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Marine Delterme : « Le succès d’Alice Nevers est miraculeux »

Claire Varin
Publié le 06/06/2013 à 20:53 Mis à jour le 14/06/2013 à 09:10

Depuis le 23 mai 2013, TF1 diffuse la dixième saison d’Alice Nevers, le juge est une femme. L’occasion de revenir sur cette série populaire avec celle qui la porte avec passion, Marine Delterme. Lors de cette interview, l’actrice n’a pas manqué de rappeler son « bonheur » de travailler avec Jean-Michel Tinivelli, qui « a beaucoup amené à la série », mais surtout d’évoquer cette saison riche en rebondissements.

Claire Varin : Depuis l’annonce de l’arrêt de Julie Lescaut, avez-vous l’impression d’être la dernière grande héroïne de TF1 ?

Marine Delterme : Je trouve ça toujours étonnant de traverser les années, d’avoir toujours été là et d’avoir réuni autant de gens. Donc chapeau à Julie Lescaut. Moi, je ne réfléchis pas trop en ces termes parce que la série a tellement évolué depuis que j’ai commencé. Changement de format, de partenaire, d’enveloppe même et d’écriture. Je ne suis pas restée immobile. Je n’ai pas l’impression d’être une « grande » héroïne de TF1 (rires). J’ai plus le sentiment d’être en mouvement et en vie, comme ça devrait l’être pour une série.

N’avez-vous donc pas vu passer ces dix ans ?

Je ne les ai pas vues passer parce qu’on a évolué. Quand on répète, on s’ennuie. C’est d’ailleurs une de mes inquiétudes au théâtre. On me demande souvent pourquoi je ne fais pas plus de théâtre, mais avant de m’engager sur quelque chose - faire la même chose, à la même heure pendant six mois – il faut qu’il y ait une envie très forte. C’est une contrainte importante. Si j’ai continué la série, c’est parce que j’y trouvais mon compte.

Les thématiques de cette saison sont féminines et sociétales...

C’est Pascale Breugnot qui tient cette série. Elle a une écriture particulière parce qu’elle n’a pas fait que de la fiction. Elle a été l’une des créatrices de la télé-réalité. C’est quelqu’un de très encré dans les faits de société donc il y a toujours eu une envie d’aller vers des enquêtes où l’on apprend quelque chose. On n’est pas dans des enquêtes de base, il y a toujours un univers en arrière-plan. C’est vrai que dans cette saison, il y a beaucoup de choses : les gangs de filles, les femmes qui n’arrivent pas à se loger, les nounous avec cette femme qui a accouché sous X. Il y a aussi cet épisode que j’aime beaucoup avec Nicole Croisille, qui a abandonné son fils.

Cette saison vous avez aussi plusieurs guests comme Nicole Croisille ou Astrid Veillon. Est-ce un élément important pour maintenir l’intérêt du public ?

Je ne sais pas si c’est plus important pour la série. Je n’interviens jamais sur le casting. C’est important de ne pas prendre ce pouvoir-là. Je les découvre seulement deux semaines avant le tournage lors des séances de lecture. J’ai toujours la surprise. Quand on était en 90 minutes, on avait des guests. Des acteurs merveilleux avec qui j’adorais jouer, comme Michel Aumont ou Bernadette Lafont. À l’époque, ils avaient au moins dix jours de tournage. En passant au 52 minutes, on avait peu accès à des acteurs comme ça parce qu’il y avait moins de jours de tournage et moins de possibilités pour développer les situations. Mais ça permet aussi découvrir des acteurs moins connus. Pour moi, le plaisir est le même. En télévision, ça va très vite. On a très peu de répétition, on travaille à l’instinct. Et puis, connus ou non, le plus important c’est d’avoir des acteurs avec qui on se connecte très vite pour jouer.

Cette saison a son lot de rebondissements. Comment avez-vous abordé ce tournage ?

Ça a été vraiment étrange parce que mon personnage va dans des zones où elle n’avait jamais été. On va jusqu’au bout de l’histoire avec Mathieu (Alexandre Varga). Alice est toujours prise entre ces deux hommes. La fin de la saison est très forte et je crois qu’aucune héroïne de TF1 n’a jamais été dans cette situation. C’est quelque chose que j’ai eu beaucoup de mal à jouer.

« Je n’ai pas l’impression d’être une grande héroïne de TF1 »

Pourquoi était-ce si difficile à jouer ?

C’est un personnage que je porte depuis longtemps. C’est comme une seconde peau. Je suis attachée aux fondamentaux. Quand on prend un rôle, on met beaucoup de soi, mais on a une accroche plus lente. Là, Alice est proche de moi, c’est donc très choquant d’aller dans des zones où je n’ai jamais été. Alice est un personnage noble. Il y a chez elle une forme de hauteur. Parfois de candeur, quand elle dit qu’elle est obsédée par la vérité et qu’elle déteste le mensonge. Le final va à l’encontre de ce que j’essaie de défendre depuis le début de la série.

Aviez-vous l’impression de tourner en rond avec l’histoire de Mathieu Brémont et qu’il fallait prendre une nouvelle direction ?

