Christine Kelly (TPMP, Balance ton post) : « Derrière le succès de Cyril Hanouna, il y a un génie ! »
Christine Kelly tire un premier bilan de son arrivée dans Touche pas à mon poste et Balance ton post sur C8. L’ex-membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel livre également son regard sur les polémiques qui continuent d’émailler le talk-show quotidien de Cyril Hanouna.
Benoît Mandin : Comment êtes-vous arrivée dans Balance ton post ?
Christine Kelly : J’ai commencé avec Cyril Hanouna dans Touche pas à mon poste en mars. Avec CNews, c’est la première télévision que j’ai faite après mes trois ans d’interdiction de médias suite à mon rôle au Conseil supérieur de l’audiovisuel. A la rentrée, Cyril m’a aussi proposé de participer à Balance ton post et j’étais ravie.
Par quoi avez-vous été séduit ?
Je dis toujours que c’est d’abord la personnalité de Cyril Hanouna. Je le trouve hors du commun dans les médias. On l’aime ou on l’aime pas, mais il a une générosité hors norme et pour moi, c’est une qualité importante pour un présentateur télé. Il veut absolument donner à son public. Même quand on présente le JT, il faut aimer son public afin que le message puisse passer. J’ai aussi été séduite par l’aventure sur l’actualité. C’est osé de faire un débat en direct le vendredi en deuxième partie de soirée. Ce mélange est prometteur, car cela n’existe pas dans les médias aujourd’hui.
Vu les tensions entre Cyril Hanouna et le CSA, votre arrivée dans Touche pas à mon poste a suscité des réactions. Les avez-vous comprises ?
Bien sûr, il n’y a pas une décision que j’ai effectuée dans ma vie qui n’a pas surpris. Lorsque je suis arrivée sur LCI, j’ai eu le droit à un reportage d’Envoyé spécial : « Une journaliste noire sur LCI ». Quand je suis allée au CSA, tout le monde s’est demandé ce que j’allais faire là. Et la même chose s’est produite pour Touche pas à mon poste. Quand j’étais à LCI, on me voyait présenter un 20 heures. Ça ne m’a pas intéressé et j’ai fait un pas de côté pour aller au CSA. Puis, j’ai rejoint TPMP avec grand plaisir. Je connaissais Cyril Hanouna puisqu’il était venu avec moi militer dans des associations pour les familles les plus pauvres de France.
« Cyril Hanouna, c’est la porte ouverte au CSA »
Quel bilan tirez-vous de ces premiers mois dans TPMP ?
Je trouve qu’il y a moins de dérapage. J’apprends à aller chercher des informations dans des domaines qui ne sont pas du tout les miens. C’est sortir de ma zone de confort. Enquêter sur Danse avec les stars, c’est un challenge pour moi ! J’aime bien appeler une boîte de production pour demander : « Comment avez-vous fait tel documentaire sur Johnny, car on a pas très bien compris l’audience ». J’aime aussi contacter Josée Dayan pour savoir comment elle a fait Capitaine Marleau. À travers TPMP, je me mets en danger et ça m’intéresse. Aujourd’hui dans l’audiovisuel, ceux qui restent à présenter le JT pendant longtemps, il y en a, mais on devient interchangeables. Karine le Marchand est sortie de sa zone de confort pour aller interviewer des politiques. Samuel Etienne présente des JT et fait Questions pour un champion. Cécile de Ménibus, on la connaissait avec Cauet, elle a interviewé des politiques sur LCI. Roselyne Bachelot était politique et elle a maintenant son émission donc je pense qu’on a désormais envie de ce décalage. Être là où l’on ne vous attend pas fait aussi partie d’une carrière professionnelle !
Pensez-vous que le succès de Cyril Hanouna dérange ?
Les Bleus champions du monde, c’est un succès qui dérange ! Après, bien sûr, personne n’est pour les dérapages, mais Cyril Hanouna prend beaucoup plus de risques que les autres en direct. TPMP n’est pas On n’est pas couché où tout est enregistré. Personne ne fait autant de direct que Cyril Hanouna ! Il est attendu sur ses dérapages et oui, c’est un homme à succès. Mais ce que l’on ne sait pas, c’est que derrière ce succès, il y a un génie. Et derrière celui-ci, il y a peut-être des zones d’ombre. On lui met trois notes d’un générique ou d’une émission télé de ces trente dernières années, il la connaît. On lui demande un chiffre sur l’audience de qui, de quoi et quand, il vous le donne tout de suite. Cyril connaît toute l’histoire des programmes par cœur et il est loin de faire semblant. Le succès de Cyril Hanouna est mérité.
