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The Hour > Rencontre avec les producteurs de la série britannique

Claire Varin
Publié le 07/03/2013 à 20:34 Mis à jour le 18/03/2013 à 11:56

En juillet 2012, les producteurs de The Hour, série britannique, étaient les invités du Festival Série-séries ; réjouis de pouvoir échanger avec leurs collègues français. Toutelatélé a rencontré Ruth Kenley-Letts et Derek Wax pour parler de la télévision anglaise et de la série mêlant journalisme, espionnage et triangle amoureux sur fond de Guerre froide.

Claire Varin : Pouvez-vous revenir sur la naissance de ce projet ?

Derek Wax : Il y a trois ans, une rencontre entre Jane Featherstone, productrice de Kudos Film, et Abi Morgan a eu lieu. L’idée est venue de faire quelque chose se déroulant dans les années 50 et qui serait un mixte entre La dame du vendredi et Broadcast News, où il y avait une histoire d’amour dans les coulisses du monde du journalisme. Ce sujet n’avait pas vraiment été exploré à la télévision britannique. Cette période de la Guerre froide et d’espionnage était très intéressante. Abi a écrit en s’appuyant sur diverses sources. Il y a plusieurs histoires d’espionnage qui se sont déroulées durant cette période. Et notamment, celle de Guy Burgess, un célèbre journaliste de la BBC, qui travaillait en réalité pour les Russes.

James Bond est-il une référence pour la série ?

Ruth Kenley-Letts : Les romans de Ian Fleming étaient populaires dans les années 50 alors les personnages de The Hour s’y réfèrent. Ils sont toujours en quête d’informations, James Bond devient un surnom qu’ils se donnent entre eux.

A-t-il été difficile de trouver un diffuseur pour The Hour ?

Ruth Kenley-Letts : Abi Morgan est une scénariste très respectée et très en vue. [Elle a notamment écrit les films Shame et La dame de fer, ndlr.] Alors s’agissant d’elle, BBC a pris sa décision plus rapidement qu’avec d’autres. Aussi parce qu’elle est très occupée. Il faut l’attraper et lui dire « Viens écrire pour nous ! » (rire).

« Les comparaisons avec Mad Men ne sont pas appropriées »

Peut-on dire que The Hour est une série politique ?

Derek Wax : The Hour n’a pas été écrite comme une série politique. Bien sûr, il y a un fond politique complexe. Mais elle parle surtout des relations entre les personnages. C’est un triangle amoureux fort entre trois personnages. Je ne pense pas que c’est l’aspect politique qui intéresse les téléspectateurs, car c’est plus difficile pour eux de s’identifier. Avoir de bons personnages, c’est la clé. C’est ce qui permet de garder le public.

Les fictions historiques sont-elles particulièrement intéressantes à produire ?

Ruth Kenley-Letts : Oui. Que ce soit les décorateurs, les costumiers ou les acteurs, tout le monde aime recréer ces périodes. C’est amusant à faire. La télévision britannique produit beaucoup de fictions historiques. De Downton Abbey à Upstairs, Downstairs, en passant par les téléfilms. Je crois que le public aime s’installer devant la télé pour regarder les fictions historiques.

Est-ce un revival des années 50 et 60 à la télévision ?

Ruth Kenley-Letts : C’est vrai que Mad Men l’a fait aussi. Je crois que les périodes redeviennent à la mode chacune leur tour. On le voit aussi dans le design des objets et des vêtements. Les années 70 seront les prochaines.

Partie 2 > Les comparaisons avec Mad Men et la télévision britannique


La comparaison avec Mad Men vous ennuie-t-elle ?

Derek Wax : A part la période, The Hour n’a rien à voir avec Mad Men. Certains journalistes essaient toujours de faire des comparaisons, mais je ne pense pas que celle-ci soit appropriée. C’est facile d’écrire « Le Mad Men anglais », mais ce n’est pas cela. Ce n’est pas la même histoire, ni les mêmes personnages. Nous ne sommes pas dans le même univers. The Hour est davantage un thriller, tandis que Mad Men est un lent drame sur des personnages.

