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Eurovision 2011 : Amaury Vassili a-t-il une vraie chance de gagner ?

Par
Rédacteur TV - Expert Eurovision
Publié le 12/05/2011 à 13:03 Mis à jour le 14/05/2011 à 22:07

Samedi 14 mai, 21h48 : Amaury Vassili sera sur la scène du 56e Concours Eurovision de la chanson pour défendre les couleurs de la France. Le choix du jeune baryton et de son titre lyrico-pop interprété en corse a pu laisser perplexe. Alors coup de génie ou échec assuré ? Enquête sur nos chances de mettre fin aux 34 ans de disette française...

C’est devenu un réflexe. Chaque année, quand vient l’annonce de la chanson qui représentera quelques mois plus tard la France à l’Eurovision, la réaction est la même : beaucoup de méfiance, un brin de surprise et malgré tout... une forte envie d’y croire ! Pas toujours suivie de résultat certes, mais force est de constater que la France n’a plus à rougir de ses choix. France 3 ose, au risque de voir débarquer un jour ou l’autre le barnum à Paris.

Dans l’espoir de détrôner Marie Myriam, victorieuse en 1977 avec « L’oiseau et l’enfant », les responsables de France 3 ont joué la carte de la différence. Le choix, effectué en interne à l’inverse de la plupart des autres pays qui organisent des sélections télévisées, s’est porté sur Amaury Vassili. D’origine normande, le jeune homme a commencé le chant dès l’âge de 9 ans avant d’être révélé par un premier concours qu’il remporte à 14 ans. Signé chez Warner trois ans plus tard, il est lancé comme le « plus jeune ténor du monde ».

Deux albums plus tard, dont le premier s’est écoulé à plus de 200 000 exemplaires, le voilà propulsé sur la scène de l’Arena de Düsseldorf où il interprètera, ce 14 mai, « Sognu ». Les paroles sont signées Jean-Pierre Marcellesi et Julie Miller sur une musique composée par Quentin Bachelet, le fils du regretté Pierre, et Daniel Moyne. Clin d’oeil du destin, ce dernier fut l’attaché de presse de Marie Myriam en 1977 lors de sa victoire !


Un choix musical décalé

Lors de la conférence de presse de présentation de la chanson, Pierre Sled, Directeur des Programmes de France 3, reconnaissait « un choix décalé ». Les Fatals Picards, Sébastien Tellier, Patricia Kaas... la chaîne des régions nous avait habitués à des représentants à contre-courant, mais cette année, Amaury joue plus que jamais la carte de l’originalité. « Nous avons voulu faire une chanson qui soit un cross-over du lyrique et de la musique pop », a-t-il expliqué dans les coulisses de l’émission En route pour l’Eurovision.

Là où la préférence va d’habitude à des rythmes pop et dance, soutenus à grand renfort de chorégraphies, le chanteur sera seul sur scène, en costume sombre, devant un fond de décor représentant un ciel s’assombrissant au fur et à mesure de l’avancée de la chanson. Amaury a trois minutes pour convaincre et il mise tout sur l’interprétation pour capturer l’attention du public. Quitte à brider un peu son imagination : « Au départ, « Sognu » avait été écrit dans l’esprit « Bohemian Rhapsody » de Freddy Mercury. En une semaine de travail, nous en avons fait quelque chose de plus construit (et) moins déjanté. »

Pour contourner l’usage du Français, qui aurait fait basculer Amaury dans le registre désuet de l’opérette, les auteurs ont privilégié le corse, aussi fluide que la langue de Dante. Une option qui avait porté bonheur en 1993 à Patrick Fiori, qui s’était classé quatrième avec « Mamma Corsica » et qui permettra à « Sognu » de sortir du lot face à l’écrasante majorité de chansons en anglais. Cette année, sur 43 titres, 27 le sont intégralement et 8 en partie. Le règlement autorise l’usage de n’importe quelle langue depuis 1999, en réaction à la suprématie de l’Irlande dans les années 1990, auxquelles s’ajoute le titre emporté par le Royaume-Uni en 1998.

Et le public semble cautionner cette standardisation linguistique du Concours puisque ces dix dernières années, il a couronné neuf fois une chanson en anglais. Amaury devra donc marcher sur les traces de l’exception qui confirme la règle : Marija Šerifović, victorieuse en 2007 avec une chanson en serbe : « Molitva ».


Petits votes entre amis

Notre représentant doit surmonter un autre handicap, de taille : les votes « géopolitiques », c’est-à-dire des échanges de bons procédés entre pays voisins. Les pays de l’Ouest jouent davantage le jeu que les pays de l’Est ou les pays scandinaves, plus sensibles aux proximités culturelles et linguistiques.

Pour compenser ces solidarités géographiques, l’Union Européenne de Radiotélévision, qui organise l’événement, a rétabli les jurys professionnels. Abolis progressivement à partir de 1998 au profit d’un vote des téléspectateurs par téléphone ou SMS, ils ont été réintroduits en 2009.

L’expérience des deux dernières années a toutefois été mitigée pour la France. En 2009, Patricia Kaas s’était classée à la huitième place, un résultat « porté » par les votes des jurys nationaux qui l’avaient hissée à la quatrième place de leur classement. L’an dernier, l’inverse s’est produit : Jessy Matador se classe huitième selon les téléspectateurs et seulement... 22e selon les professionnels. Une contre-performance qui a « plombé » les chances du représentant français.

Les bookmakers parient sur la France

Ces dernières semaines, Amaury Vassili est donné favori par les maisons de paris britanniques, qui ont fait de la découverte du lauréat de l’Eurovision un juteux gagne-pain, au même titre que les compétitions sportives. L’an dernier, l’Allemande Lena était donnée gagnante et l’issue du show a confirmé les prévisions. Au tableau des bookmakers, le Royaume-Uni, l’Estonie, l’Azerbaïdjan et la Russie reviennent souvent en tête des pronostics, juste derrière le candidat français.

Si la prophétie se réalise, France 3 devra produire le 57e Concours Eurovision de la chanson. Certains rêvent déjà le Palais Omnisports de Paris-Bercy en digne héritier du Palais des Congrès, théâtre du Concours en 1978. Mais la chaîne publique est-elle prête à débourser plusieurs millions d’euros pour l’évènement ?

Marie-Claude Mezerette, responsable des divertissements à France 3, a assuré lors de la première conférence de presse donnée par la France à Düsseldorf que sa chaine participe bien à l’Eurovision dans le but de gagner et que l’éventualité d’une victoire était entièrement assumée. Et Bruno Berbérès, chef de la délégation française, d’ajouter qu’il restait tout de même « un peu d’argent » à notre pays pour organiser l’Eurovision...