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90210 : la débâcle du nouveau Beverly Hills

Tony Cotte
Publié le 30/10/2009 à 13:05 Mis à jour le 14/12/2010 à 18:58

Dans un premier temps envisagée comme une série dérivée, puis un remake, pour finalement jouer sur les deux tableaux, 90210, ou le nouveau Beverly Hills, aura eu le mérite, depuis les premières rumeurs de son apparition au printemps 2008, d’alimenter nombre de blogs et d’articles dans la presse people. Au-delà de ces retombées médiatiques, l’événement annoncé a été débouté de ses prétentions à la fois par la dure loi de l’Audimat, mais aussi par les juges de la critique. Actuellement en cours de diffusion outre-Atlantique, la seconde saison a désormais pour ambition de totalement s’émanciper de la fiction originale. 90210 ou les excès de la mode revival.

Une société d’hyperconsommation à la dérive, une morosité ambiante liée à la crainte d’un avenir incertain et une prise de risque minimale de la part des studios de production, toutes les causes ont été énumérées pour expliquer le plébiscite de la vague de nostalgie présente depuis maintenant deux saisons. Force est de constater que le « revamping » est désormais une valeur sûre dans le paysage audiovisuel. Mais si les jeux ont trouvé la bonne formule, les fictions télévisées, elles, ont plus de mal à s’imposer en reprenant d’ancien concept. Malgré l’échec, tant critique que commercial, de Knight Rider (K2000) ou encore Bionic Woman (Super Jaimie), CW n’a pourtant guère hésité avant de proposer à la rentrée 2008/2009 une version modernisée de Beverly Hills.

Les jeans taille haute, t-shirts amples rentrés dans le pantalon et autre marinière ont laissé place à une garde-robe griffée où se côtoient Dior, Chanel, Vuitton et autre Gucci entre open shoes, robes bustier et lunettes de soleil oversized. L’une des séries phares signées par le tandem Darren Star et Aaron Spelling s’est offerte un véritable lifting et le retour du code postal le plus populaire des États-Unis a alors tout d’un événement pour ceux, et surtout celles, qui ont fréquenté les bancs des lycées au rythme des péripéties de Brandon, Brenda et Kelly.

Le 2 septembre 2008, près de 5 millions de curieux assistent ainsi au lancement de 90210 sur CW. Ce soir-là, le network réalise un record dans sa courte histoire pour la diffusion d’un pilote. Cinq mois plus tard, ils ne sont plus que 2.5 millions au rendez-vous pour une performance sur les majeurs de moins de 50 ans réduite de moitié. Censée être une version moderne de Beverly Hills, la série est, certes, une copie quasi-confirme de son prédécesseur sur le papier, mais s’inspire davantage de Veronica Mars et Gossip Girl, avec laquelle elle se partage une bonne partie des équipes techniques, sur la forme. Les nostalgiques n’y voient donc qu’une resucée et les plus jeunes téléspectateurs ont bien du mal à y trouver une valeur ajoutée. Face à une telle débâcle, CBS Paramount et The CW souhaitent une écriture plus féminine et nomment Rebecca Rand Kirshner Sinclair nouvelle showrunner et scénariste en chef. Parmi les premières décisions de l’ancienne productrice de Gilmore Girls : une volonté affirmée de construire un nouvel univers, loin de celui de la série d’origine.


Après ce sérieux revers au pays de l’oncle Sam, 90210 Beverly Hills, nouvelle génération débarque en France. Le 5 septembre, soit presque un an jour pour jour après son arrivée outre-Atlantique, les téléspectateurs de M6 font la connaissance de la famille Wilson. Pour offrir une case de choix à sa nouvelle acquisition, la chaîne privée opte pour une programmation clin d’œil, le samedi soir en access prime time, là même où la série mère a fait ses débuts à l’antenne de TF1 en 1993.

Précédé par une bien mauvaise réputation et le succès du streaming, le remake de Beverly Hills attire l’attention de 1.10 million de curieux, soit seulement 8.9% du public présent devant son poste de télévision de 18h50 à 19h35. La semaine suivante, le retour de Shannen Doherty sous les traits botoxés de Brenda ne séduit guère les fans de la première heure et moins de 900 000 téléspectateurs sont au rendez-vous, soit 7.2% de part de marché. Les semaines se suivent et se ressemblent, 90210 affiche une moyenne d’environ 870 000 fidèles pour à peine 6% de part d’audience tout au long de ses huit premiers épisodes. Une déception qui n’a d’égal que la désillusion de la régie publicitaire de M6. En effet, face aux contre-performances significatives, les annonceurs sont loin de se bousculer pour acheter un espace de visibilité pendant, avant ou après la diffusion de la fiction. À tel point que la chaîne privée est contrainte de voir à la baisse ses prétentions tarifaires, passant d’une facture de 17 600 € (hors taxes) pour 30 secondes d’espaces publicitaires lors de la coupure au milieu de chaque épisode, à moins de 9000 € aujourd’hui.

Patiente, mais lucide quand il s’agit de recettes, M6 prend alors la décision draconienne de déprogrammer les aventures de Annie, Ethan, Naomi et toute la bande pour les proposer, dès le 18 novembre, dans une case porte-bonheur : le mercredi à 15h30. C’est dans ce même créneau horaire que Un, dos, tres avait fait ses débuts en février 2004. À cette époque, le programme espagnol pouvait compter sur un million de téléspectateurs pour 15% de part de marché, en arrivant largement leader chaque semaine sur le public de moins de 15 ans.

Particulièrement vigilante aux audiences réalisées à l’étranger, M6 joue non seulement sa dernière carte pour 90210, mais devrait y regarder à deux fois avant de proposer Melrose Place, dont le groupe a fait l’acquisition à l’issue des Screenings, sur son antenne. À défaut d’avoir les honneurs du réseau hertzien, les nouveaux héros de la célèbre résidence californienne pourraient prendre leurs quartiers directement sur la TNT.