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Show biz, icône gay, Danse avec les stars, Sheila passe sa vie au crible

Claire Varin
Publié le 01/01/2013 à 18:23 Mis à jour le 08/01/2013 à 13:04

A l’occasion de la diffusion du documentaire, Sheila, l’histoire d’une vie, sur France 3, la chanteuse aux cinquante ans de carrière regarde dans le rétroviseur et revient sur les moments forts de sa vie. Rencontre...

Vous avez longtemps refusé de faire l’objet d’un portrait. Pourquoi avez-vous enfin accepté ?

Sheila : C’est vrai qu’ils me l’ont proposé plusieurs fois. Mais parler pour parler, je ne voyais pas l’intérêt. Puis Yves (Martin, son compagnon, ndlr) et moi avons eu un très bon contact avec Jérôme Bréhier (réalisateur, ndlr). Au départ, des journalistes devaient intervenir pour faire une analyse de mon parcours. Mais ça ne s’étudie pas. Jérôme a posé un regard humain, qui essaie simplement de comprendre. Cela m’a plu.

Que pensez-vous de ce portrait ?

Ça dépeint très bien cette époque hallucinante. Il y a eu 68 et la libération sexuelle. Aujourd’hui, ça nous parait loin. Mais en ce temps-là, on n’avait pas le droit de se maquiller, ni de porter des jeans. Il faut remettre les choses dans leur contexte et c’est ce que l’on voit bien dans le film. Les années 60, c’est le moment où la jeunesse commence à s’exprimer et à exister. Au départ, c’est à travers des chansons et, huit ans après, c’est à travers des pavés dans la rue.

Selon vous, que va retenir le public en voyant ce documentaire ?

Il y a tellement de choses que moi-même, j’avais zappé. La mémoire est sélective. Au final, on ne retient que les bons moments. Il y a beaucoup de jeunes qui ne connaissent pas ma vie et l’histoire telle qu’elle est. Ce que l’on voit dans le film est assez phénoménal. On peut se demander comment je ne suis pas tombée dans la drogue, l’alcool ou comment je ne me suis pas suicidée. Je n’ai pas fait d’étude, j’ai commencé à travailler sur les marchés. Et je crois que l’école de la vie vous offre une grande force. Mon éducation a fait que j’ai toujours essayé d’être à la hauteur de ce que l’on me demandait.

« J’ai été happée et avalée par le système »

Claude Carrère, votre ancien producteur, est absent du film. Quelle en est la raison ?

J’avais demandé qu’il vienne témoigner, il a refusé. En regardant le film, on comprend pourquoi. J’ai réalisé sous quelle chape j’étais. À l’époque, je ne me rendais pas compte. Je chantais, je réalisais un rêve de gamine. J’ai été happée et avalée par le système. Mais je ne regrette pas cette vie-là. Ce que je regrette, c’est mon compte en banque. Aujourd’hui, on ne se parle plus. Carrère a beau penser qu’il est le meilleur, là où il a tort, c’est que sans Claude, je ne suis rien, mais sans Sheila, Carrère n’est rien. Ça a été la réussite hors du commun d’un binôme.

Claude Carrère était derrière la rumeur « Sheila est un homme ». C’est aussi lui qui a prévenu la presse le jour de votre mariage avec Ringo. Lui avez-vous pardonné ces deux trahisons ?

Ce sont des choses que j’ai découvertes très tard. J’ai mis des années avant de pouvoir lui pardonner. Mais Claude est un commerçant. Il n’a pas de sentiment. S’il en avait eu, il serait venu témoigner dans le film et on serait capable de déjeuner ensemble en se remémorant ces années-là. Chaque être est différent. Je pensais qu’un jour, il changerait. Il ne change pas. Tant pis pour lui.

PARTIE 2 : De l’icône gay à Danse avec les stars, les révélations de Sheila


Le film évoque également vos années avec B. Devotion et la manière dont cela a bouleversé les rapports raciaux...

On parle encore beaucoup de racisme aujourd’hui, mais à l’époque, être une blonde au milieu de trois noirs, ça n’était pas du tout bien vu. Dans le showbiz, ça choquait beaucoup. J’ai été un peu la protégée de Dassault, j’ai fait beaucoup de couvertures de Jours de France. Mais, le jour où je suis arrivée avec mes danseurs noirs, ça n’a pas été la même chose. On ne mélangeait pas. Il y a longtemps, j’ai fait une émission sur M6. C’était au moment de l’explosion de groupes de couleurs. Et des jeunes sont venus me voir en me disant « Vous étiez une des premières. Grâce à vous, on a notre place ». Je suis fière de ça et je le revendique. Quand j’ai travaillé avec Bernard Edwards et Nile Rodgers (producteurs de « Spacer », ndlr), j’étais classée aux États-Unis et je passais pour une chanteuse noire parce que j’étais dans le Old Soul Music. J’étais produite par des gens de couleur, il était donc impensable que je sois blanche. C’est insensé.

Quel regard portez-vous sur votre image d’icône gay ?

Je suis devenue en effet une icône. Mon public gay était très présent à l’Olympia. La période disco a été un tournant dans ma carrière. Dans les années 80, j’ai vécu à Los Angeles et à New York et je les ai un peu fréquentés. Ce sont les premiers à s’être lâchés. Les gays sont des fêtards. Ils ont un sens inné de la fête et ils la font bien.

Quelle est votre position sur le mariage pour tous ?

Je suis pour l’égalité des droits. Mais le mot « mariage » froisse certains et enflamme le débat pour rien. Un PACS amélioré conviendrait mieux.

« Danse avec les stars change, c’est un peu dommage »

Que retenez-vous de votre participation à Danse avec les stars ?

C’était une très belle expérience avec un partenaire de rêve. Mon Juju ! (Julien Brugel, ndlr.) C’est une émission où il faut s’accrocher. J’ai adoré le faire. Je suis en train d’écrire un livre sur cette expérience, qui s’appellera « Danse avec la vie ». Sur la dernière saison, il n’y avait pas d’anciens. L’émission change, c’est un peu dommage. Ça enlève l’expérience humaine, qui faisait se croiser les générations. J’étais dernière toutes les semaines, mais je terminais première auprès du public. Si moi, je peux le faire, les gens peuvent le faire. Et j’ai envie donner de l’espoir aux gens.

Quelles sont aujourd’hui vos envies ?

J’ai envie d’aller là où l’on ne m’attend pas. J’ai horreur de la routine. Parfois, je fais des choses insensées comme La Dinde pour Canal+ (court-métrage de la collection Ecrire pour un chanteur, ndlr). Je n’aime pas regarder en arrière. Ce qui m’intéresse, c’est l’avenir. Je viens de fêter mes cinquante ans de carrière à l’Olympia. Je fais un album qui s’appelle « Solide » avec que des chansons inédites. Ce faisait douze ans que je n’en avais pas fait. J’espère partir en tournée. J’ai envie de faire du théâtre, de tourner une série. Ce qui m’intéresse, ce sont les rencontres et les expériences. J’aime apprendre...