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Jean-Pierre Pasqualini (Télé Melody) : « La télé du passé n’a pas que du bon »

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Rédacteur - Expert TV & Séries
Publié le 16/10/2013 à 15:55 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:43

Passion et érudition pour la musique de variété et la télévision fusionnent dans la philosophie de Jean-Pierre Pasqualini. Devenu Directeur des programmes en charge des contenus après dix ans à la présentation sur Télé Mélody, le créateur du magazine de la variété « Platine » passe aux aveux pour Toutelatele.

Clément Gauthier : Comment êtes-vous devenu Directeur des programmes après dix années de collaboration avec Télé Mélody ?

Jean-Pierre Pasqualini : Sur Télé Melody, on voit des clips des années 70 à 2000 et des interviews cultes diffusées en intégralité. J’en ai fait mille depuis dix ans. Christian Savigny [ex-Directeur des programmes de Télé Melody, ndlr.] a quitté la chaîne en 2013. Je n’avais jamais été animateur avant 2003 sur Télé Melody et Karine Le Marchand me disait : « Si tu veux devenir Pascal Sevran et monsieur chanson, il faut montrer ta gueule. » Elle m’a poussé et m’a dit qu’il fallait que je fasse de l’antenne. Télé Mélody m’a demandé de laisser passer ma passion pour la chanson à l’antenne. Aujourd’hui, je suis Directeur des programmes en charge des contenus de l’antenne, ce n’est pas la totalité des responsabilités de mon prédécesseur qui s’occupait également de recruter les animateurs et de mettre des émissions à l’antenne.

Quelle personne porte l’autre partie des responsabilités du Directeur des programmes ?

Elena Bécart, la chef de production qui a travaillé à la BBC. Quand je choisis une émission, elle prend le suivi avec l’INA pour négocier les droits. Il y a deux chances sur trois pour qu’on puisse diffuser une émission. On achète à l’INA les droits pour un an et 21 diffusions. On a toujours des émissions à réinjecter avant que les droits soient épuisés.

Quels nouveaux programmes significatifs pourra-t-on retrouver cette saison sur la grille de Télé Mélody ?

Le boulevard des planches de Fabien Lecoeuvre vient d’arriver avec la première en septembre. C’est la première fois qu’au casino de Deauville, on fait une vraie émission de variétés complète, un vrai show comme Guy Lux. Ce n’est pas une production « maison. » On laisse faire Fabien Lecoeuvre, car il sait mélanger Mickael Miro et Nicoletta. Dans les semaines thématiques, il y a aura, par exemple, sept émissions sur un artiste ou un thème, comme la chanson italienne dans la semaine « Viva Italia ».

Cherchez-vous à élargir votre cœur de cible à un public plus jeune ?

Oui, mais très progressivement, car notre hantise est que quelqu’un tombe sur notre chaîne et pense qu’il est sur une autre chaîne musicale. On veut que chaque seconde de Télé Melody ait la couleur de la chaîne. On passe de jeunes talents lorsqu’ils font des duos d’hommage comme avec Michel Delpech ou Jean-Jacques Goldman et la version reprise par Amel Bent. Beaucoup de maisons de disque misent sur des albums de reprises ou de duos, car elles sont frileuses à cause de la crise. Quand Nolwenn Leroy reprend des chansons bretonnes et des standards patrimoniaux, ça nous arrange.

« La génération du Club Dorothée pourrait être la dernière nostalgie commune à des millions de téléspectateurs »

En dix ans d’antenne et mille émissions, quels moments vous ont le plus marqué ?

Le fait que Guy Lux ne passait pas que de la variété. Il a eu les adieux de Jacques Brel à la télé, en 66, dans Le Palmarès des chansons. De voir Discorama, émission née en 1959 et présentée par Denise Glaser, jusqu’en 1974. C’est la première émission non décorée, où on voit les échelles, les caméras et les micros dans le fond. Raoul Sangla, le réalisateur, prenait des libertés. Il filmait Gainsbourg pendant qu’il écoutait la question posée. On voyait son regard face à Denise Glaser lui demandant : « C’est pour le pognon que vous avez écrit Poupée de Cire pour France Gall ? » Il était blême. Je trouve ça génial de repasser ses Discorama avec des questions qui percutent. Les chanteurs ne parlaient pas beaucoup à la télé, mais chantaient. Aujourd’hui, ils ne font que parler dans les talk-shows...

Regrettez-vous les émissions de l’époque comme Discorama, au regard des nouveaux programmes musicaux et de talk-show ?

Je ne veux pas dire que « c’était mieux avant. » La télé d’avant était cocasse comme lorsque Guy Lux se cassait la gueule et était perdu sans ses fiches. Chaque époque a sa télévision, mais grâce à Télé Melody, les jeunes peuvent voir les originaux des reprises d’aujourd’hui comme dans Génération Goldman. Je pense que les talk-shows d’aujourd’hui correspondent à notre époque. J’adore Laurent Ruquier, quand il les met sur le fauteuil avec des questions parfois aussi dures que Denise Glaser. Je pense que la télé du passé n’a pas que du bon. Pascal Sevran disait que les chanteuses étaient mieux avant, moi j’adore Zaz. La cohabitation est possible comme dans le magazine Platine.

Que pensez-vous du traitement de la musique dans le PAF avec l’émergence de nouvelles chaînes ?

La grande chance de Télé Melody est d’avoir une nostalgie monolithique, car les baby-boomers, les derniers à avoir une retraite bien payée, n’avaient en 1963 que l’ORTF en noir et blanc et ont donc une nostalgie commune. Avec l’émergence de toutes ces chaînes et de toutes ces radios, depuis 1981 et la libération de la bande FM, on a segmenté. Il y a des niches pour les jeunesses R&B, Rap, variété, chansons à texte. Je pense que dans 40 ans, on ne pourra pas faire une chaîne unique de nostalgie. Nous, on peut aller du disco au twist, c’est assez proche. Il y aura une nostalgie pour ces vieux rappeurs avec une canne qui regarderont Melody Rap car on pourrait décliner, comme pour notre nouvelle chaîne du disco. Aujourd’hui, à part Mylène Farmer, que reste-t-il comme idole ? Je ne trouve pas ça mal, mais on est à l’apogée de la nostalgie monolithique. La génération 1987 du Club Dorothée pourrait être la dernière nostalgie commune à des millions de téléspectateurs.