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Jérôme Bonaldi

Alexandre Raveleau
Publié le 09/05/2005 à 00:48 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:41

Le roi des objets insolites se lance dans la TNT ! Scientifique passionné et passionnant, Jérôme Bonaldi a rejoint le navire Coriolis TV pour proposer aux sages du CSA une chaîne de mode d’emploi de la vie courante. Les sages ont écouté. Les chaînes présélectionnées seront connues le 10 mai prochain...

Alexandre Raveleau : D’où provient cette envie de toujours plus de science à la télévision ?

Jérôme Bonaldi : C’est le plaisir de comprendre. La science fonctionne comme les histoires drôles. On a plaisir à les entendre et ensuite à les restituer. Le plaisir des neurones aussi. Comprendre enfin comment ça marche ! Et le partager. Ensuite, nous vivons dans un siècle vraiment très technologique. La pierre, le scooter, le chauffage extérieur sont technologiques. Les choix importants de l’avenir sont tous de cet ordre. Il y a vingt ans, c’était le nucléaire. En ce moment, les OGM. Dans dix ans, les nanotechnologies feront débat.

Alexandre Raveleau : La seule chaîne de télévision connue en la matière se nommait Planète Future. Coriolis TV, proposée pour la seconde salve de la TNT gratuite, suivrait la même ligne de conduite ?

Jérôme Bonaldi : Coriolis TV ne se rapproche de rien du tout. L’idée est de faire une télé qui raconte le mode d’emploi des objets de la vie courante. Dans beaucoup trop de rédactions de France, il y a une prédominance de la culture littéraire au détriment des sciences. En gros, quand tu n’as pas vu le dernier film à la mode c’est grave ! En revanche, on se vante de ne pas avoir la bosse des maths ! J’entendais encore récemment un journaliste dire que le vide et l’apesanteur c’est pareil. C’est grave quand même ! Après ça, n’importe quel député anglais qui dit que le micro-ondes donne le cancer, ou une députée européenne que le téléphone portable est dangereux, et tout le monde plonge dedans ! C’est rigoureusement faux ! En revanche, personne ne m’a prévenu qu’il ne fallait pas porter de nylon à la pompe essence ! Parce que là, il y a danger ! Il est fort possible que le garçon de café mette une cuillère dans sa bouteille de champagne entamée pour conserver les bulles. C’est tout simplement inutile et stupide. Des idées reçues tout simplement. Je voudrais qu’on meure moins bête !

Alexandre Raveleau : Coriolis TV, ne chaîne à caractère plus éducatif que scientifique ?

Jérôme Bonaldi : Est-ce que le journal télévisé est éducatif ? Et bien Coriolis TV c’est la même chose. Il n’y pas de limite. Ce qui est sûr, c’est que nous ne voulons pas une revue de l’actualité scientifique mais une revue scientifique de l’actualité.


Alexandre Raveleau : Quelle grille de programmes avez-vous présenté au CSA ?

Jérôme Bonaldi : Comme toutes les télés, nous n’aurons pas beaucoup d’argent et donc, nous allons faire de la récup’. 1824e diffusion de Thierry la fronde ? Oui mais, juste après, un historien viendrait nous raconter la vérité, dénicherait les anachronismes. Dans le même genre, Mac Gyver est-il réaliste ? Le soir, une fois par semaine, un grand film. Pas du cinéma très cher, bien sûr. Un exemple : l’Attaque des fourmis géantes. Le générique terminé, le débat prendrait la relève ! Sur la grille également, nous proposerions une quotidienne dans l’esprit du « Club des 5 ». Il y aurait le fou des sciences, la jeune fille poète, l’hédoniste bon vivant, etc... Et tous partageraient leurs expériences et leurs reportages. La passion est communicative et surtout contagieuse. Sans oublier l’énorme réserve de documentaires scientifiques qui nous donne une visibilité pour, à peu près, deux siècles de télévision !

Alexandre Raveleau : A quel public s’adresse Coriolis TV ?

Jérôme Bonaldi : Des tas de scientifiques risquent de se dire : « Mon dieu, qu’est ce que c’est vulgaire ! ». Mais moi, je fais de la télé pour deux personnes : ma fille et ma mère. La première parce qu’en rentrant de l’école, elle n’a pas envie de voir une télévision didactique, ennuyeuse, en clair chiante. Et ma mère parce qu’elle a très bien vécu jusque là sans savoir comme volait le dernier Airbus, et qu’elle pense, à juste titre d’ailleurs, qu’elle finira très bien ses jours comme ça. Mais il faut aussi réussir à l’intéresser.

Alexandre Raveleau : Techniquement, une audition face aux sages du CSA, comment ça marche ?

Jérôme Bonaldi : C’est une demie heure montre en main ! Nous avons un quart d’heure de présentation et un quart d’heure de questions. Il ne faut surtout pas dépasser !


Alexandre Raveleau : Peut-on imaginer voir Coriolis TV sur le câble et le satellite ?

Jérôme Bonaldi : L’avantage de la TNT, c’est que les chaînes gratuites font partie d’un petit lot de privilégiés. Si Direct 8 était apparue sur le câble et le satellite, personne n’en aurait parler. Là, ils sont dans toute la presse. Sur le satellite, une chaîne est perdue parmi 400 autres. La lisibilité est nulle. Il n’y a pas d’espoir de ce côté-là.

Alexandre Raveleau : En plus de vingt ans de carrière, quelle est l’émission dont vous êtes le plus fier ?

Jérôme Bonaldi : Nulle part ailleurs je pense... (il réfléchit) Non, Dis Jérôme ! C’était vraiment le bon ton. Comment ma grand-mère en faisant du point de croix a inventé le fax ? Parce que le fax c’est du point de croix... compressé !

Alexandre Raveleau : Regrettez-vous votre départ de Canal + ?

Jérôme Bonaldi : A autre temps, autres mœurs. Il ne faut pas avoir de regrets. J’ai eu la chance de vivre une très belle aventure. A mon départ, Michel Denisot m’a dit : j’ai une mauvaise et une bonne nouvelle pour toi. La mauvaise, c’est que tu es viré. La bonne, c’est que tu es dans le plan social. On était 217 à être mis à la porte ce jour-là. Sur France 2 aujourd’hui, ce que je fais est beaucoup moins bien. On vous dit pourquoi est préparé dans une optique qui n’est pas la mienne. Moi, je veux expliquer comment fonctionne un réfrigérateur par exemple. Mais on me dit que la ménagère de moins de 50 ans ne va pas comprendre !

Alexandre Raveleau : On ne vous oblige pas non plus à animer cette émission ?

Jérôme Bonaldi : Mieux vaut ça que rien. Je m’amuse plus chez Laurent Ruquier par exemple, même si très souvent j’entends ce même refrain. En gros, il est grand temps de faire de la télévision et d’arrêter la téloche ! 9 millions de personnes devant l’Odyssée de l’espèce, ça veut bien dire qu’il y a de la place pour une télé intelligente ! Qui regarde ? Les ménagères de plus de 50 ans ? Elles sont bien nombreuses d’un seul coup !