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Popstars ou la périlleuse résurrection du premier télé-crochet français

Tony Cotte
Publié le 14/09/2007 à 12:11 Mis à jour le 28/11/2007 à 12:33

« Aaaaall I waaaant, All I want is youuuu ». Le célèbre refrain va retentir à nouveau sur les petits écrans dès ce 14 septembre. Popstars revient ainsi à l’antenne de M6 après avoir été annoncé sur TF1. Un retour improbable pour le télé crochet de la chaîne privée. Pourtant, celle-ci semble croire fort en la reprise de son émission : jury de choc, programmation en prime time puis en access au quotidien. Et quand on a Ophélie Winter et Mia Frye en guise de jurées, l’attention des médias est instinctive avec, comme seule et unique angle exploité : le crêpage de chignons, ou du moins de rajouts et tignasse peroxydée. La discorde au détriment de l’émission en elle-même ou habile opération de communication pour pallier la vacuité d’un programme sur le retour ? Force est de constater que Popstars succède avec brio à ses prédécesseures Secret Story et Koh Lanta en Unes des journaux. Retour sur le télé crochet et son évolution au fil des années pour mieux comprendre l’enjeu périlleux de cette résurrection...

Jeudi 20 septembre 2001. M6 donne le coup d’envoi d’un docu-réalité sur la création d’un groupe de filles, des phases de castings jusqu’à l’enregistrement du premier album. Intitulé Popstars, le programme est le premier du genre en France et est aussitôt considéré comme une émission de télé-réalité musicale. Mais à l’inverse de Loft Story, lancée quelques mois auparavant sur la même chaîne, le public est ici uniquement spectateur et ne peut intervenir via un vote. A l’origine, le concept provient d’Australie où, suite au déclin des Spice Girls, de nombreux producteurs souhaitent revigorer le phénomène de girls band. La chaîne Network 7 en profite donc pour lancer une émission visant à révéler un groupe similaire. A ses débuts en France, Popstars est loin de connaître le succès escompté avec un pilote suivi par 3.01 millions de curieux, soit 12.9% de part de marché. Mais au fil des semaines, Santiago Casariego (dit Santi), Mia Frye et Pascal Broussot continuent leurs quêtes de talents à travers les routes de France et l’audience ne cesse d’augmenter. Le 24 octobre 2001, quatre jours après le lancement de Star Academy sur la chaîne concurrente, le programme de M6 atteint même sa plus haute performance avec 5.6 millions de téléspectateurs au rendez-vous pour 23.5% du public présent devant leur petit écran. La première saison séduit ainsi, en moyenne, 4.7 millions de fidèles, soit 19.1% de part d’audience, et révèle le groupe L5.

Popstars 2 > Les WhatFor

Popstars 2 > Les WhatFor

L’année suivante, M6 lance Popstars 2. Le 29 août 2002, 4.29 millions de curieux sont présents devant la chaîne privée à l’occasion du premier épisode, dont près de 60% des 15/24 ans. Pour cette nouvelle édition, Valéry Zeitoun, Bruno Vandelli et Elisabeth Anaïs sont à la recherche d’un groupe mixte. Mais en cours de route la presse quotidienne dévoile le nom des gagnants. M6, à la fois déçue et déstabilisée, décide de proposer in extremis un numéro exceptionnel d’une durée de 90 minutes avec, à l’issue, la constitution du groupe. Cyril, Erika, Monia et Nicolas forment ainsi les Whatfor sous les yeux de 5.62 millions de téléspectateurs, avec un pic d’audience à 6.6 millions lors du moment fatidique. Un record pour l’émission, toutes saisons confondues ! En moyenne, l’édition 2002 retient l’attention de 4.5 millions de fidèles, soit 18.6% de part de marché. Une performance modérément inférieure à celle de l’année précédente qui conforte M6 dans sa volonté de renouveler Popstars pour une troisième saison.

