Toutelatele

La saga 2007 > Le grand royaume des jeux télé (3/7)

Joseph Agostini
Publié le 29/07/2007 à 13:00 Mis à jour le 11/08/2007 à 15:39

Cinq ans après la première saga de l’été, qui racontait l’histoire de la télévision des années 80 à nos jours, Joseph Agostini revient sur ces cinq dernières années cathodiques, entre guerres d’audience et nouvelles tendances.

Thierry Beccaro n’en revient pas. Quand la productrice Nicole Covillers lui avait proposé de présenter Motus en mai 1990, il n’aurait jamais cru être à l’antenne avec la même émission, au quotidien, 17 années plus tard ! Patrice Laffont et Georges Beller ne peuvent pas en dire autant : leurs jeux ont été supprimés des grilles de France 2 et leurs contrats brûlés sur l’autel de la mode ! Mais Thierry Beccaro, ce n’est pas la même chose. Le routard des boules multicolores, le grand pape des jeux de mots insensés fait toujours les beaux matins de la chaîne publique.

D’ailleurs, la nouveauté est-elle un concept ringard ? En matière de jeux télés, il y a sérieusement de quoi se poser la question ! Ce qui sent le neuf n’a plus la cote ... Les Dieux des Cieux cathodiques se cramponnent à leurs habitudes et adorent ressortir de leurs greniers des concepts vieux de tout temps. Pour en parler, il faut des preuves, et ce n’est pas ce qui manque...

Ainsi, il suffit d’observer les programmes, quinze ans en arrière, pour se rendre compte de l’incroyable vérité ! En 1992, TF1 et Antenne 2 rivalisaient avec les mêmes armes qu’aujourd’hui sur le champ de bataille des jeux ! Après une longue période d’interruption, Une famille en or et La roue de la fortune ont ressurgi de nulle part, cette année, sur la Une. Entre temps, d’innombrables programmes se sont succédés entre 19 et 20 heures sur TF1, mais ce sont bel et bien ces deux concepts d’anthologie qui sont encore à l’antenne, quinze ans après ! Bien sûr, Patrick Roy (décédé en 1993) et Christian Morin ne sont plus là pour les animer, et c’est Christophe Dechavanne qui s’y colle désormais. Cela dit, exit les Coucou, c’est nous, Bigdil, Chanson Trésor et autres Niouzes... TF1, qui fête les vingt ans de sa privatisation, sillonne encore le Nil de son access prime time avec ses barques les plus anciennes. La roue de la fortune a été créée en France en 1987 et Une famille en or, en 1990. Un bois solide comme du roc !

France 2, elle, n’a pas non plus un goût immodéré pour la nouveauté, et il n’y a pas que Thierry Beccaro pour le prouver. La chaîne s’apprête à adopter la même stratégie qu’en 1992, au temps où Nagui présentait Que le meilleur gagne à 12h15 et Que le meilleur gagne plus à 19h15. A partir du 20 août, le même Nagui sera encore programmé deux fois par jour, avec Tout le monde veut prendre sa place et La part du lion, un divertissement qui rappelle d’ailleurs d’une manière très saisissante feu... Que le meilleur gagne ! Un éternel recommencement.

Depuis 2002, les seigneurs de la petite lucarne ont donc adoré par dessus tout ressuscité d’anciens jeux que l’on croyait morts et enterrés à jamais. Même Intervilles a rejailli de ses cendres sur France 3 à l’heure où Fort Boyard fête ses dix-huit ans d’antenne estivale, sans une seule saison d’interruption !


Les jeux, un temps délaissés au profit des talk shows, ont donc de nouveau la part belle. Bien sûr, depuis le début des années 2000, certains concepts plus novateurs sont parvenus à se tailler une place de choix... Qui veut gagner des millions ?, A prendre ou à laisser, Attention à la marche ou plus récemment 1 contre 100 font les jours triomphants de TF1. Dur, dur de rivaliser avec la chaîne commerciale en la matière ! Ces paquebots clinquants mazoutent la concurrence sans faire d’histoire. Eté 2007, Qui veut gagner des millions ? dépasse les 40% de part de marché, anéantissant littéralement le pauvre Stéphane Bern sur France 2. Ce jeu, qui tient en haleine près de 6 millions de téléspectateurs chaque soir, fait penser aux grandes institutions des années 60, comme Quitte ou double et L’homme du vingtième siècle, où toute la France était suspendue aux réponses des candidats ! Quant aux boîtes plus ou moins argentées d’A prendre ou à laisser, elles créent la peur, la joie et la stupeur dans les chaumières depuis 2003, avec un suspense sans précédent dans l’histoire des jeux télévisés.

Impossible de tenir face à l’insubmersible Jean-Pierre Foucault ou au virevoltant Arthur ! Les noms d’Olivier Minne, de Marie-Ange Nardi ou bien encore de Stéphane Thébault sonnent bien timidement face à ces monstres de la part de marché. Côté audiences, c’est un peu comme si l’on voulait comparer le TGV Paris-Marseille à une petite micheline d’époque. Ce n’est pas que Minne et Nardi aient démérité dans La cible, mais on est loin, très loin d’un succès populaire. Le jeu, qui s’est baladé dans les cases de l’après-midi puis des fins de matinée quatre ans durant, est revenu l’après-midi pour chavirer en silence, avec 10% de part de marché. Même si l’idée d’un jeu est bonne au départ, une programmation des plus piteuses peut vite le réduire à un « machin » sans intérêt.

En revanche, Julien Lepers, haut gradé de France 3 avec Questions pour un champion, diffusé depuis novembre 1988, reste vaillant dans le créneau stratégique du 18/20 heures. Sur le service public, il est le seul animateur de jeux d’access prime time à ne pas faire mourir de rire la concurrence quand les scores d’audience tombent au petit matin ! Tex, son comparse dans Intervilles, voudrait bien en dire autant, mais malgré les bons scores des Z’amours, à l’antenne depuis 1995 (avec Jean-Luc Reichmann, passé sur TF1 avec armes et bagages en 2001), France 2 le laisse tremper dans les eaux chaudes du midi sans lui proposer le bain d’audience du soir. Il faut dire qu’en parlant d’émissions sorties de l’oubli, on ne peut pas faire l’impasse sur Les Z’amours, copie conforme des défunts Mariés de La 2, diffusés par Antenne 2 de 1987 à 1992 ! Alors, à quand le retour de Qui est qui ?, Pyramide, du Juste prix et de Tournez...manège ? Peut être quand Le maillon faible (dont l’arrêt est prévu à la rentrée), A prendre ou à laisser et Qui veut gagner des millions ? auront besoin de s’absenter quelques années de nos grilles, avant de revenir au grand galop...

Attention aux retours ratés, cependant ! Quand le concept est rôdé, la loi de l’audience est encore plus impartiale ! Les Jeux de 20 heures et L’Académie des 9 new look, rebaptisée Kadox, n’ont, par exemple, pas résisté aux aléas des chiffres, emportant Pierre Sled et Alexandre Debanne, leurs présentateurs respectifs, dans les tréfonds télévisuels. Et, à la télévision, quand la part de marché rétrécit à vue d’œil, les jeux sont faits : rien ne va plus !