Tourner en rond, je ne sais pas. C’est aussi le propre de la vie, il y a des gens qui vous empêchent de vivre, de prendre le large. Alice est obsédée par l’idée de famille originelle. Les fans de la série connaissent bien l’historique. Elle n’a pas eu de famille et Mathieu non plus. Alice n’a pas eu de mère et lui n’a pas eu de père, ils sont donc très liés. Elle a fait un enfant avec Mathieu et elle est obsédée par l’idée de préserver l’image du père pour son fils. Elle veille à ce qu’il ne fasse pas n’importe quoi et elle se laisse entrainer. C’est une forme de chevalier noir. Les gens ont envie qu’elle aille avec Marquand (Jean-Michel Tinivelli) parce que c’est une passion belle et lumineuse. Mais je comprends pourquoi elle est tenue par ce premier amour. Quand on quitte cette première famille, c’est difficile. Il y a vrai deuil à faire. Dans la première partie de la saison, elle est dans le déni. La saison est contrastée parce qu’on est beaucoup dans la comédie parce qu’il y a un peu de jalousie avec Marquand et après on bascule. Mathieu la bouscule. Le cadeau pour les téléspectateurs, c’est qu’à la fin, elle fait un vrai choix.

Partie 2 > L’avenir d’Alice Nevers / Ses séries préférées


On peut dire qu’Alice Nevers « se lâche » dans cette saison…

Pour moi, c’est une belle saison parce que j’ai eu à jouer des choses plus ambivalentes et plus fines dans ses rapports avec Mathieu, Marquand, son greffier et même le procureur Divo, qui va la forcer à cacher des choses. C’est intéressant parce que pour une fois le téléspectateur est presque en retard par rapport à ce qu’elle peut faire ou penser. On est un peu avec Marquand, qui se demande ce qu’elle fait. Ce qui est fantastique pour actrice de série, c’est d’avoir le public derrière soi depuis des années. Le capital sympathie d’Alice permet d’aller un peu plus loin dans l’écriture et de raconter plus d’ambivalence. C’est un vrai bonheur de pouvoir incarner un personnage que l’on peut vraiment suivre dans ses méandres.

Les deux premiers épisodes ont été suivis par plus de 6 millions de téléspectateurs. Y a-t-il, pour vous, une forme de stress à chaque début de saison à l’idée de savoir si le public sera au rendez-vous ou non ?

Évidemment, il y a toujours un stress. C’est comme une histoire d’amour avec le public. On se demande toujours s’il sera au rendez-vous. Cette année, la diffusion plus tardive – la série est en général diffusée en février – a créé une attente très forte. Le retour du public et de la presse a été une belle surprise. J’étais vraiment très heureuse. C’est une chance d’avoir ce rendez-vous avec le public. Même si je travaille avec passion pour porter cette série, ce succès est miraculeux et toujours un peu mystérieux.

Au regard de cette fin de saison, êtes-vous inquiète de ce que les auteurs ont prévu pour la suite ?

Les arches sont en développement, mais j’ignore encore ce qu’il va se passer. Il y a une règle d’or qui dit qu’il ne faut jamais mettre le héros et l’héroïne ensemble. Même si d’autres séries l’ont fait, je ne suis pas pour. Si jamais les auteurs décident de le faire, ce sera positif parce qu’il y a plein de choses à raconter sur un couple. L’aventure du couple est la dernière aventure du 21e siècle. Il y a plein de choses à dire quand les gens sont ensemble aussi (rires).

Jean Reno ou Sagamore Stévenin, avec qui vous aviez tourné Coco Chanel, deviennent des héros de séries pour TF1. Sentez-vous que l’image de la série évolue en France ?

Oui. Dans mon parcours, j’ai changé de vie, de peau. Je déteste les étiquettes. Josée Dayan a fait venir Gérard Depardieu, John Malkovich et Catherine Deneuve à la télé. Gilbert Melki tourne Kaboul Kitchen. Maintenant, le travail d’écriture sur les séries est meilleur qu’avant. Il y a un ton qui est donné. Les murs sont en train de bouger. Il y a plus de relais entre le cinéma et la télé. Et heureusement ! Parce que c’est triste de cloisonner.

« Le capital sympathie d’Alice permet d’aller un peu plus loin dans l’écriture »

Êtes-vous attentive à ce qui se fait en France concernant les séries ?

Oui. De fait, par Pascale [Breugnot], j’ai suivi Tiger Lily, qui n’a pas marché, mais qui est très bien. J’ai vu que Maison Close s’arrête aussi parce qu’il n’y a pas assez d’audience. Je n’ai pas vu la dernière saison, mais Mabrouk El Mechri est un bon metteur en scène. C’est des amis producteurs, des gens que je connais. Je sais le travail que c’est de créer, d’écrire des personnages, alors quand ça ne prend pas, c’est toujours triste. J’aime assez Ainsi soient-ils. Il y a un vrai ton et ça a bien marché. J’ai commencé Les Revenants. Le premier épisode est génial. Cette idée que quelqu’un retrouve son enfant mort, c’est sidérant. Ça donne le tournis. Comment l’acteur va jouer ça ? C’est incroyable. Il y a une série que j’adore, mais qui n’est pas française, c’est Game of Thrones. Je suis une folle de peintures flamandes et ça rejoint le monde de l’art. Il y a une vraie fantaisie, un univers baroque et une grande violence. Je trouve ça extraordinaire.

Quels sont vos projets ?

Je prépare une exposition. Et je suis dans l’écriture d’un scénario de long-métrage pour le cinéma. J’ai des projets, mais il est trop tôt pour en parler. Avec Berthe Morisot, j’ai pu faire le film que je rêvais de faire. C’est mon bébé et j’en suis très fière. Ça m’a ouvert des portes pour continuer à monter des histoires que j’ai envie de raconter.