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7 à la maison, Army Wives, The Kennedys.. : quand les séries réinventent la société

Tony Cotte
Publié le 11/06/2014 à 13:47 Mis à jour le 04/07/2014 à 13:20

Trois ans après la parution de Le Nouvel Âge d’or des séries américaines, Alexis Pichard, professeur d’anglais agrégé, propose, toujours sur son sujet de prédilection, Les séries américaines : la société réinventée. Cet ouvrage collectif, coordonné avec Aurélie Blot, analyse à travers des fictions comme 7 à la maison, True Blood, Army Wives, The Kennedys, ou encore The Big Bang Theory, la représentation de l’Amérique.

Qu’est-ce que l’identité américaine dans les séries ? Telle est la question majeure soulevée ici et traitée à travers trois parties, d’abord l’idéologie, entre mythes et fondements, puis l’Histoire et enfin le territoire avec ses peuples et ses paysages. « J’ai fait un appel à contributions. Sur internet, des sites universitaires le permettent pour des colloques ou des livres, explique cet homme de défis. J’ai lancé l’appel à la fin de l’année 2011. On a ensuite fait le tri et sélectionné une quinzaine de projets. Il fallait que ce soit équitable dans la répartition des parties. Au printemps 2012, on a contacté les auteurs pour les avertir et on a récupéré tous les écrits six mois plus tard. » A alors lieu un long travail de commentaires croisés entre les universitaires et les deux coordinateurs. Un effort de longue haleine pour lequel aucune série n’a été imposée.

Le résultat s’étend sur 235 pages. Le lecteur peut y comprendre à quel point les productions télévisuelles outre-Atlantique interrogent sur les fondements même de la nation. « Les séries se laissent appréhender comme un objet ambigu, elles reflètent et critiquent l’idéologie américaine et contribuent, dans le même temps, à la façonner  », peut-on lire dans l’introduction d’Aurélie Blot et Alexis Pichard. Le livre permet de comprendre, entre autres, à quel point 7 à la maison, et son ton volontairement réactionnaire et conservateur, était en accord avec la présidence du républicain George W.Bush. Le quotidien de la famille Camden a été l’un des exemples les plus marquants de patriotisme exacerbé sur petit écran ces dernières années. À l’inverse, A la maison blanche, en exposant un président « moral et intelligent », a servi de contrepoint à la présidence du successeur de Bill Clinton au pouvoir. Une portée critique qui égratigne le pays et ses mythes et effectue l’autopsie de ses dysfonctionnements, notamment dans Six feet under. L’œuvre d’Alan Ball a ainsi le droit à son article, au même titre que d’autres productions HBO, le câble étant tout particulièrement un repère d’œuvres destinées à exposer et questionner sur les faiblesses du pays.

C’est naturellement dans la partie Histoire que l’auteur, ATER (attaché temporaire d’enseignement et de recherche) en civilisation américaine, signe lui-même une analyse sur la mini-série The Kennedys et sa perception. La fiction avec Greg Kinnear et Katie Holmes a été particulièrement mal accueillie par la presse lors de sa diffusion. « Je trouvais que la critique faite était injustifiée, affirme Alexis Pichard. Le traitement de l’histoire américaine y est intéressant. La série soulève plein de questions et notamment l’impossibilité de parler du mythe Kennedyien. »

Les Séries américaines : la société réinventée est également l’occasion de s’intéresser aux évolutions sociales et sociétales avec la représentation de la femme dans les séries militaires. JAG y est dépeint comme un exemple en matière d’égalité, tandis qu’Army Wives est considérée davantage comme une œuvre plus rétrograde, réaffirmant le rapport duel protégé/protecteur.

Et si Desperate Housewives, particulièrement intéressante en terme de représentation, est absente de l’ouvrage, l’auteur ne s’interdit pas la conception d’un autre tome avec des productions plus récentes : « Il y a tant à dire, notamment sur la féminité avec Girls, la culture gay dans Looking et même en termes de politique, Scandal est à la fois complète et complexe. » L’Amérique à la télévision, un objet d’études et une source d’inspiration intarissable...