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Véronique Genest (Julie Lescaut) : « 22 ans de vie en commun avec les gens, c’est vraiment très fort »

Claire Varin
Publié le 23/01/2014 à 22:35 Mis à jour le 24/01/2014 à 09:46

Après vingt-deux ans d’existence, Julie Lescaut tire sa révérence ce jeudi 23 janvier 2014. A l’occasion de ce final, Véronique Genest revient sur l’évolution de son personnage et celui de la série policière à succès de TF1. Survivante du 90 minutes, Julie Lescaut a traversé l’évolution des séries sans jamais changer de format, contrairement à d’autres. L’actrice s’était notamment battue pour ça. Retour sur une série phare de la Une avec son héroïne.

Claire Varin : Êtes-vous satisfaite de la manière dont vous dites au revoir à Julie Lescaut ?

Véronique Genest : Je suis extrêmement satisfaite de cette fin. J’en suis un peu l’instigatrice. J’ai ramené Babou à la table de travail pour qu’elle soit dans ce scénario. J’ai pitché une histoire autour de la famille et après les auteurs ont travaillé. J’avais envie d’une fin qui partirait sur un avenir heureux. C’est ce que nous avons amené progressivement depuis quelques épisodes.

Joséphine Serre, alias Babou, a-t-elle été difficile à convaincre ?

Pas du tout. Ça s’est fait spontanément. On s’est croisé par hasard dans la rue au moment où je retournais sur le plateau. Tout s’est fait extrêmement vite.

Que diriez-vous de votre relation avec Jennifer Lauret et Joséphine Serre, qui ont joué vos filles durant plus de vingt ans ?

Je les ai vues grandir. Elles sont géniales, je les adore. Avec elles, je n’ai jamais l’impression de jouer. Tout est naturel, on se connaît tellement bien. On s’est un peu formé les unes et les autres dans nos façons de penser et dans nos méthodes de travail.

Peut-on parler de double langage entre le discours de Julie Lescaut à la fin et vos adieux aux fidèles de la série ?

Bien sûr. Quand Julie parle à ses filles ou à ses collaborateurs, c’est un peu moi. J’avais moi aussi beaucoup de choses à dire aux téléspectateurs.

Vous avez parfois dit que vous n’aviez pas de nostalgie, que le moment était venu de dire au revoir à ce personnage. Quelle a été votre émotion sur ce tournage ?

C’était une énorme émotion. Mais j’ai eu le temps de me faire à l’idée. J’arrête une série qui a duré vingt-deux ans. On y pense depuis pas mal d’années. On savait que l’on se dirigeait vers une fin. Et entre le moment où l’on prend la décision, celui où on l’écrit et celui où l’on tourne, il peut se passer un an, voire deux. Ce ne sont pas des choses qui se font du jour au lendemain. Il n’y a pas de tristesse, ni de nostalgie parce qu’il y a plein de choses qui se passent dans ma vie. Mais il y a une nostalgie chez les personnages, comme lorsqu’on quitte quelque chose que l’on a aimé, à une partie de sa vie et qu’on la regarde… Moi, j’ai surtout des bons souvenirs. C’est ce que je suis en train d’écrire pour les gens, pour leur parler de Julie comme une grande ballade sur les coulisses. Je n’aime pas la nostalgie parce que ça empêche d’avancer. Il s’agit plutôt de se retourner et de regarder ce que l’on a fait avec tendresse et émotion.

« Je suis extrêmement satisfaite de cette fin »

Avez-vous le sentiment de devoir ce livre (dont la publication est prévue pour avril 2014) au public ?

C’est une envie parce que les gens me posent depuis vingt-deux ans des tonnes de questions et j’essaie d’y répondre. En lisant ce livre, je pense qu’ils auront éventuellement l’impression d’être venus avec moi sur les tournages. C’est une manière de conclure vingt-deux ans d’une aventure en commun. Vingt-deux ans, c’est énorme et assez inhabituel.

