Toutelatele

Des séries cultes et inédites... pour les noctambules

Cécile Raigne
Publié le 22/12/2005 à 00:06 Mis à jour le 22/12/2005 à 09:15

Sur France 2, la case dédiée aux séries US pointues, le jeudi en nocturne, n’en finit plus de jouer à cache-cache avec le téléspectateur. Depuis le 25 novembre, en plein milieu de sa deuxième saison, A la maison blanche s’est vue déportée vers le vendredi, en quatrième partie de soirée toujours, mais à 00h30, au lieu de 1h20 du matin. Difficile pour le sériophile de suivre le rendez-vous qu’il essaye tant bien que mal d’honorer depuis cinq ans. Surtout si on lui retire en prime son traditionnel épisode hebdomadaire, comme ce fut le cas le 2 décembre pour faire place au Téléthon, et comme cela se reproduira la semaine prochaine au profit d’un documentaire sur Chaplin. Cette semaine, l’épisode 18 sera bien diffusé, alors profitons-en ! Retour sur une case insaisissable.

Depuis trois semaines, les fidèles désorientés d’A la Maison Blanche ont dû se familiariser avec une nouvelle programmation. La Direction de France 2 a déménagé du jeudi au vendredi ses programmes culturels de seconde partie de soirée, entraînant dans leur sillage la case séries US du courant de la nuit. Traditionnellement réservé aux insomniaques solitaires et donc aux rediffusions, aux documentaires et aux vidéoclips, le créneau de 1h30 ainsi libéré accueille une série, allemande cette fois : l’Enquêteur. Quant aux séries pour initiés, elles héritent d’un rendez-vous plus propice à attirer les noctambules, en veille de week-end. Une place légèrement plus cohérente pour un genre que les spécialistes qualifient de « Huitième Art », mais qui n’empêchera pas ces programmes d’accuser le contrecoup des décalages de la journée et de glisser vers des horaires encore plus indus, compliquant l’usage du magnétoscope...

Pourtant, à l’origine, l’intention était louable. Née en l’an 2000, cette case avait pour vocation d’héberger des séries américaines de qualité, qui en raison de leur tonalité différente n’avaient pas rencontré leur public sur l’antenne de France 2. On a pu y croiser en alternance Millennium, sombre et pessimiste, entre thriller et fantastique, créée par Chris Carter (The X-Files), ou Les Soprano, produite par la chaîne HBO, narrant le sordide quotidien d’un parrain de la mafia dépressif. Depuis, ce rendez-vous a affirmé son identité et continué à accueillir des séries hors normes : Six Pieds Sous Terre, une autre production HBO créée par Alan Ball (le scénariste d’American Beauty) sur une entreprise familiale de croque-morts, prétexte à un éclatement des tabous sociaux, et A la Maison Blanche, développée notamment par John Wells (Urgences, New York 911), qui suit les péripéties du Président démocrate des Etats-Unis, Josiah Bartlet (Martin Sheen), et de son équipe. Une programmation exigeante, non fédératrice, dont l’exposition hertzienne ne pouvait être que tardive.

Car tel est le problème de ces séries : elles sont peu accessibles. Pas assez consensuelles, trop violentes, trop complexes, elles abordent sans concession des thèmes délicats à travers un traitement visuel parfois choc. Bref, elles dérangent, elles grattent, elles obsèdent et font fuir l’audience. Et quand bien même, le CSA ne permettrait pas la diffusion de programmes aussi complaisamment crus voir subversifs avant que la grande majorité des téléspectateurs ait rejoint la douceur de l’oreiller. Cette accessibilité limitée restreint donc habituellement de tels programmes au marché du câble et du satellite où les chaînes, protégées par leur thématique, et encouragées par leur propre logique de fidélisation, peuvent plus facilement les exploiter et les traiter de façon valorisante : diffusion à des horaires bien moins indus, proposition de la VOST, respect de la linéarité des épisodes et moins de scènes censurées.

Alors pourquoi acheter et doubler au prix fort des programmes incompris ? Spécialiste ès fictions du groupe France Télévisions, France 2 doit souscrire à la diversité culturelle inscrite dans son cahier des charges. Certes. Mais ces séries de qualité sont aussi en partie emblématiques de son antenne, surtout si elle encourage leur visibilité à grand renfort de bandes-annonces en journée et en access. Un bénéfice en gain d’image qui explique pourquoi ces programmes borderline ont d’autres appuis sur le hertzien. Il y a eu OZ (-16 ans) sur M6, comme il y a actuellement Angel sur TF1, et dans une moindre mesure, la très réaliste NYPD Blue sur France 3. Coûts pharaoniques, horaires nocturnes, signalétique intraitable. Bref, un exercice périlleux dont la réussite ne repose pas sur les audiences (non significatives avec 300 000 fidèles par nuit), mais sur la valorisation que pourra en retirer la chaîne. Et tant pis pour les téléspectateurs qui se sentent trahis par une programmation à coups de serpe.

Quel sera l’avenir de ce rendez-vous ? Si le Département de la Programmation de France 2 affirme qu’il est destiné à perdurer, Patrick de Carolis a pourtant annoncé la fin des œuvres inédites programmées après minuit, condamnant les séries US diffusées la nuit à disparaître, ou à trouver un nouvel ancrage. D’ailleurs, A la Maison Blanche a débarqué à la rentrée sur France 4, à raison de deux épisodes, le samedi, en prime, avec une rediffusion tous les mercredis à minuit en VOST. C’est peut-être dans la TNT que France Télévisions trouvera le bon compromis...