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Cauchemar en cuisine > Philippe sème la terreur de Toulon à Fontvieille

Tony Cotte
Publié le 18/04/2011 à 20:50 Mis à jour le 14/04/2014 à 19:37

Philippe Etchebest sur M6

« Un chef étoilé vient en aide à des restaurateurs à la dérive et sur le point de faire faillite »
Si ce concept n’est pas étranger aux téléspectateurs de W9, c’est parce qu’il s’agit de celui de l’émission Kitchen Nightmares, plus connue sous le titre Cauchemar en cuisine. Et c’est sous cette même appellation que l’adaptation française du programme arrive sur M6. Exit Gordon Ramsay, et bienvenue à Philippe Etchebest. Ce chef exigeant, au franc parler redoutable met son talent et sa franchise au service de professionnels en difficulté... mais encore faut-il que ces derniers se remettent en question et acceptent ses critiques aiguisées. Et dès les premières secondes de l’émission, ce dernier prévient qu’il ne va pas faire dans les bons sentiments et ne pas épargner les restaurateurs, quitte à les froisser : «  Je ne suis pas là pour être gentil, je luis là pour qu’ils s’en sortent  ».

Pour sa première mission, Philippe Etchebest prend la direction de Toulon. Ici, Pierre-Marie et Sylvia sont les gérants d’un restaurant sur la rade, mais leur établissement se trouve tout au bout de la digue, encaissé dans un angle de mur décrépit. Victime de la concurrence des autres enseignes et mal positionné, ils souffrent du pire cauchemar des restaurateurs : une salle vide au quotidien. La famille est au bord de l’implosion, les patrons sont démotivés. « Si je n’interviens pas rapidement, dans six mois ils mettent la clé sous la porte », constate le Chef cuisinier. Un délai vu à la baisse quelques minutes plus tard à seulement « trois mois »...

Il faut dire que son premier diagnostic est décourageant. Philippe Etchebest demande des Saint Jacques, un produit hors saison et non-disponible à la carte : c’est un piège. Pouvoir satisfaire la demande du client oblige à utiliser le congélateur. Dire oui à toutes les demandes ce n’est, en effet pas bon signe. Un rapide coup d’œil, et le Chef étoilé constate des mégots de cigarettes au sol, et des banquettes trouées. La suite du test n’est guère plus optimiste, surtout après dégustation. « La tête qu’il a fait pour manger la soupe, j’avais envie de lui mettre dedans  », marmonne Pierre-Marie au sujet du nouvel arrivant. Et celui-ci compte bien redoubler dans la plainte, surtout après avoir attendu 20 minutes pour « un truc imbouffable ».


Avec le recul, Sylvia, dit « Sissi » l’avoue : «  Ca a été un moment absolument détestable pour nous  ». Cette dernière n’est pas au bout de ses (mauvaises) surprises, le premier bilan est catastrophique : produits congelés, service inexistant, restaurant sans âme. « Quand tu bosses 15 heures par jour et qu’on te dit que ce que tu fais, c’est de la merde, c’est très très difficile  », lâche Sylvia en pleurs. Il faut donc agir vite !

Première étape : faire une simulation avec 50 personnes. Une école hôtelière joue ainsi les clients. Véronique, la serveuse, n’arrive toujours pas à sourire et n’a aucune organisation : elle commence à s’occuper de clients arrivés en dernier. Il n’y a aucune communication entre les salariés qui ne connaissent même pas le numéro des tables. Un groupe rouspète : « Le premier plat est sorti au bout d’une heure et quart ». « Pour moi c’est Beyrouth ce soir », lâche Pierre-Marie. Toute l’équipe a pris l’eau : c’est un désastre ! Chaque individu est livré à lui-même et il n’y a pas un meneur.

Place au plan d’attaque. Les produits frais ont certes un coût mais décliner les produits permet une meilleure gestion du stock. Exemple : récupérer les arêtes des poissons peuvent servir à parfumer la soupe. La carte est également mal foutue : « poubelle » ! Désormais il faut travailler sur ardoise, pour ainsi être beaucoup plus souple sur la proposition. Quant à l’identité, en étant à proximité du Stade Mayol, il est judicieux de devenir le repère des supporters. Pour l’intitulé des plats, place au champ lexical du rugby. D’ailleurs, face à un Pierre-Marie un peu feignant qui préfère tirer sur sa clope au lieu de travailler quand les clients attendent. « Ce mec est décourageant et n’est pas pro  », commente Philippe Etchebest. Ce dernier se venge le lendemain au cours d’un match de rugby. Le gérant prendre alors conscience : « Je suis le dirigeant de l’équipe, je dois aider tout le monde ».

Pour terminer, contraints de faire tourner leur affaire en cumulant les tâches, Pierre-Marie et Sylvia souffrent de ne pouvoir consacrer suffisamment de temps à leur jeune fille de 10 ans, Jade. Des moments en famille sont, en effet, indispensable pour l’équilibre de chacun. Depuis 11 mois, ils n’ont pas passé du temps tous ensemble. « J’aurais bien aimé garder Philippe avec moi encore un bon mois  », confie Sylvia à la veille du départ du chef étoilé. En guise de cadeau de départ, celui-ci fait découvrir aux restaurateurs leurs lieux relookés et une soirée avec la venue de joueurs de l’équipe de rugby, ainsi que des supporters et des élus locaux. Résultat cinq mois plus tard : l’établissement peut compter sur une trentaine de couverts tous les midis et le personnel de mairie vient manger au quotidien. Mieux, les soirs de matchs, une quarantaine de supporters viennent y passer la soirée et le restaurant propose même trois services. Les deux gérants pensent enfin pouvoir se donner un salaire d’ici cet été. Et pour garder un moment d’intimité, les soirs sont uniquement ouverts sur réservations.