Lors de la quotidienne de Touche pas à mon poste du jeudi 25 octobre, des propos sur le viol ont fait polémique. Le CSA a reçu plus de 600 signalements…
Il y a le clic facile vers le CSA lorsque c’est Cyril Hanouna. Lors du débat « Pour ou contre l’IVG ? » dans Balance ton post, ça été le cas sur tous les plateaux télé suite aux propos du Pape. Vu que Cyril Hanouna l’a fait, ça a été une explosion sur les réseaux sociaux. Cyril Hanouna, c’est la porte ouverte au CSA. Pour cette dérive de Fun Radio, on n’est pas obligé de passer par la case Cyril Hanouna pour aller frapper à la porte du CSA. Je comprends qu’il puisse y avoir polémique, mais ce que j’ai toujours dit sur ses dérapages : « Au lieu de sanctionner, il faut mieux le prendre à part et lui dire qu’on va reconstruire ensemble ». Je le faisais pour des chaînes de télé ou des groupes pour analyser ce qui est de la publicité clandestine ou le temps de parole des politiques. J’aurais préféré que l’on fasse un peu plus de pédagogie. Je n’ai pas été recrutée à Touche pas à mon poste pour être une caution du CSA. C’était pour avoir mon regard journalistique et spécialiste des médias ainsi que ma vision juridique. À travers TPMP, j’ai découvert qu’il y avait parfois des magouilles dans des émissions de télé-réalité. Pour cela, il n’y a aucun signalement au CSA !
« Cyril Hanouna connaît toute l’histoire des programmes par coeur et il est loin de faire semblant »
Comment expliquez-vous qu’il n’y ait pas de signalement vis-à-vis des émissions de télé-réalité ?
Il y a des séquences choquantes pour lesquelles il n’y a pas de signalement. En plus, il y a des interrogations sur d’éventuelles orientations d’émissions de télé-réalité, une scénarisation de magouilles pour faire gagner tel ou tel candidat. Et il n’y a aucune plainte donc il faut prendre avec beaucoup de prudence ces signalements faits au CSA. Derrière Cyril Hanouna, on voit planer l’ombre du CSA. Pour le téléspectateur qui ne l’apprécie pas forcément, le pas est beaucoup plus vite franchi que sur un autre média.
Dans Balance ton post, vous ne vous interdisez aucun tabou. Cette liberté de parole manque-t-elle à la télé ?
Tout en libérant la parole, on reste dans un encadrement respectueux des textes. On ne va pas s’insulter et s’injurier. On essaye d’apporter notre avis sans pour autant dénigrer l’autre. On ne va pas faire d’incitation à la haine. Aux Etats-Unis, la chaîne FOX News est très à droite, tandis que MSNBC est très à gauche. On n’a pas ça en France puisqu’on prend des éditorialistes et des chroniqueurs qui peuvent donner des avis tranchés. Le public attend une valeur ajoutée du journaliste. On n’attend plus de lui qu’il donne de l’info, mais qu’avec son analyse et expérience professionnelle, il apporte un regard supplémentaire.
Diriez-vous que cela pourrait être la clé du succès grandissant de l’émission ?
La clé est de confronter les idées, ce qui permet au téléspectateur de se faire son propre avis. Il faut trouver le débat qui intéresse le public tout en sachant qu’il a le choix entre Complément d’enquête, Envoyé spécial, Arte, le JT… Il ne faut pas regarder par le prisme du débat de Balance ton post toute l’actualité.
C8 a voulu basculer Balance ton post en première partie de soirée. Cyril Hanouna s’y est opposé. Qu’en pensez-vous ?
Elle est mieux en deuxième partie de soirée. A 21 heures, les sujets sont parfois plus durs. Là, on sait qu’une certaine catégorie d’enfant s’ils sont bien éduqués, ils sont couchés. Le CSA y veille, car quand on va parler de propos contre l’IVG et la burqa, il est préférable d’être en deuxième partie de soirée.