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Liam Cunningham : « Game of Thrones reflète la réalité de notre société »

Marion Olité
Publié le 20/04/2014 à 18:39 Mis à jour le 05/05/2014 à 10:56

Depuis quelques semaines, la folie Game of Thrones s’est de nouveau emparée du petit écran. Les sériephiles dévorent chaque épisode de la saison 4, débutée le 6 avril dernier sur HBO, et visible en France tous les lundis soir sur OCS. Toutelatele a rencontré Liam Cunningham, l’interprète du fidèle Ser Davos de passage à Paris, au service du prétendant au Trône de fer, Stannis Baratheon.

Comment votre personnage, Ser Davos, va-t-il évoluer dans cette saison 4 ?

Liam Cunningham : Davos est un homme simple qui se retrouve piégé dans un nid de vipères. C’est très intéressant d’interpréter ce personnage, car il a une vision de ce monde différente des autres protagonistes. Il représente presque le point de vue du public. Il ne pense pas à lui et à son ascension, et n’arrive pas à contrôler vraiment ce qu’il lui arrive. J’aime aussi ses origines, celles d’un pauvre criminel de seconde zone dans une petite ville. Il avait une vie très simple et maintenant il doit veiller sur cet homme, Stannis Baratheon, qui est sous l’influence néfaste de Melisandre. Quand on quitte Davos en saison 3, il se retrouve dans une position plutôt bonne avec Stannis, même si ce dernier n’est pas franchement heureux. Il veut toujours conquérir le Trône de fer. Le moment est venu de travailler ensemble pour réussir. Au fur et à mesure de l’avance de cette saison, on va se rapprocher de cet objectif...

Game of Thrones a tendance à maltraiter ses héros quand les meurtriers se portent plutôt bien. Qu’en pensez-vous ?

C’est ce que je trouve le plus intéressant. Dans les films hollywoodiens, le méchant finit toujours derrière des verrous ou en prison, et le gentil gagne la partie. Ça ne fonctionne pas comme ça dans Game of Thrones, et je trouve que c’est un peu plus réaliste. De ce point de vue, la série reflète la réalité de notre société. Elle parle de paranoïa, de violence, d’héritage familial, de sujets finalement présents dans la vraie vie.

Que pensez-vous des personnages masculins de Game of Thrones ?

Il y a de nombreux personnages masculins géniaux dans cette série, comme Tyrion Lannister dont la trajectoire est tellement étrange. Dans la première saison, c’est un alcoolique heureux, il joue les playboys et il se retrouve embarqué dans les intrigues de pouvoir. Et puis, il y a Jaime, que l’on déteste dès le premier épisode ! En tant que téléspectateur, on a qu’une envie, c’est d’assister à sa mort. Au fur et à mesure que la série avance, tout change. Bon, c’est aussi un très bel homme, on a tendance à lui pardonner beaucoup de choses. [Rires.]

Votre personnage fait partie des « gentils » de la série, mais semble se trouver dans le mauvais camp. Comment le voyez-vous ?

Je ne suis pas d’accord ! [Rires.] Si vous regardez les faits, Stannis Baratheon est la bonne personne à suivre. Il n’est pas comme Joffrey, et après l’histoire du roi fou des Targaryen, c’est bien lui qui devrait être sur le Trône de fer si l’on suit la loi de succession. Stannis est un peu comme Robert Baratheon. Tout ce que voulait ce dernier, c’était faire l’amour, chasser et boire. Devenir roi a ruiné sa vie. Stannis a tendance à ressentir un peu la même chose, mais il a un devoir. Comme il le dit à un moment : il refuse de n’être qu’une page dans un livre d’histoire consacré à une autre personne. Et dans cette histoire, tout ce que ne veut pas Davos, c’est que Stannis devienne un autre Joffrey. Il a peur de l’influence de Melisandre, qui utilise la magie noire et fait tuer et emprisonner des gens selon son bon vouloir.