Pour le deuxième épisode de Cauchemar en cuisine, direction Fontvieille. C’est dans ce petit village près d’Avignon que notre expert rend visite à un gérant qui a investi dans un restaurant gastronomique. Mais celui-ci hérite d’un établissement avec une très mauvaise image auprès de la population locale : l’historique est désastreux, le nom n’a pas changé et la communication a été très pauvre lors de la reprise. Il faut dire, le restaurant aurait été un hôtel de passe très mal fréquenté ! La rumeur fait le reste et les lieux peinent à trouver une clientèle.

La jolie façade en pierre dédiée à Alphonse Daudet est gâchée par des pancartes criardes et des mannequins sortis d’un train fantôme. « C’est lugubre, c’est vraiment pitoyable. Je n’ai pas envie de rentrer là-dedans. Si l’intérieur est pareil, c’est parti pour un séjour en Transylvanie », commente le détenteur de deux étoiles au guide Michelin. Celui-ci voit juste : la décoration est austère et il fait très froid. « Je suis obligé de garder mon manteau, je me pèle », se plaint Philippe Etchebest. En cuisine, Christophe, le chef, a perdu la flamme. Brillant cuisinier recruté à Paris, il a revu à la baisse ses ambitions culinaires. Déçu, sans passion, il travaille comme un fantôme, bien loin des rêves qui motivèrent sa venue. Résultat, le résultat est terne, insipide et « tristouille ». Et à force de restrictions budgétaires, la carte ne ressemble plus à rien.

Lors de son premier test, le Gordon Ramsay français se sent observé par le gérant et la serveuse debout à trois mètres devant lui. Christophe, lui, entend les commentaires de l’intéressé. Et quand celui-ci critique sa cuisine, il bouillonne : « Ils sont fades mes choux ? Connard », murmure-t-il. Mais, quelques minutes plus tard, face au « Meilleur ouvrier de France », le chef est vite impressionné. Pour Philippe Etchebest, Christophe est gentil, mais ce n’est pas suffisant. Il mérite, en effet, «  un bon coup de pied dans le cul » pour retrouver la confiance qu’il avait en lui. Mais en osant signaler que la soupe était piquée, le Chef étoilé braque son interlocuteur. Désireux de ne brusquer personne, le gérant, lui, tente de calmer les ardeurs de l’intervenant. «  Si à chaque fois que je dis quelque chose, j’ai le patron qui me tombe dessus, je ne vais jamais y arriver  », lâche-t-il.


Philippe Etchebest doit visiblement changer de méthode. Hors de question de se laisser abattre et le lendemain, il offre à Christophe une nouvelle tenue, pour marquer ce « nouveau départ ». Mais le bilan n’est guère réjouissant à la venue de Marc, un critique gastronomique local. Le résultat est décevant : on passe de « l’approximatif au correct sans aucune logique ». Le niveau est tel que Christophe n’a, aux yeux, du professionnel, le niveau des points de restauration rapide sur les aires d’autoroute. « On voit à l’évidence un manque de confiance en vous », fait remarquer celui-ci à Christophe. Chef Etchebest est plus catégorique et parle même de « plats de cantine » : « T’as tout foiré. (...)Je suis super déçu ».

Il faut mettre en place un plan en béton. Le nouveau concept ? Un « snacking chic » qui n’a lieu que le midi avant de passer à une carte un peu plus gastronomique le soir. L’idée séduit. Il faut également rendre visite aux producteurs locaux pour obtenir des produits de qualité et en profiter pour faire la promotion de son établissement. Le vendredi matin, c’est jour de marché. L’établissement en profite pour faire goûter des échantillons de la nouvelle carte. Après cette publicité vivante, chacun se rend à la boulangerie la plus proche pour acheter des produits frais et ne plus proposer du « pain sur plaque », à savoir du pain industriel surgelé cuit sur une plaque chauffante. Au retour de cette escapade, tout le monde découvre les lieux : la devanture est plus épurée avec le retrait des mannequins et affiches. Les tables et les chaises ont également été toutes changées.

Mais Philippe Etchebest espère ne pas assister à un « coup d’épée dans l’eau » et exige une promesse de la part de ses interlocuteurs. Christophe est en pleurs. Non seulement, il lui a redonné goût en son métier, mais il s’est également ouvert à l’extérieur et a vaincu, grâce à l’émission, sa timidité maladive. Grâce aux interventions des caméras de M6, autant dire que le restaurant mis à jour n’est pas passé inaperçu dans le village. L’inauguration est un triomphe et la salle est pleine. Cinq mois plus tard, la clientèle est composée d’habitués : le bouche à oreille a fonctionné. Au sein de l’établissement, chacun a retrouvé l’énergie manquante avant l’intervention de Philippe Etchebest. Christophe est devenu même associé et les deux gérants vont engager du personnel à l’approche de l’été. La saison estivale s’annonce d’ailleurs encourageante pour la suite. Une nouvelle mission réussie pour Cauchemar en cuisine.