Abi Morgan et vous, avez-vous une vision de la série s’étalant sur plusieurs saisons encore ?

Ruth Kenley-Letts : Nous aimerions faire une troisième saison. Si la BBC nous en commande une, bien sûr. En général, la BBC se base sur l’audience. Le renouvellement d’une série est déterminé par sa popularité. Mais nous ne le saurons pas avant la fin de la diffusion de la saison 2, c’est-à-dire en novembre. [En février 2013, la BBC a annoncé l’annulation de The Hour. La série n’aura donc pas de troisième saison, ndlr.]

Est-ce compliqué de reprendre la production d’une série dans ces conditions ?

Ruth Kenley-Letts : Cela peut poser des problèmes, effectivement. Il faut attendre la commande de la chaîne pour écrire le scénario et ensuite il faut réengager les acteurs. Parfois, vos acteurs sont pris sur d’autres projets. Ça peut devenir cauchemardesque. La BBC peut donner son accord pour développer la saison suivante, mais généralement, la chaîne ne paye en avance que pour le scénario du premier épisode. On commence donc à développer les cinq épisodes suivants sans que la décision soit prise. Et c’est également difficile de persuader les acteurs qu’ils doivent revenir. Les acteurs doivent avoir la foi, car ils ne peuvent pas toujours voir les scénarios.

Dominic West, Romola Garai, Ben Whishaw... la série réunit de très bons acteurs. Comment ont-ils été choisi ?

Ruth Kenley-Letts : Derek et moi, nous nous sommes impliqués dans le choix du casting de la première saison. Mais je dirai que lorsque vous avez un bon scénario, il est toujours plus facile de convaincre les acteurs. Meilleur sera le scénario, meilleur sera le casting.

Derek Wax : Un bon réalisateur peut aussi attirer les acteurs, mais c’est surtout la qualité de l’histoire et du rôle qui est déterminante. Pour les rôles moins importants, le directeur de casting fait un travail formidable pour trouver des comédiens fantastiques, qui seront parfaits pour les personnages. Il s’agit d’amener des gens intéressants et non d’utiliser toujours les mêmes visages familiers.

« Engrenages est une série brillante »

La frontière entre le cinéma et la télévision semble peu marquée en Grande-Bretagne...

Ruth Kenley-Letts : Les choses changent depuis quelques années. Il fut un temps où les acteurs célèbres voulaient uniquement faire des films. Mais aux États-Unis comme ici en Europe, la télévision évolue. Il y a de très bonnes séries et des scénaristes fantastiques. Les acteurs vont plus facilement de l’un à l’autre. En particulier en Angleterre où l’industrie du cinéma n’est pas si développée. En France, vous avez une industrie du cinéma formidable, du fait de son financement et des initiatives de l’État. Notre industrie du cinéma n’est pas aussi forte que la vôtre, peu de films se font. Donc beaucoup d’acteurs anglais sont aussi contents de travailler sur des séries télé de qualité que de faire des films.

Regardez-vous des séries françaises ?

Ruth Kenley-Letts : A part Engrenages, diffusée sur BBC 4, non. C’est une série brillante. Des séries comme Engrenages et The Killing ont ouvert des portes pour les séries étrangères sous-titrées, à la télévision britannique.

Derek Wax : Nous en regarderions davantage, si les séries françaises venaient plus souvent à nous. Il y a eu une période de peur des fictions sous-titrées en Grande-Bretagne, personne ne les regardait. J’ai vu Engrenages et Braquo, qui, elle, a été diffusée sur FX. Les acteurs sont formidables. BBC Four est une grosse chaîne, elle offre une meilleure exposition. The Bridge (série suèdo-danoise) y a été suivie par des millions de téléspectateurs. Mais les autres chaînes ne sont que des niches pour les séries étrangères.