Entre temps, Valéry Zeitoun, directeur du label AZ chez Universal Music France, est tombé sous le charme de Chimène Badi, candidate déchue de l’aventure. Tandis que celle-ci culmine en tête des charts, les Whatfor, eux, ont bien du mal à fidéliser un public et les tensions au sein du groupe sont à peine dissimulées par les intéressés. La presse met en évidence leur échec commercial mais aussi artistique. Une des raisons évoquées de cette débâcle est la mixité. Alors, pour son retour à l’antenne, Popstars se doit de séparer filles et garçons... mieux encore, de les affronter ! Ainsi né Popstars : le duel.

Popstars : le duel > Les Link-Up

Popstars le duel : les Link-Up

L’émission met en confrontation la gent féminine et masculine. A la fin de l’aventure, seul le meilleur groupe peut enregistrer un album. Pour mener à bien cette mission, M6 mise sur un jury composé de 3 professionnels aux parcours très différents : Olivier Nusse, Angie et Roberto Ciurleo, directeur de l’antenne et des programmes de NRJ. Sur le fond, le schéma reste identique aux crus précédents avec, dans un premier temps, les différents castings puis, la formation artistique accélérée avant de passer à l’enregistrement du disque et à sa promotion. Comme à l’accoutumée, le programme s’achève avec le premier concert.

Mais avant de monter sur les planches, Matthieu, Lionel et Otis deviennent, le 23 octobre 2003, les Link-up, groupe gagnant, devant 3.94 millions de téléspectateurs et 15.8% du public, soit la meilleure performance de cette troisième édition. Loin des scores des autres saisons, Popstars : le duel a bien du mal à enrayer son érosion d’audience. En moyenne, les 14 épisodes du docu-réalité ont séduit 3.2 millions de fidèles, soit 13.6% de part de marché. Pour atténuer la notion d’échec relayée par certains médias, M6 met en évidence des scores honorables auprès du public âgé de moins de 35 ans. Finalement, deux groupes sont révélés par l’émission, les filles, devenues les Diadems, ayant eu la possibilité d’enregistrer, à leur tour, un album. Les ventes de disques ne sont pas au rendez-vous et le groupe ne connaît qu’une gloire des plus éphémères. Rapidement, elles sont rejointes par leurs anciens adversaires.

Quelques mois auparavant, interrogé par Toutelatele.com, un membre des Link’up s’est distingué. A la question s’il préfère se produire en concert intimiste ou dans une grande salle comme le Zénith, Mathieu est le seul à opter uniquement pour la deuxième solution. Son ambition de showman et sa soif de réussite lui permettent de débuter une carrière solo sous le nom de M.Pokora. Toutelatele.com le retrouve en janvier 2006 toujours aussi sûr de lui et confiant en l’avenir : « C’est difficile pour un artiste venant d’une émission de M6 de faire un prime sur TF1. Aujourd’hui, je peux dire que j’ai su m’imposer ! » Après un duo en compagnie de Ricky Martin, le jeune homme collabore avec Red Rat, une pointure en matière de Reggae / Dancehall. Fin 2006, l’artiste annonce qu’il souhaite faire une pause d’une année pour préparer un nouvel album. Il part quelques mois outre-Atlantique pour travailler sous la houlette de Timbaland, le célèbre producteur américain sans doute le plus en vogue de la scène musicale mondiale !

Pendant ce temps-là, M6 continue de séduire le public avec sa Nouvelle Star, autre télé crochet apparu à l’antenne en 2003. Lors de la quatrième édition, Christophe Willem est proclamé vainqueur et fait l’unanimité non seulement auprès des téléspectateurs mais également de la critique. La saison suivante place donc la barre haute pour trouver son successeur. Tous les médias se mettent à faire des éloges sur l’émission, de Télé 7 Jours aux plus réticents au concept de télé crochet comme Libération, principal supporter du candidat Julien. Surnommée même « le piège à bobos », Nouvelle Star est la grande fierté de la chaîne privée. Effet poule aux oeufs d’or oblige, M6 souhaite décliner le plébiscite en ressuscitant Popstars. L’annonce vient, par la même occasion, réfuter les nombreuses rumeurs annonçant le retour du programme à l’antenne de TF1.

