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Un Village français : l’heureuse combinaison gagnante de la saison 5

Claire Varin
Publié le 01/10/2013 à 19:32 Mis à jour le 08/10/2013 à 15:18

En août dernier, le New York Times vantait les qualités de quatre séries françaises auxquelles le public américain n’a pas accès. « Ces séries valent la peine qu’on les cherche » disait l’article. Parmi elles, Un Village français. La série de France 3 était mise au niveau des créations originales de Canal+ (Engrenages, Maison Close et Les Revenants) et était rapidement comparée à Band of Brothers. Cette reconnaissance venue d’outre-Atlantique est un atout supplémentaire pour cette production déjà grandement saluée par la critique et le public français.

Depuis 2009, Un village français passionne plusieurs millions de téléspectateurs (3.8 millions en moyenne lors de la saison 4). Sa cinquième saison démarre ce 1er octobre sur France 3 et ne devrait pas décevoir les fidèles. Elle pourrait même attirer de nouveaux curieux. Bien que feuilletonnante, la série, de Frédéric Krivine et produite par Tetra Media Fiction, peut être attrapée en cours de route. Chaque saison, chaque année d’occupation, s’apprécie comme une entité.

Ici, on retrouve les habitants de Villeneuve à l’année 1943. Chassagne (Philippe Résimont), le maire, est un pétainiste pur et dur, dévoré par ses ambitions. Il dirige son village avec poigne et envoie les jeunes gens au STO. C’est par ce prisme que les auteurs ont abordé cette saison. Le récit suit ces jeunes réfractaires - à commencer par Antoine (Martin Loizillon), le beau-frère de Raymond Schwartz (Thierry Godard) – qui vont prendre le maquis pour échapper au travail obligatoire. Dans la forêt, entre la faim et l’ennui, le théâtre va les occuper. Et malgré eux, ils vont entrer en résistance.

« Ils sont sidérés, arrêtés dans leur capacité de vision et c’est parce que l’un d’entre eux [Claude joué par Alexandre Hamidi, ndlr] a de l’imaginaire, fait du théâtre, qu’ils vont pouvoir penser à ne plus être collé à la réalité » explique Robin Renucci (Daniel Larcher) « L’étape de l’imaginaire les fait devenir actifs. » Sans armes, ils vont pourtant s’organiser et entrer en action aux côtés des résistants gaullistes et communistes. Le défilé du 11 novembre 1943 par les maquisards d’Oyonnax a servi de référence historique à un des moments forts de la saison. Et il y en a beaucoup d’autres.

Une écriture soignée pour un casting de qualité

Un Village français est l’heureuse combinaison entre une écriture soignée et un casting de qualité. Cette cinquième saison se ressert sur ses personnages. Au fil des douze épisodes, le rythme s’accélère. « Il y a des putains de scènes à jouer ! » s’exclame un peu familièrement Constance Dollé. C’est que l’actrice a été très bien servie cette saison. Suzanne, son personnage, voit le retour de son mari. « Qu’est ce qu’elle fait avec ça ? Il y a un vrai dilemme », explique la comédienne. « N’importe quelle femme aujourd’hui vivrait la même chose. Est-ce que je sacrifie mon amour ou l’équilibre de ma famille ? » La résistante communiste va faire des choix et se repositionner par rapport à son idéologie et à son amour pour – son camarade - Marcel (Fabrizio Rongione). Puis, ce dernier va être arrêté et torturé, tout comme son frère Daniel. La seconde partie de la saison se révèle intense en émotions. Tandis que du côté de l’occupant allemand, on sent le vent tourné dans cette guerre. Heinrich Müller (Richard Sammel) est merveilleux de complexité et son face-à-face avec le jeune Gustave (Maxim Driesen) est étonnant. Mais la vraie surprise vient de Lucienne (Marie Kremer).

L’institutrice – comme Daniel Larcher - représente l’inaction des Français. Et comme pour le médecin de Villeneuve, cette année 1943 engendre un réveil, un passage à l’acte. « Lucienne est tellement isolée. Elle a des idées toutes faites. Elle n’a pas grandi encore » raconte l’actrice. « Et là, elle rencontre quelqu’un d’autre [la troublante Marguerite, jouée par Amandine Dewasmes, ndlr] qui va lui faire faire des choses malgré elle. Ça va être plus fort qu’elle. C’est assez joli ce que j’ai eu à jouer parce que c’est comment malgré soi on se fait attraper par la vie. Et à cette époque-là, il n’y a rien à faire. Ce n’est pas la manière de penser d’aujourd’hui. Donc tout à coup quelque chose nous est offert, mais on ne peut pas le vivre. Enfin, il y a des gens plus forts pour le vivre et il y a des gens pas assez forts. Elle est aveuglée totalement. »

Pour Marie Kremer, « Lucienne est insupportable parce qu’elle ne réagit pas. » Elle l’est tout autant pour le téléspectateur. Mais son refus de s’engager (« Elle n’est pas stupide. Elle veut juste vivre sa vie. ») fait finalement d’elle un personnage des plus intéressants.

Un Village français est un divertissement pédagogique, offrant une palette de personnages représentant la réalité des Français de cette époque. La série met le téléspectateur face à cette question à laquelle on ne peut guère répondre : « Qu’est-ce que j’aurais fait ? » Mais si l’on admet qu’une série historique sert aussi à questionner notre présent alors, Un Village français interroge intelligemment sur notre capacité à nous indigner ou à nous résigner.