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Un village français : la série chorale et addictive organise la résistance

Claire Varin
Publié le 02/04/2012 à 14:48 Mis à jour le 19/03/2014 à 01:35

Mardi 27 mars, Un Village français a fait son retour sur France 3 devant 3.66 millions de téléspectateurs et 13.7% du public en moyenne pour les deux premiers épisodes de sa quatrième saison, se déroulant en juillet 1942. La série historique a ainsi démontré que, malgré les irrégularités de la chaîne quant à sa diffusion depuis trois ans (d’abord le jeudi soir, puis, le mardi, le dimanche et à nouveau le mardi), elle a su trouver son public.

Créée en 2009, par Frédéric Krivine, Philippe Triboit et Emmanuel Daucé, Un Village français suit le quotidien des habitants d’une petite ville - sous préfecture - du Jura depuis l’arrivée des Allemands en juin 1940. Elle mêle les petites histoires à la grande. Résistance, collaboration, survie et préservation d’intérêts personnels, la situation extraordinaire exacerbe les comportements. Cette série feuilletonnante est aussi une fiction sur le couple. Les relations entre les personnages - auxquelles le public peut s’identifier - sont au coeur du récit. Ainsi, lors de cette saison 4, le nouveau couple formé par Jean Marchetti (Nicolas Gob) et Rita (Axelle Maricq) se fait emblématique de ces épisodes, mettant en exergue l’absurdité de l’antisémitisme.

Un Village français est une série chorale, luttant pour ne pas avoir de héros. Elle a néanmoins ses têtes d’affiche, dont elle prend soin, en s’adaptant à leur emploi du temps chargé. Audrey Fleurot - que le cinéma appelle de plus en plus, mais à qui la télévision offre des rôles très riches - confie être “très attachée à son personnage”, et partage son bonheur de le retrouver, à chaque fois. Tandis que le “plaisir est de plus en plus grand” pour Thierry Godard. L’absence de héros au profit de personnages “à hauteur d’homme” ménage l’incertitude quant à leur destin, à travers le récit d’une période de tous les dangers. Car Un Village français devrait - sauf mauvaise surprise - s’étendre jusqu’à 1945 et trouver son épilogue avec les procès jugeant les maires et les préfets après la guerre.

À défaut d’avoir des volumes de productions plus importants en France (et une régularité de diffusion), Frédéric Krivine a bien compris que son rendez-vous avec les téléspectateurs, il devait le créer en rendant sa série plus addictive. La structure narrative a ainsi évolué depuis la première saison. Une certaine déception, concernant les premières audiences, a été un moteur pour aller vers un récit “plus tordu, plus névrosé, plus addictif “. “Et pour cela il faut, plus que tout, travailler la cohérence psychologique des personnages” explique l’auteur. La production a alors fait appelle à Violaine Bellet, une « psyscénariste », chargée de s’en assurer. Celle-ci raconte que “pour le téléspectateur, l’enjeu est très fort : il reconnaît chez l’un ou l’autre sa propre problématique, poussée à l’extrême, et se demande comment ce double de fiction va s’en sortir, que ce soit par le passage à l’acte ou le refoulement.” (TéléObs)

Pour le scénariste, l’Occupation est un “kaléidoscope de la condition humaine”. Le miroir que l’on nous tend ici joue brillamment du fossé, qui sépare les téléspectateurs des personnages, quant à la connaissance de l’Histoire. Ce début de saison 4 n’en est que plus poignant. Il met en scène l’arrivée d’un train, transportant des juifs étrangers. La série aborde le sujet des rafles et de la déportation des juifs. Durant six épisodes, les actions des personnages interfèrent sur le destin de chacun. Sans miracle. Le récit saisit le téléspectateur, sans être larmoyant. La série met en avant le manque de pertinence de cette éternelle question « Et vous, qu’auriez-vous fait ? », tout en trouvant une résonance contemporaine appelant à la vigilance.

En effet, Un Village français répond à sa fonction de divertissement, sans pour autant négliger une exactitude historique. La production est ainsi conseillée par l’historien, spécialiste de la Seconde Guerre Mondiale, Jean-Pierre Azéma. Pour Frédéric Krivine, il s’agit d’être « juste historiquement » et veiller à ne pas dire “trop de conneries”. Il faut ”provoquer des questions chez le public, mais pas des indignations”. L’attitude de la France et des Français durant cette période reste un sujet troublé et susceptible. Or, la dimension pédagogique est aussi très présente. Robin Renucci - pour qui, il est très important qu’Un Village français soit vu par les jeunes téléspectateurs - rejoint les propos de l’auteur. L’acteur, passionné et impliqué, déclare “On est dans une télévision qui fait du bien. Un village français ne donne pas de leçons, mais plutôt des clés pour réfléchir.“ Pour le comédien, la série répond alors parfaitement à ce que doit être la télévision et le service public.