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Les Gérard de la Télévision expliqués par Arnaud Demanche

Tony Cotte
Publié le 08/12/2008 à 14:22 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:41

Placée sous la tutelle du prénom-symbole du patrimoine-télévision français (Gérard Louvin, Gérard Holtz, Gérard Miller, Gérard Saint-Paul...), l’Académie des Gérard et sa Cérémonie dite jaculatoire, « ont pour objectif de récompenser les « meilleurs » programmes et animateurs de la télévision française ». Un but décrit ici de façon ironique. Pour expliquer cette version française et télévisuelle des Razzie Awards, Arnaud Demanche, l’un des trois fondateurs de l’événement, revient pour Toutelatele.com sur la cérémonie.

Tony Cotte : Pouvez-vous expliquer comment sont nés les Gérard ?

Arnaud Demanche : Tout a commencé sur un coin de table de bistrot. Frédéric Royer a proposé de faire les Gerard du cinéma, une cérémonie des César où l’on récompenserait les plus mauvais. C’est le genre d’idées que l’on a trois fois par jour sauf que celle-là, on l’a faite... Avec Stéphane Rose, le troisième larron, nous sommes partis avec ça sous le bras voir des amis journalistes pour constituer un jury. C’était facile à faire, nous avions juste besoin d’un bar, quelques copains en guise de public et d’un communiqué de presse. Cela a bien fonctionné et nous avons décliné la cérémonie pour la télévision au Réservoir (salle parisienne, ndlr). Paris Première est arrivée l’année suivante.

La captation télévisuelle de l’événement rend-elle l’exercice plus difficile ?

Nous avons commencé avec une ambiance potache et très peu de monde. C’était fait à la va comme j’te-pousse. Le seul intérêt était de connaître les lauréats. A partir du moment où Paris Première a souhaité proposer les Gérard en direct, nous avons dû faire face à de nouvelles contraintes : savoir où regarder, à qui s’adresser et l’impossibilité de déborder. L’improvisation n’est plus de mise une fois à la télévision, tout est minuté...

Peut-on parler de perte d’autonomie ?

Ce n’est pas une question de censure, mais si la salle ne rit pas pendant vingt secondes, ça se remarque aussitôt et la panique s’installe dans le camion régie. On ne peut pas faire venir 650 personnes pour voir trois connards ouvrir des enveloppes. Nous devons donc écrire des sketchs et créer une mise en scène. Le travail d’écriture est plus conséquent et se rapproche de celui d’un one-man-show. Ce que l’on faisait en 15 jours, prend aujourd’hui deux mois.

Allez-vous procéder à des aménagements par rapport à l’édition de l’année dernière ?

Tout est différent ! Le théâtre, les animations et les catégories ont changé. Cette fois, des pressentis devraient même venir chercher leur trophée sur scène. C’est un exercice entièrement neuf. A chaque cérémonie, nous partons de rien.

Comment procédez-vous pour établir la liste des pressentis ?

On distingue des tendances pour ensuite les verbaliser. On part de mode apparue lors de la saison télévisuelle. Nous ne sommes pas des donneurs de leçons. On parodie quelque chose de globale : un milieu qui s’autocongratule, se dresse des statuts et s’invite entre eux. On joue avec la télé sans avoir de cible particulière.

Avez-vous eu des réactions des lauréats à ce jour ?

Les Gérard de la Télévision sont plutôt bien appréciés. Certains lauréats ont même réclamé leur parpaing. Nous l’avons donné à Flavie Flament, Valérie Payet ou encore au casting de la série L’hôpital. Certains nommés cette année ont réagi, même si ce n’est pas une écrasante majorité. Du moins, quand il y a réaction elle est positive. A ce jour, personne n’a appelé pour nous traiter d’enfoirés.

Alexia Laroche-Joubert a reçu son parpaing doré dans l’émission On n’est pas couché sur France 2. Va-t-elle se rendre à la cérémonie cette année pour son programme Une surprise peut en cacher une autre ?

Je n’ai pas encore les résultats, mais dans les dernières tendances reçues, elle était un peu larguée...

Les vainqueurs ne sont donc pas désignés en fonction de la venue des animateurs ou représentants d’une émission ?

Non, c’est même un problème pour l’organisation. Cela reste démocratique. Tous les nommés sont prévenus, avec un peu de bol et en voyant les tendances on peut déterminer ceux qui devraient être présents.


L’ambition est-elle d’arriver, au fil des éditions, à réunir tous les lauréats sur scène avec leurs trophées ?

Ce n’est sûrement pas la mienne. Je n’ai pas envie que les Gérard deviennent le passage des gars qui veulent montrer une quelconque auto-dérision. A une époque, c’était très tendance d’avoir sa marionnette aux Guignols, mais c’est devenu un contre sens total du concept même, à savoir dégonfler certains melons. L’émission contribue aujourd’hui à leur donner un coup de pompe supplémentaire. Si les Gérard prennent le même chemin, l’objectif sera loupé. Notre but est de nous moquer de ce milieu et dégonfler la tête de certaines personnes, pas de les rendre sympathiques et encore plus fières qu’elles puissent l’être.

Assister à la cérémonie peut-il être un gage de bonne publicité pour les lauréats ? Prenons l’exemple de Laurence Ferrari pour son « Gérard de l’accident industriel »...

Il est évident qu’elle ne viendra pas. Nous avons reçu un coup de fil ulcéré de la part de la communication de TF1....

Vous avez pourtant affirmé ne jamais avoir reçu de réponses négatives suite à une nomination !

(silence) TF1 a réagi à sa place. Ils ont même contacté notre avocat en parlant de « scandale ». Il ne faut pas charrier, ce n’est pas démentiel non plus.

En revanche, peut-on parler d’acharnement envers Arielle Dombasle, nommée dans toutes les cérémonies des Gerard (musique, télévision, cinéma) avec, la majorité du temps, une catégorie à son nom ?

C’est un running-gag plus qu’un acharnement. Nous avons reçu différents échos : selon certains, elle trouverait cela très drôle, pour d’autres, elle nous détesterait. On ne connaît donc pas vraiment sa réaction. Elle est la tête de Turc de Frédéric (Royer, ndlr). Après tout, il faut que tout le monde y trouve son compte.

Pour votre part, souhaitez-vous voir une personne bien précise remporter ce fameux parpaing doré ?

Si ladite personne a suffisamment d’autodérision pour venir chercher son prix naturellement, elle ne mérite pas de figurer dans la liste des pressentis. Elle ne serait finalement pas si bête que ça...

On peut noter la présence de Paris Première parmi les nommés. S’agit-il d’un quota pour la crédibilité de la chaîne ou y figure-t-elle naturellement ?

Un peu des deux. Il y a des programmes que l’on trouve vraiment nul chez eux et ils sont au courant. Ce sont des gens très ouverts, ils n’ont pas acheté la cérémonie pour se donner bonne conscience. Ils nous ont demandé d’animer leur conférence de rentrée. Ce soir-là, nous pensions vraiment qu’ils feraient la gueule suite à certaines blagues. Au contraire, c’est une chaîne qui a beaucoup d’humour. Il n’y a aucun calcul de leur part, nous avons carte blanche et c’est plutôt rarissime à la télévision !