Toutelatele

Sagamore Stévenin (Falco) « On a pu aller un peu plus loin avec cette saison 2 »

Claire Varin
Publié le 15/05/2014 à 19:13 Mis à jour le 26/05/2014 à 12:00

A l’occasion du lancement sur TF1 de la saison 2 de Falco, Sagamore Stévenin évoque ici son implication sur la série, ce personnage, qui l’habite. L’acteur revient également sur sa carrière, ses rôles marquants et ses envies.

Claire Varin : Vous aviez déclaré avoir eu du mal à quitter le personnage durant le tournage de la saison 1. A-t-il été simple de le retrouver ?

Sagamore Stévenin : Je n’ai même pas eu trop le temps de le perdre parce qu’on a vite enchaîné avec la saison 2. D’abord, avec l’investissement sur l’écriture. Après, c’est l’avantage et l’inconvénient : ça devient du h/24. On ne pense qu’à ça. J’ai été extrêmement connecté avec Alexandre Laurent, un des réalisateurs. On avait deux cerveaux qui fonctionnaient en même temps par rapport à la série. On rentre le soir, on ne pense qu’à la journée du lendemain. On se réveille dans la nuit avec une idée. C’est extrêmement intéressant et jouissif. On aiguise la lame au fur et à mesure et en permanence.

Vous auriez pu être simple interprète. Votre implication sur la série peut sembler étonnante...

Dès le départ, on a choisi de ne pas faire l’adaptation de la série allemande dans laquelle le coma est juste le pitch de départ qui amène sur de la comédie. Les réalisateurs ont vite compris que j’avais plus que des points communs avec le personnage. On a un parcours similaire, même si je n’ai pas fait 22 ans de coma. Après, c’est vrai qu’en règle générale, j’ai besoin de m’investir à fond dans ce que je fais. On essaye de faire en sorte que la série soit de mieux en mieux. Je pense aussi que la chaîne nous a fait un peu plus confiance parce qu’il y a eu le succès de la saison 1. On a pu aller un peu plus loin dans ce que l’on cherchait dans le ton du personnage et de la série en elle-même.

Quelle est la couleur de cette saison 2 ?

C’est un peu une descente aux enfers. Plus Falco se rapproche de la vérité, moins c’est facile pour lui. La dualité du personnage m’intéresse aussi. C’est quelqu’un qui a vraiment de l’empathie pour les gens, qu’ils soient victimes ou bourreaux. Il cherche à comprendre et a, en même temps, une espèce de violence en lui qui peut lui faire peur. Il a peut-être même plus souvent peur de lui-même que des autres. Il a des méthodes de flic à l’ancienne et parfois des pulsions violentes par rapport à l’injustice si bien que sa hiérarchie n’est pas toujours rassurée par ce qu’il fait. Mais je pense que c’est quelqu’un de profondément bon à l’intérieur, qui a besoin de s’ouvrir au monde pour lutter contre cette violence intérieure.

A-t-il fait le deuil de son couple ?

C’est une partie de l’enjeu de la saison 2. sur lequel j’ai un peu poussé. Je pense qu’il fait le deuil parce qu’il comprend que les gens ont fait leur vie, qu’ils peuvent aussi être heureux ensemble et qu’il n’est pas là pour vivre uniquement dans le passé. Il va même aider son ex-femme à recoller les morceaux avec le médecin légiste. Falco, c’est l’empathie et la bonté. Il fait le sacrifice d’une partie de lui pour ne pas aller empiéter sur le jardin des autres.

Jean-François Stévenin, votre père, apparaît dans un épisode de cette saison 2. Pensez-vous renouveler l’expérience avec vos frères et sœur ?

Si ça a un vrai sens, pourquoi pas. Après, il y a des gens avec qui j’ai envie de bosser. C’est un peu délicat parce que ça se boucle en 52 minutes. Alors, on essaie aussi de faire évoluer un peu le format pour que, parfois, ça puisse être une enquête sur deux épisodes. Depuis la diffusion de la saison 1, j’ai eu des messages de potes acteurs ou réalisateurs essentiellement de cinéma et assez connus, qui avaient envie de venir dans la série parce qu’ils avaient trouvé quelque chose de vraiment intéressant dans Falco. C’était un beau compliment.

« J’ai besoin de m’investir à fond dans ce que je fais »

Auriez-vous envie de réaliser un épisode de Falco ?

Je ne suis pas sûr d’avoir envie de devenir un Yves Rénier (rires). La réalisation me titille depuis longtemps. Mais je n’ai pas envie de jouer dans ce que je réalise. J’aime les acteurs et j’ai envie d’être concentré. Réalisateur est un métier très particulier où il faut aimer les gens et pouvoir les porter. Sur Falco, j’ai la chance de pouvoir être totalement impliqué. Mais je ne suis pas là pour être un réalisateur bis. Je suis respectueux de la place de chacun. J’ai besoin que le réalisateur m’emmène plus loin. C’est une émulsion générale. Donc, je ne suis pas sûr d’avoir envie de réaliser du Falco un jour.

Comment voyez-vous l’évolution de la série ?

