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La saga 2007 > Que deviennent les dinosaures du PAF ? (5/7)

Joseph Agostini
Publié le 11/08/2007 à 23:03 Mis à jour le 19/08/2007 à 00:57

Cinq ans après la première saga de l’été, qui racontait l’histoire de la télévision des années 80 à nos jours, Joseph Agostini revient sur ces cinq dernières années cathodiques, entre guerres d’audience et nouvelles tendances.

Isabelle Giordano, la Pierre Tchernia des années 2000 ? C’est en tout cas l’idée qui avait mariné dans les têtes de Patrick de Carolis et de son ancien directeur des programmes, Jean-Baptiste Jouy. En 2005, la brune Isabelle, surtout connue pour sa présentation du Journal du Cinéma sur Canal +, avait été choisie pour présenter Jour de fête, le magazine du septième art de France 2. « Il faut que le service public ait une vraie émission populaire sur ce thème, qui soit un mélange d’interviews, de reportages et de divertissement » expliquait alors Isabelle Giordano, avec l’innocence d’Amélie Poulain.

Pierre Tchernia, dans Monsieur Cinéma, devenu ensuite Mardi Cinéma, a fait les belles nuits d’Antenne 2 de 1968 à 1987, soit à une époque où l’audience ne tyrannisait personne, surtout pas les dirigeants des chaînes publiques ! Aujourd’hui, il en est tout autrement, et la pauvre Isabelle n’a certainement pas 19 ans devant elle pour faire grimper la pauvre courbe Médiamat. Bien en peine de trouver des fans d’émissions sur le cinéma, Jour de fête navigue entre 9 et 12% de part de marché. Trois fois moins que TF1 au même moment ! Les happening, les invités prestigieux et les reportages sur la Croisette n’y changent rien... Alors, une question se pose : où sont donc passés les dinosaures ? Qui sont les successeurs des Tchernia, Desgraupes, Bellemare, Chancel et Guy Lux, à l’heure où les émissions se démodent aussi vite qu’une chanson de Karen Chéryl ?

S’il y en a un qui n’a pas besoin de répondre à cette question subsidiaire, c’est bien Michel Drucker, qui n’a pour l’instant pas besoin qu’on le remplace ! Revenu sur France 2 en 1994 après avoir passé 4 ans sur TF1, Drucker est un dinosaure qui a trouvé le secret de la longévité cathodique : prendre la place d’un autre dinosaure ! Et c’est ainsi qu’en 1998, il succéda à Jacques Martin le dimanche après-midi, pour le plus grand bonheur des campagnes et des faubourgs. Depuis, le Gotha aime à se raconter en douceur et en simplicité sur son canapé rouge, avant de rire aux éclats quand les humoristes de l’émission viennent le distraire. Le samedi, c’est le Drucker de Champs Elysées qui ressuscite avec Tenue de soirée, en public et en direct d’une ville de France, dont le maire est toujours tout émoustillé de parler dans le poste. Symbole tout puissant de « la télé à papa », avec un style vieux jeu redoutablement maîtrisé, Drucker reste l’as de la variété de prestige, que certains jugent consensuelle et que d’autres apprécient pour sa haute tenue.

Plus baroque, plus saltimbanque, plus suicidaire sans doute, Patrick Sébastien est le seul autre dinosaure des variétés sur les chaînes publiques françaises. C’est dire la rareté de l’espèce !

Comment donc celui qui jure « vouloir mourir sur scène mais vouloir signer les autographes avant » a-t-il pu en arriver là ? En 1995, alors qu’il était encore sur TF1, son sketch Casser du noir, taxé de raciste, avait bien failli l’exclure du cercle des animateurs vedettes. Récupéré par France 2 l’année suivante, au moment où, écrit-il dans son livre Putain d’audience, il voulait en finir avec la vie, Patrick Sébastien a remercié le ciel des artistes en créant Le plus grand cabaret du monde. En 2000, comment imaginer qu’une émission basée sur les tours de magiciens et autres illusionnistes, allaient conquérir la flamme des téléspectateurs ? C’est pourtant ce qui s’est produit et a fait trembler de jalousie TF1. Le plus grand cabaret du monde a permis à Patrick Boutot, dit Sébastien, de redorer les lettres de son pseudonyme, des lettres bien esquintées par le temps, les polémiques et les modes cruelles.


O rage, ô désespoir ! Les cieux télévisuels sont si incertains, les faiseurs de légende si volatiles qu’il est bien mal aisé d’être sacré « dinosaure » par les temps qui courent...

Jean-Pierre Foucault, passé de Sacrée Soirée aux Années Tubes, puis des Années Tubes à Qui veut gagner des millions ?, crie à qui veut bien l’entendre que la star est peu de choses et que c’est le concept qui compte ! Jean-Marc Morandini (Pour une nuit ou pour la vie), Bernard Montiel (Crise de rire), Alexandre Debanne (Toute la ville en parle)... Ils ont été nombreux à rêver de prendre sa place, mais aucun n’a défendu une idée d’émission assez marquante pour s’installer sur la grille de TF1.

Ces six dernières années, seul Nikos Aliagas a été porté par un concept assez fort pour le rendre immédiatement populaire. Avec Star Academy, il a acquis depuis 2001, une notoriété que d’autres ne pourront jamais atteindre de toute leur carrière à la télévision ! Mais n’est pas Jean-Pierre Foucault qui veut... Après la Star Ac’, Nikos pourra-t-il assumer son statut de vedette des variétés de TF1 et trouver une idée d’émission aussi révolutionnaire ? En prime time, les places sont chères et Benjamin Castaldi, récemment arrivé sur la chaîne, n’est pas homme à partager ses terres...

S’il y a encore des dinosaures dans quelques années, gageons qu’ils seront moins omniprésents à la télévision, certainement plus fragilisés que jadis par les aléas de l’audience et des présidences de chaînes... En 2006, le départ fracassant de Thierry Ardisson de France 2 vers Canal + a montré que rien n’était acquis d’avance, même pour les inventeurs les plus renommés. Le créateur de Tout le monde en parle, talk show qui a fait prendre un sacré coup de vieux à la télé, a été sommé de quitter la chaîne publique s’il ne respectait pas son contrat d’exclusivité et poursuivait son émission 93, Faubourg Saint Honoré, sur Paris Première. L’homme en noir, qui aurait rêvé d’un traitement de faveur, a sérieusement déchanté, sans pour autant ravaler son ego bien connu. Il s’en est allé faire son numéro d’intervieweur corrosif le samedi soir sur Canal + dans Salut les terriens, pour un public deux fois moins nombreux.

Christophe Dechavanne, quant à lui, accepta sans mollir d’importantes concessions. Après avoir « créé un langage télé avec Ciel, mon mardi et Coucou, c’est nous », comme l’a dit l’ancienne directrice des divertissements de TF1, Dominique Cantien, il anime désormais Une famille en or et La roue de la fortune, deux jeux directement sortis du grenier de la chaîne privée, quand il ne présente pas Les 100 plus grands..., sorte de grand bêtisier émaillé de séquences plateau. Qu’il est loin le temps où, tel un démiurge, Dechavanne dynamitait le paysage cathodique et gagnait une place incontestée dans le monde des dinosaures... Sur la planète télé, à l’aube des années 2010, a peut être sonné, pour beaucoup d’entre nos chères stars, « l’ère glaciaire »...