il y a aussi une sensibilité et une fragilité russe. L’âme slave ne vient pas de nulle part. Quand on voyage dans ce pays, on ressent ces éléments complexes. On a toujours envie de retourner d’y, car on a l’impression de ne jamais avoir assez creusé ces contrastes.

Quels trains avez-vous pris ?

On a pris un TGV qui ressemble un petit palais sur rail : il y a de la musique classique, un concierge qui peut vous réserver d’autres voyages… Lors des escales, j’ai rencontré un psychologue assez particulier. L’idée est de vous faire renaître en vous enterrant vivant, ce qui peut paraître un peu bizarre dit comme cela. Apparemment, cela donne des résultats assez saisissants. J’ai beaucoup aimé Saint-Pétersbourg, car, en plus de découvrir les palais, on a aussi rencontré des personnes qui vivent dans des appartements communautaires. Pendant la période communiste, le régime a installé des gens du peuple dans de grands appartements qui appartenaient à des personnes aisées. Ce système existe encore. Un professeur des universités qui vit dans une pièce de 30 mètres carrés avec toute sa famille nous explique que tout est partagé : la cuisine, la salle de bain… Il faut donc apprendre à vivre dans une communauté très étroite.

Pour le deuxième volet, vous êtes monté dans le Transibérien. Qu’avez-vous ressenti au moment de monter dans ce train mythique ?

C’était la première fois que je prenais le Transsibérien. Le numéro n’est pas consacré uniquement à ce train et on a seulement pris une petite partie pour aller au lac Baïkal. En fait, il existe plusieurs types de Transsibériens, mais on a choisi de prendre un Transsibérien des Russes. C’est un voyage infini, et, pour nous, un fantasme absolu, mais pour les gens que j’ai pu croiser, c’était leur ordinaire et leur vie quotidienne. Le train est hyper classique, mais les voyageurs tiennent pendant quatre jours en parlant avec les autres. Chacun vient avec son pique-nique et le partage avec son voisin. J’aimerais beaucoup y revenir et je me suis dit que je ferais l’ensemble des 9000 kilomètres un jour.