Popstars 4 : retour à la case départ

Popstars 4 : retour à la case départ

Le buzz est en marche. On peut lire dans un premier temps la présence de Diam’s comme jurée. Puis, le nom d’Ophélie Winter circule. Confirmée pour participer à l’aventure, Mia Frye, chorégraphe et membre du jury lors de la première saison, fait part de sa réticence en la présence à ses côtés de l’interprète de « Dieu m’a donné la foi ». En juin 2007, la blonde platine se retrouve au cœur d’une sombre affaire à la Une de la presse people. Sa participation à Popstars 4 semble plus que compromise et pourtant... Le 27 juin 2007, la chaîne privée confirme la présence des deux femmes au sein du jury, accompagnées par Benjamin Chulvanij et Sébastien Farran, manager, entre autres, de Joey Starr et Tété. Après quatre ans d’absence, Popstars retrouve son titre d’antan mais souhaite aborder un véritable virage artistique. Ainsi, plus d’impératif pour dénicher un groupe, une chanteuse ou un artiste solo. Seul critère : trouver des nouveaux talents « rap, hip hop ou r&b », selon les termes de la chaîne.

Pour promouvoir l’émission, M6 met en exergue les succès de M.Pokora et Chimène Badi ainsi que celui des L5, malgré la dissolution du groupe fin 2006. La nouvelle saison est placée sous le signe de la mode urbaine, n’hésitant pas à tomber dans la caricature en ornant la lettre O de Popstars de diamants et en faisant poser le jury à côté d’une grosse cadillac façon hummer, véhicule souvent présent dans les clips vidéos d’artistes gangsta-rap. Une image « bling bling » à la fois superficielle et totalement paradoxale au discours sur la quête de crédibilité de Sébastien Farran. Interrogé par Toutelatele.com, le juré n’hésite pourtant pas à monter le ton quand on s’en prend au côté artistique de l’émission : « Ce qui m’intéresse est d’apporter une crédibilité au programme et non pas de rentrer dans l’image que vous avez de l’émission. (...) On ne fait pas les choses pour se faire avaler mais pour rapporter quelque chose. On est tellement décidé à obtenir des artistes d’une vraie crédibilité et d’une certaine cohérence par rapport à la scène r&b que l’on a ajouté des ateliers et des cours d’écriture, ce qui n’est pas le cas dans les autres émissions de ce type ».

Les téléspectateurs seront-ils réellement au rendez-vous pour voir des artistes en herbe tentant de réaliser leur rêve ou bien assister aux contestations des quatre grandes gueules du jury ? Les deux éléments ne sont pas incompatibles pour autant comme l’a prouvé ces dernières années Nouvelle Star. André Manoukian et ses expressions spirituelles seront-ils détrônés par les anglicismes de Mia Frye ? « Je ne suis pas André Manoukian qui écrit à l’avance ses phrases poétiques et galactiques ou je ne sais quoi. Moi ça vient au feeling », déclare cette dernière.

Popstars va même tenter de s’imposer là où l’adaptation de Pop Idol a toujours échoué : une quotidienne en access prime-time. La saga Nouvelle Star a, en effet, rassemblé moins d’un million de fidèles en moyenne au printemps dernier, soit tout juste 6% de part de marché. Un échec retentissant pour M6 qui avait déjà essuyé les plâtres lors d’une quotidienne tout aussi infructueuse en 2003. Mais depuis, la chaîne privée a pour mot d’ordre de porter l’essentiel de ses efforts sur l’avant soirée, case sinistrée qui constitue pourtant une vraie locomotive pour les audiences de prime-time. Popstars va donc devoir relever ce défi épineux. Mais entre les auditions style banlieue dans un décor monochrome et le très coloré plateau du Pavillon Baltard, il peut y avoir de la marge...