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Bruce Tessore (L’Enchanteur, prime de Plus belle la vie) : « En France, cela pose un problème moral de laisser un tueur tout au long d’une série »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 03/04/2018 à 18:58

Après avoir fait couler le sang des Mistraliennes pendant plus de deux ans, L’Enchanteur est enfin sur le point de tomber dans Plus belle la vie. Bruce Tessore, interprète du tueur en série Nicolas Berger, a livré ses impressions à Toutelatele sur le dénouement de cette intrigue et le prime « Amours vraies » proposé ce mardi 3 avril par France 3, dès 20h55.

Joshua Daguenet : Lors du prime de Plus belle la vie, « Amours vraies », l’Enchanteur va être neutralisé par le commandant Nebout après un long jeu de dupes entre les deux hommes. Qu’est-ce qui a causé la perte du tueur en série ?

Bruce Tessore : En France, on a du mal à laisser des tueurs en série plus de trois ans. Comparé à Dexter, c’est compliqué. La morale a joué sur cette fin...

Vous rapprochez votre personnage à Dexter. Sur quels points ?

Dans la série, il tue pendant plusieurs années même si les raisons sont différentes. Là, je tue des femmes qui ne sont pas forcément méchantes mais parce que je suis dérangé et j’ai une double personnalité : gentil avec ma femme et sanguinaire, sans pitié avec mes victimes.

La mentalité française rend impossible de faire d’un tueur, le personnage principal d’une fiction ?

Il peut l’être mais le problème est que en France, on a du mal à transgresser sur les sujets. On les aborde sur la pointe des pieds et il y a une énorme différence avec les Etats-Unis où ils n’hésitent pas à laisser un tueur tout au long d’une série en tant que personnage principal. En France, cela pose un problème d’un point de vue moral.

Malgré cette fin, un retour de Nicolas Berger au Mistral est-il possible ?

Tout est possible en écriture, après, ça me paraît compliqué car tout le monde au Mistral sait que je suis le tueur. Ou alors il faut que je tue tout le monde et je reste tout seul (rires). Il y avait une possibilité que je me réveille de mon coma amnésique, donc plus tueur...

À travers l’Enchanteur, c’est aussi le chirurgien à l’humour caustique, Nicolas Berger, qui disparait. Laquelle de ces deux facettes va le plus vous manquer ?

Sans hésiter... le tueur en série. Même si le médecin était incisif avec un fort caractère, jouer des méchants et un malade offre tellement de possibilités, de manières de jouer, des attitudes, des regards... Ce n’était pas gagné au départ et je suis reconnaissant envers la production de Plus belle la vie de m’avoir donné cette possibilité d’interpréter un serial-killer.

« Cela me paraît compliqué de revenir car tout le monde au Mistral sait que je suis le tueur »

Au début, Nicolas était un personnage affectueux, pris dans une histoire avec Coralie. Saviez-vous dès le départ, que celui-ci se dissimulait, en réalité, sous les traits d’un tueur de femmes ?

Pas du tout. Je l’ai appris quand je suis revenu pour ma deuxième saison et trois, quatre mois plus tard, j’ai appris que mon personnage allait évoluer et devenir un tueur. La production ne savait absolument pas que je serais l’Enchanteur lorsque je suis arrivé dans le feuilleton. Elle a dû se dire que Nicolas avait un côté un peu dingue sous ses côtés sympathiques. C’est facile de jouer le gentil (rires) !

Votre bourreau, Patrick Nebout, va être abattu par Abdel Fedala. L’Enchanteur pourrait-il être jaloux ?

Soulagé peut-être mais jaloux, non. Au final, ce n’est pas vraiment Nebout qui me coince même s’il ne m’a pas lâché d’une semelle. L’Enchanteur n’aime de toute façon pas tuer les hommes.

Quelle trace l’Enchanteur va-t-il laisser au panthéon des méchants de Plus belle la vie ?

Très honnêtement, je n’ai pas connu les autres mais c’est une intrigue qui a duré longtemps. Je pense qu’il laissera une emprunte importante de par sa longévité.

Hormis Dexter, de qui vous êtes-vous inspiré pour parfaire les traits de caractère de Nicolas ?

J’aime beaucoup Christian Bale dans American Psycho. Il tuait froidement en mettant de la musique et en invitant des femmes et des hommes chez lui dans une délicatesse à toute épreuve. Je trouvais ça intéressant d’aller puiser sur ce côté calme et sang-froid avant et pendant l’acte de tuer.

Malgré la révélation de la véritable identité de Nicolas, il est apparu dans des scènes plus légères. Est-ce aussi une décompression pour un acteur de revenir, de temps en temps, à un registre moins dramatique ?

Oui, c’est toujours sympa de jouer des scènes de comédies et des aérations, sinon on reste dans quelque chose de froid, dur et éprouvant. J’aurais aimé en avoir plus car j’aime aussi la comédie, notamment au théâtre, et c’est un côté que l’on a pas beaucoup vu chez ce personnage. Cela aurait donné un contraste intéressant.

Malgré les agissements de l’Enchanteur, Nicolas va quand-même manquer aux fans...

Je pense que c’est du 50-50 ! Beaucoup ont eu envie de me voir dégager, j’ai pu lire sur les réseaux sociaux « qu’il crève » (rires). Mais d’autres gens m’ont aussi écrit pour me dire qu’ils ont adoré mon personnage, et aussi dans les rues.

« La production ne savait absolument pas que je serais l’Enchanteur lorsque je suis arrivé dans le feuilleton »

Avant d’être comédien, vous avez joué à un haut niveau de compétition au tennis. À partir de quel moment avez-vous décidé de délaisser les raquettes pour les studios de tournage ?

Autour de 23-24 ans. J’avais effectivement un bon niveau de compétition mais de toute manière je pouvais difficilement aller plus haut. Gagner sa vie au tennis si on n’atteint pas le très haut niveau c’est compliqué. Mais aussi pour cause de suspension. Je me suis faut suspendre trois fois, dont la dernière pour une durée de 24 mois et finalement je ne pouvais plus faire de compétition. Je me suis dit qu’il fallait trouver autre chose... J’étais mauvais joueur, je pétais un peu les plombs, Benoît Paire est un enfant de cœur à côté de moi ! (rires)

Vous étiez aussi impitoyable sur les courts de tennis que l’Enchanteur place du Mistral ?

Cela dépendait du comportement des adversaires, mais oui je pouvais l’être. Le tennis est un rapport assez particulier, on sent tout de suite la personnalité de l’adversaire et il y en a qui avaient tendance à m’énerver.

Dans Plus belle la vie, Gabriel Riva et Benoît Cassagne, travaillent à l’hôpital comme Nicolas, et jouent au tennis. Avez-vous discuté de la petite balle jaune avec ces acteurs ou d’autres ?

Non, par contre j’avais eu des scènes avec Riva où l’on revenait du tennis. Je ne sais pas, c’est marrant, j’ai récemment dîné avec Joakim [Latzko] mais on a pas abordé le sujet.

Vous avez également signé plusieurs court-métrages. Quels sont vos thèmes de prédilection ?

Je n’en ai pas spécialement mais dans mon dernier, j’étais à Cessieu avec ma belle-fille de 14-15 ans et ce n’était pas facile à jouer. C’était elle qui m’avait rassuré et elle était plus décontractée que moi.

Quelle va être votre actualité post-Plus belle la vie ?

Certainement du théâtre et pour l’instant je ne sais pas trop, je vais passer des essais et j’espère m’ouvrir davantage les portes de la fiction française. Et je fais deux heures de sport par jour pour me maintenir en forme.