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Ycare (Music Explorer) : « Quand le public décide seul, il y a parfois des accidents »

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Rédacteur - Expert TV & Séries
Publié le 09/05/2014 à 19:27 Mis à jour le 19/05/2014 à 14:21

Ycare, auteur-compositeur-interprète, revient de l’Afrique de l’ouest avec des étoiles dans les yeux. En tant que parrain de « Music Explorer », sur France Ô, celui qui avait convaincu le jury de la « Nouvelle Star » avec des interprétations de Balavoine, Gnarys Barkley ou encore Nancy Sinatra, parle de cette expérience unique pour Toutelatele.

Clément Gauthier : Comment avez-vous été contacté par France Ô pour l’émission Music Explorer ?

Ycare : C’est Alexandre Dencausse [programmateur musical des primes et Directeur de casting dès la saison 7 de la Nouvelle Star, ndlr], devenu un ami et chef de projet, qui m’a contacté par rapport au Sénégal et à mon approche du pays. J’ai regardé si l’emploi du temps me le permettait. Au final, j’y suis allé, ça m’a bien fatigué, mais je suis heureux de cette expérience.

Vous vous êtes fait connaitre grâce à Nouvelle Star, un télé-crochet « classique ». Comment considérez-vous votre parcours par rapport à celui des personnes rencontrées en Afrique de l’Ouest pour Music Explorer ?

La Nouvelle Star est une grande machine. On est 28 000 candidats à l’enfilade. Si tu as les nerfs et un peu d’inconscience, ça passe. Sinon, tu es complètement cintré. Music Explorer est sain, c’est un programme bio. Il y a de la bienveillance, on ne s’est jamais foutu de la gueule d’un candidat. Il n’y a pas un bêtisier avec les casseroles, car de toute façon, il n’y a pas de casserole. Les chanteurs nous proposaient une prestation et quand elle était un peu en deçà de ce que l’on attendait, on faisait savoir qu’il y avait encore du travail, que ce n’était pas prêt. On ne disait que la vérité. Le talent c’est du boulot. Mais tout le monde veut chanter aujourd’hui.

Pensez-vous que les télé-crochets comme The Voice ou Nouvelle Star apportent encore de grands chanteurs ?

On peut comparer ça au suffrage universel. On peut se demander s’il est judicieux de faire voter des gens dont ce n’est pas le métier. Je pense que c’est valable pour le reste aussi. Je ne sais pas si le suffrage universel est une bonne idée. Ça peut l’être si tout le monde est très cultivé. Si toute la France était directeur artistique de maison de disques, tout le monde pourrait choisir qui va gagner.

« Music Explorer est sain, c’est un programme bio »

Pensez-vous que l’apport du vote du public est finalement néfaste ?

C’est intéressant que les gens sentent posséder le pouvoir sur l’existence de quelqu’un d’autre, mais s’ils se rendaient réellement compte de ce pouvoir-là et de la portée qu’a un vote, ils réfléchiraient à deux fois avant de voter pour une meuf dont ils vont ruiner la vie, car ils lui ont fait croire qu’elle allait gagner un programme et avoir dix ans de succès. C’est pour ça qu’aujourd’hui les gagnants disparaissent à tire-larigot. Je ne sais pas si j’existe, mais je n’ai pas totalement disparu et pourtant je n’ai pas gagné de télé-crochet. Pareil pour Amel Bent, c’est une énorme star. Dans Music Explorer, c’est juste, car les pros, le patron de la maison de disques et le public choisissent. Ce n’est pas seulement les téléspectateurs qui décident, ce qui cause parfois des accidents avec des artistes qui finissent dépressifs, au fond du trou parce qu’ils y ont cru. On a laissé là-bas des gens qui avaient un talent fou.

Partie 2 > L’entrée dans un autre univers musical


Le fait que les chanteurs rencontrés réalisent des performances dans leur décor est-il une plus-value pour eux ?

Quand je parle de milieu naturel, l’expression est un peu « touchy » [délicate, ndlr]. Paris n’est l’environnement naturel de personne. C’est une ville construite. Personne n’est parisien, c’est une lubie, un genre qu’on se donne. Être Dakarois ou Abidjanais c’est quelque chose. L’artiste abidjanais de Coupé-décalé peut ruiner sa carrière ou perdre son temps en venant à Paris. On prend des personnes compatibles avec nos canons de musique. Les gens peuvent être hostiles à l’exotisme, se dire que ça peut être bien dans une boite zouk, mais pas pour l’écouter chez soi. Il faut faire honneur au patron de maison de disques qui va signer l’artiste. Il faut être raisonnable et ne pas se limiter à nos goûts personnels, égoïstement, car il n’y a pas de service après-vente. On a cherché des gens qui pouvaient s’adapter à la francophonie et là où rayonnera cette émission. Pour moi, ce programme est francophone.

Qu’est-ce qui vous a touché chez un artiste pour pouvoir le sélectionner ?

Quand je n’avais plus de force pour applaudir. On applaudit, car on est poli, ensuite surpris. Je manifeste mon engouement, car j’ai apprécié ce qu’il m’a montré. En vrai, quand je tombe des nues, je ne peux plus rien faire. Je m’assieds et je fais le deuil de l’instant d’avant où je ne connaissais pas ce miracle-là. J’ai vécu des miracles et je pense qu’eux aussi. On sort de soi et on se projette en quelqu’un d’autre.

Votre bonne connaissance du pays a-t-elle été un avantage pour vous ?

J’ai redécouvert un Sénégal que je ne connaissais pas. Je pensais aller en terre conquise, mais je me suis retrouvé à des endroits où je n’avais jamais mis les pieds. La Côte d’Ivoire, je ne connaissais pas du tout. L’avantage est que je sais me comporter en Afrique et j’ai été surpris.

Par rapport à vos projets personnels, avez-vous eu de bons retours sur la sortie de votre album ?

Oui, mais je suis lucide. Un album doit amener les gens à venir en tournée et vice-versa. Ce n’est pas le serpent qui se mord la queue, mais on se retrouve dans des situations cycliques, qui se déroulent à l’infini. Ce disque est en rapport avec tout ça, La Somone, la plage. Je trouve l’année 2014 sympathique...

« On a laissé là-bas des gens qui avaient un talent fou »

Vous semblez à l’aise avec le support télévisuel, y’a-t-il d’autres projets qui vous intéressent ?

Pour l’instant, Music Explorer est celui qui m’intéresse. Il est respectueux de l’artiste. On passe jusqu’à quatre heures par candidat. Il s’agit de leur faire traverser un continent. C’est leur vie et leur carrière qui est en jeu. Je ne pensais pas que cette responsabilité allait m’incomber aussi tôt dans ma vie. On est chez eux et on se retrouve dans la situation où ils ont l’ascendant, car ils jouent à domicile. On a l’intégralité de l’univers. Pas besoin d’écouter un disque entier, trois minutes permettent de palper l’atmosphère avec le lieu qu’il a choisi. Il te donne rendez-vous et c’est à toi de chercher comment l’écouter dans les meilleures conditions et le respecter. Ce n’est pas la télé qui dicte les emplacements. On ne voit ça nulle part ailleurs.