Partie 2 > Julie Lescaut et les rapports avec TF1


Que représente Julie Lescaut pour vous ?

C’est une question difficile parce que Julie, c’est une partie de moi. Elle a été longtemps un peu un porte-drapeau. Il ne faut pas oublier qu’elle est née en 1991 et que tout n’était pas comme aujourd’hui. Donc elle représente cette femme nouvelle qui prenait un travail d’homme. En tant que patronne, elle commandait des hommes qui n’étaient pas forcément ouverts aux femmes. En même temps, elle devait assumer sa vie de mère, de femme. Julie était une sorte de pionnière.

En vingt-deux ans, la télévision et les séries ont évolué. Pour certains, Julie Lescaut est devenue ringarde. Pensez-vous que l’on a oublié son côté pionnière ?

Je réfute le mot « ringarde » parce que la série a su beaucoup évoluer. Elle dame le pion à beaucoup d’autres séries. Ceux qui disent ça sont ceux qui ne la regardent pas. À moins que toutes les pionnières deviennent ringardes. Mais c’est dommage de penser ça.

Au cours de ce dernier épisode, il y a quelques flashbacks familiaux. Cependant, vous ne jouez pas la carte nostalgie avec Mouss Diouf, Jean-Paul Rouve...

On les voit dans l’épisode sur la mort de Motta [Alexis Desseaux, ndlr.] Jean-Paul, c’est une autre époque. Même si c’était un personnage formidable – et je suis ravie de l’acteur qu’il est devenu aujourd’hui - ce n’était pas un personnage fondamental comme Mouss ou Alexis. À la fin de Julie Lescaut, on a fait des hommages sur ma demande. Je voulais faire un petit générique spécial car je trouvais que ça valait le coup.

On aperçoit également Jérôme Anger...

Trémois a été un personnage important. J’ai été extrêmement triste quand Jérôme Anger est parti. Pour moi, ça a été la première petite blessure. Julie c’était une famille et à chaque fois que quelqu’un partait c’était… Mais bon, la vie est faite de ça aussi. C’est comme quand les enfants grandissent et quittent la maison. En même temps, chacun a le droit d’aller faire autre chose et c’est bien.

Quels sont vos épisodes marquants ?

Je suis en train de repasser en revue beaucoup de choses puisque j’écris mon livre. Des épisodes entiers, des moments heureux ou douloureux. C’est un peu comme feuilleter un album. Des moments marquants, il y en a tellement. Alors, en sortir un, c’est difficile. Vingt-deux de vie en commun avec les gens, c’est vraiment très fort.

« J’avais le sentiment que Julie avait une vertu morale autour de ce que véhiculait le rôle de mère »

Y a-t-il des thématiques abordées dans la série dont vous êtes fière ?

L’idée majeure de Julie Lescaut était de parler de cette société. Donc oui, j’étais contente de traiter de certains sujets, comme l’euthanasie. Et même temps, je n’étais jamais vraiment satisfaite parce qu’on était toujours obligé de traiter de ces faits de société d’une façon très consensuelle et trop effleurée à mon goût. A chaque fois, je me battais un peu pour une prise de position plus forte. Mais on était sur TF1. De temps en temps, à travers Julie, j’arrivais à prendre des positions, mais c’était quand même assez délicat.

Aviez-vous plus de liberté sur un thème précis ?

Oui, dans le traitement des relations mère-filles. J’adorais toutes ces scènes de famille, avec Paul quand il revenait, avec les filles qui devenaient adolescentes, l’occasion de parler de la pilule. J’ai traité aussi des dangers du scooter. Et j’ai reçu beaucoup de lettres de mères, qui me remerciaient en disant grâce à vous j’ai pu régler le problème du scooter (rires). Je trouvais ça drôle parce qu’ils écoutaient plus Julie que leurs parents. Entre la cinquième et la dixième année de la série, j’avais le sentiment que Julie avait une vertu morale autour de ce que véhiculait le rôle de mère.