Je me suis battu pour mettre des choses dans la saison 1 et puis ça ne rentrait pas. On a essayé de les mettre dans la saison 2. Et là, on attaque la saison 3 et j’espère que l’on pourra mettre des choses notamment sur le rapport aux autres, à la société, à la solitude des gens, qui m’intéressent. J’aimerais que Falco puisse être témoin de ça. Parce que ça fait partie des choses qui ont véritablement changé entre les années 90 et aujourd’hui. Dans les années 90, il y avait plus de solidarité. On faisait partie d’un même pays. On ne regardait pas les gens selon leur couleur, leur religion, etc. C’est un truc que Falco a du mal à comprendre.

Partie 2 > Son regard sur sa carrière


Entre La Totale et Falco, il y a 22 ans de carrière. Quel regard portez-vous sur l’évolution du comédien que vous êtes ?

Je sais qu’il y a des rôles qui m’ont plus intéressé ou plus apporté que d’autres. Faire Falco m’offre un entraînement particulier. Le jeu est comme un muscle, il faut le faire travailler. Là, c’est de manière extrême (rires). Je mets le muscle en tension permanente. Mais c’est une bonne école. J’apprends beaucoup de choses grâce à ce personnage et à ce projet.

Quels sont ces rôles qui ont le plus compté ?

Ce n’est pas forcément lié à l’importance du personnage dans un film. Quand on a fait le téléfilm de Serge Meynard sur François Villon, avec Francis Renaud, le personnage de Colin de Cayeux m’avait particulièrement emmené. J’ai aimé aller chercher ce personnage totalement dangereux. C’était une bonne psychanalyse personnelle. Après, il y a des rôles auxquels je suis particulièrement attaché. Je pense à Comme une bête. Je l’ai revu récemment et je me suis trouvé à chier. J’étais trop jeune pour porter un rôle aussi complexe, mais l’aventure était tellement incroyable que ça marque. Michel Vaillant, là, tout d’un coup, ça devient un sport. Mais c’est vrai que je suis plus attiré par des personnages un peu plus écorchés. Et j’ai beaucoup de respect pour la comédie, qui est pour moi le genre le plus difficile et que je n’ai pas beaucoup fait, mais quand je l’ai fait, je l’ai fait avec à la fois beaucoup d’angoisse et beaucoup de plaisir. Je pense particulièrement à Tu vas rire, mais je te quitte de Philippe Harel.

Le film Romance de Catherine Breillat vous a beaucoup exposé médiatiquement. Quel souvenir gardez-vous de cette expérience ?

C’était un cauchemar. Mais je voulais travailler avec une sorcière, je n’ai pas été floué. J’aime beaucoup Catherine, ça n’a rien à voir. Mais pendant le tournage, le matin, j’aurais frappé un flic pour aller en prison, plutôt que d’aller sur le plateau. En plus, Catherine a besoin de mettre une tension conflictuelle sur le plateau. C’est sa manière de travailler. Je trouvais le tournage tellement plus surréaliste que l’histoire que l’on racontait que je disais à Catherine : « Mais filme l’équipe ! Ton film là, on s’en fout. » Il y avait un côté Fellini complètement baroque. D’ailleurs, elle en a fait un film plus tard [Sex Is Comedy, ndlr.] avec Anne Parillaud et Grégoire Colin, qui est l’histoire du tournage de Romance. Je n’en ai pas gardé un souvenir agréable. Et le paradoxe de la vie fait que, généralement, les films qui ne nous plaisent pas vraiment sont ceux qui font un carton (rires).

« Sur le tournage de Romance, j’aurais frappé un flic pour aller en prison, plutôt que d’aller sur le plateau »

Aimeriez-vous revenir au théâtre ?

J’ai joué un rôle encore très écorché et très particulier, qui m’a coûté très cher, et mentalement et physiquement [Adaptation du film Orange mécanique, en 2006, ndlr.] J’aimerais beaucoup rejouer au théâtre. J’ai un ami qui vient de me proposer une pièce, qui m’intéresse beaucoup. Après, c’est vrai que c’est compliqué avec le tournage de Falco. C’est à la fois le rêve d’un acteur et à la fois, c’est un marathon de tourner la journée et d’être au théâtre le soir. Mais certains soirs, quand je rentre du tournage de Falco, je suis dans un état d’épuisement total. Il y a des pièces qui s’y prêtent parce qu’on utilise la fatigue que l’on a déjà pour un personnage. Mais si c’est pour jouer un Feydeau, c’est compliqué.

Que vous a apporté votre expérience internationale ?

J’adore tourner en Anglais. C’est une langue faite pour le cinéma parce qu’elle est concise et directe. Quand j’ai tourné Coco Chanel avec Christian Duguay, qui est Canadien, ou avec Sylvain Archambault sur Rouge Brésil, j’ai découvert un désir de travail différent. Les Canadiens ont pris la meilleure manière de travailler américaine et le meilleur du côté français. Ils sont très bosseurs. Il n’y a pas d’ego. On remet tout le temps tout en question. On peut improviser, chercher. Chacun fait son taf et le fait bien et on ne déconne pas là dessus. Et le soir, on boit un coup tous ensemble et on est content. J’ai essayé de me battre pour ramener cet état d’esprit avec l’équipe sur Falco. Je comprenais aussi le danger de travailler avec des gens qui ont fait 20 Boulevard du Palais ou 15 RIS. Au bout d’un moment, ils entrent dans une espèce de routine, mais j’avais vraiment besoin de créer un esprit de famille et de les impliquer par rapport à ce que l’on faisait. Ça amène une fierté de tous et on a envie de se défoncer pour la série. Pour moi, c’est vraiment un sport collectif. Ce sont les autres qui vous rendent bon.