Toutelatele

Antoine Cormery

Joseph Agostini
Publié le 14/10/2002 à 00:00 Mis à jour le 29/05/2012 à 17:29

Antoine Cormery, journaliste de France 2 depuis 1992, a fait les beaux soirs de sa chaîne tout au long de l’été en remplaçant David Pujadas au Journal de 20 heures. Depuis la rentrée, il en est donc devenu le joker officiel. Joli bilan pour ses dix ans au sein du service public où il est passé par les journaux de Télématin, au Journal de 13 heures avant d’accéder à la grand messe du 20 heures.
Rendez-vous est pris à sa demande au Café du commerce, un troquet « in » de l’avenue Montorgueil. Antoine Cormery se fait servir un jus de tomate. Son sourire pincé laisse présager un entretien on ne peut plus formel. Déformation professionnelle sans doute. Pourtant, très vite, son regard s’éclaire et sa répartie fait mouche. L’homme a le courage de ses opinions. Alors, le journalisme ? Moteur.

Joseph Agostini : Après avoir été joker du 13 heures, vous voilà remplaçant de Pujadas au 20 heures. La consécration ?

Antoine Cormery : Olivier Mazerolle (Directeur de l’information de France 2 ndlr) m’a proposé le fauteuil du 20 heures durant deux mois cet été. Après ma formation au CFJ et un passage à Europe 1, j’ai intégré la rédaction de France 2 en 1992, et ai accédé rapidement à la présentation des journaux de Télématin et de 13 heures. Cela se fit naturellement. Je n’ai jamais demandé à faire de l’antenne. Pour le 20 heures, j’ai simplement accepté la proposition.

Pourquoi Olivier Mazerolle est-il allé chercher David Pujadas sur LCI l’année dernière au lieu de puiser
dans le vivier de la rédaction de France 2 ?

David Pujadas a beaucoup de talent et de rigueur. Il était l’une des vedettes de LCI, la chaîne
d’information continue de TF1. Mais, il est vrai que les multiples changements de direction à la tête
de France 2 nuisent énormément à la pérennité. En dix ans, il m’est arrivé de rencontrer de nouveaux
dirigeants qui ne connaissaient même pas mon nom ! La tendance est d’aller chercher de nouveaux visages
ailleurs...

A TF1, la tendance est inverse, la chaîne mise sur la continuité. N’est-ce pas précisément ce qui manque à France 2 ?

Sur TF1, PPDA et Chazal sont tous les deux présents à l’antenne depuis plus de dix ans. Les téléspectateurs se reconnaissent en eux, s’en servent comme référents.
Les journaux de France 2 sont victimes de révolutions permanentes au sein de la direction tandis que TF1 est pilotée depuis sa privatisation par les mêmes têtes pensantes !

Le JT de 13 heures de France 2 a, tout particulièrement, un grave problème d’audience. Les nouveaux visages s’y succèdent presque chaque année. Est-ce réellement un problème de présentateur ?

Il s’agit, je crois, d’un ensemble de paramètres : la formule, la présentation, l’avant programme (Pyramide, ndlr)... Pernaut est installé sur TF1 depuis des lustres. Il a fidélisé son public. J’ai déposé un projet sur le bureau de la direction, mais elle a finalement décidé de laisser Daniel Bilalian aux commandes du Journal... Je respecte son choix.

« Arrivisme » est un mot qui fait partie de votre dictionnaire ?

Votre style est un mélange de sobriété et de fantaisie. N’est-ce pas précisément ce qui manque à
Daniel Bilalian ou à David Pujadas ?

Un présentateur doit être convivial, chaleureux, rassurant. Quand j’ai débuté, on m’a dit : « Ne fais pas du Masure ! » Je n’essaie pas de copier son style mais je m’en rapproche car j’aime la distance, l’ironie.
L’humour n’est pas antinomique avec le sérieux, l’exigence. Je crois que les téléspectateurs y sont très sensibles, et je déplore qu’il ne soit pas mieux manié dans les conférences de rédaction...


Et si demain, on vous privait d’antenne ?

Je continuerai d’être journaliste au service société de France 2 en faisant des reportages. Mais j’assume totalement l’aspect narcissique de ce métier en disant que l’antenne est quand même la chose la plus excitante ! Ce grand saut dans le vide me manquerait beaucoup.

Passons maintenant au lexique du présentateur illustré. Si je vous dis « cravates » ?

J’aime bien acheter mes cravates, mes chemises, mes vestes. L’important, c’est d’être soi même, dans le ton comme dans la tenue vestimentaire. Une certaine solennité suppose le port de la cravate à la télévision, et je ne déroge pas à la règle.

« Ménages » ?

Je n’en accepte plus. Je pense qu’un présentateur, et journaliste de surcroît, ne devrait pas mettre sa notoriété au service des entreprises qui le sollicitent. C’est un engrenage, et, à terme, une
perte de liberté.

Si je vous dis « Service Public » ?

Je réponds « liberté » sans la moindre hésitation. Je crois que les journaux de France 2 sont de qualité. Par exemple, j’ai pu imposer une chronique « culture » et faire des sujets sur l’art contemporain au JT de 13 heures, sans un vrai souci d’audience. A TF1, cela relèverait de l’exploit ! Quant à la politique, j’ai toujours invité qui je voulais...

Claude Sérillon a pourtant été évincé du 20 heures à l’approche des présidentielles...

Je ne suis pas dans le secret des dieux. Je ne me prononcerai pas sur le sujet.

Et si, demain, on vous proposait la relève de PPDA ?

Thomas Hugues et Laurence Ferrari sont programmés depuis des années pour succéder à Poivre et à Chazal. Je n’attends pas que TF1 vienne me chercher demain ! De toutes manières, l’écurie LCI arriverait avant moi sur la liste des pressentis.

« Arrivisme » est un mot qui fait partie de votre dictionnaire ?

Je ne l’aime pas, en tous les cas. J’ai toujours eu des opportunités d’évoluer sans réclamer quoi que ce soit. Le plus navrant dans la rédaction n’est pas tant l’arrivisme que l’uniformisation des esprits, des études. La pensée unique règne à la télévision, et peu de présentateurs s’écartent du format en vigueur. Ils sortent des mêmes écoles, ont les mêmes compétences, les mêmes ambitions. C’est dommage...