Partie 3 > Les attentes autour du final et les projets


Vous avez utilisé le mot « consensuelle ». Avez-vous eu quelques frustrations au cours de ces vingt-deux ans ?

Je suis quelqu’un de très entier, volubile et explosif. Sur Julie Lescaut, j’ai eu des frustrations permanentes. Mais c’est comme lâcher un patineur sur une piste, s’il y a des figures imposées, il faut qu’il les fasse. Après, il faut le faire le mieux possible et avec le plus d’âme possible. C’est ce qui fait la différence. Mais ça reste des figures imposées. Parler de frustration, le mot est un peu fort. Mais si la télé était plus libre, j’irais plus loin. Mais ce n’est pas le domaine de la télé d’aller très loin. Le domaine de la télé, c’est de rester tout public.

En tant qu’actrice, comment le succès de la série a fait évoluer votre capacité d’intervention ?

Je ne suis pas quelqu’un qui manœuvre. Je ne pense pas les choses en ces termes-là. J’ai su juste à un certain moment négocier gentiment avec les gens de la chaîne sur un terrain plus personnel. C’est-à-dire d’arriver à faire d’autres sujets, des projets différents de Julie Lescaut. Ce qui n’était pas gagné au départ. Parce que, pour eux, j’étais Julie Lescaut et il n’était pas vraiment question que je sois autre chose. Ça a été mon combat de pouvoir faire d’autres choses, qui ont très bien marché aussi et qui m’ont ouvert plein de portes. J’ai pu transformer ce succès et cette popularité en réussite personnelle et aller plus loin dans mon métier.

Avez-vous le sentiment que TF1 a toujours bien traité la série ?

Je pense que ça n’a rien à voir avec la série. C’est le monde qui a changé. Au début de Julie Lescaut, l’ambiance à TF1, les gens qui y étaient, les objectifs étaient différents. C’était plus familial. L’enthousiasme embarquait tout le monde. Puis, petit à petit, le commerce a pris le pas sur le sentiment. Je me suis un peu naturellement éloignée des lieux. Mais j’ai toujours été extrêmement bien traitée par TF1. On marche dans ce monde de plus en plus vers l’indifférence. Mais je n’ai pas besoin que l’on m’appelle toutes les cinq minutes pour me montrer combien on m’aime donc je m’en fous un peu.

Vous avez un lien fort avec le public. Attendez-vous les audiences de ce final ?

Je me moque un peu des audiences. Quand j’ai commencé Julie Lescaut, il n’y avait pas de chiffres d’audiences, il y avait un indice de satisfaction. Quand je vois qu’un épisode a enthousiasmé le public, ça ne peut pas me faire plus plaisir. Après à 100 000 téléspectateurs près, je m’en fous. Aujourd’hui, il y a énormément de chaînes. La série dure depuis vingt-deux ans et elle est encore regardée par 6 millions de téléspectateurs, c’est fantastique. Les aficionados sont là. Il n’y aura pas de changement parce que c’est le dernier épisode. Et ceux qui ont autre chose à faire, ils regarderont en replay. J’attends surtout les messages du public et je les ai. Ils sont à la fois tristes et prêts à me suivre sur autre chose. Et ça, c’est formidable parce que j’ai bien l’intention de leur proposer autre chose.

« J’ai pu transformer ce succès et cette popularité en réussite personnelle et aller plus loin dans mon métier »

Dans l’absolu, seriez-vous prête à refaire une série télé ?

Je ne suis fermée à rien. Je suis ouverte à toutes les propositions. Je lis tout, je regarde tout. Du moment que ça m’enthousiasme et ceux qui m’entourent. Et bien, allons-y !

Quelles sont vos envies ?

Mes envies ne concernent pas le domaine du polar, mais plutôt la comédie et la tendresse. J’adore les rapports humains. Je n’ai pas de blocage. Mais refaire un policier tout de suite, non peut-être pas. À l’heure actuelle, j’ai plutôt envie de faire rire.