« Game of Thrones au cinéma, c’est une idée fantastique ! »

Pensez-vous qu’il est possible de retranscrire au mieux l’univers foisonnant de Game of Thrones à la télévision ?

Oui, dans une certaine mesure. L’une des raisons pour lesquelles Georges Martin a écrit Game of Thrones, c’est parce qu’il connait bien le monde de la télévision. Il a travaillé sur des scripts par le passé. On lui disait toujours que ses histoires étaient super mais trop chères à mettre en scène, et son travail était charcuté. Du coup, il s’est dit : « Je vais écrire mon histoire sans réfléchir au budget, ce sera un roman ’infilmable’ et ça me va très bien. ». Il a donc écrit Game of Thrones, et là HBO se pointe et veut en faire une série télé ! [Rires.] Il ne pensait pas que ça verrait le jour sur un écran. Il a créé un vrai monstre tentaculaire avec manifestement un grand succès.

Que pensez-vous de l’idée de terminer Game of Thrones sur grand écran ?

C’est une excellente idée, et pas seulement d’un point de vue financier. Je regarde Game of Thrones avec mes proches, parce qu’il y a tellement à discuter après un épisode. J’ai réfléchi, et je pense que ce serait super de réunir dans une salle les fans de la saga, et ils sont nombreux. Les producteurs pourraient dépenser plus d’argent dans la production. Je n’imagine même pas ce que ces gars pourraient faire avec un budget de 100 millions de dollars pour un final de deux heures au cinéma ! Ce serait fantastique de finir comme ça, avec tous les personnages que l’on aime. J’aimerais beaucoup que l’on puisse offrir quelque chose de cette ampleur au public.

Partie 2 > La fin de Game of Thrones et les personnages de la série


Comment pensez-vous que Game of Thrones va se terminer ?

Pas de façon heureuse ! J’adorerais savoir comment se termine cette histoire, il n’y a seulement que trois hommes à l’heure actuelle qui savent cela : Georges, David et Dan, les deux showrunners. Georges leur a raconté la fin il y a seulement quelques semaines, mais il ne l’a pas encore écrite. J’ai cette image dans la tête, sûrement fausse, d’un marcheur blanc assis sur le trône avec son épée, qui regarde droit devant la caméra. Et tout le monde serait mort autour de lui. Ce serait intéressant, non ? Mais je pense que ça n’arrivera pas. La fin va être imprévisible. C’est très dur de prédire une chose pareille. C’est peut-être un personnage que l’on n’a pas encore rencontré qui va se retrouver sur le Trône de Fer. Daenerys ou Stannis, ça me paraît trop évident.

Quel est votre personnage préféré dans Game of Thrones ?

J’aime beaucoup Tywin Lannister. Dans la série, Cersei, Tyrion et Jaime sont des personnages puissants et très importants. Mais quand Tywin rentre dans une pièce, ils se transforment tous en enfants ! Charles Dance est un acteur fantastique. Je suis fan de son travail depuis longtemps.

Quel personnage est le plus dangereux selon vous ?

Je pense que ce sont les femmes. [Rires.] Melisandre peut tuer et empoisonner tellement de personnes. Cersei est très dangereuse. Il n’y a rien de plus dangereux qu’une femme acculée. Daenerys est assez effrayante aussi avec ses trois dragons.

Que pensez-vous de la représentation des femmes à l’écran ?

Le sexisme apparent est contrebalancé par de très beaux personnages féminins, extrêmement bien dessinés. Brienne, Cersei, Melisandre et Arya sont toutes des tueuses ! Ces personnages sont complexes et superbement bien écrits. Et il faut ce genre de portraits si vous montrez de l’autre côté à quel point les hommes peuvent être idiots. Je pense que les auteurs attendent des téléspectateurs un certain niveau d’intelligence pour bien comprendre le sous-texte. C’est une série faite par des adultes pour des adultes. Et au final, très peu de personnes ont taxé Game of Thrones de sexiste. Les scènes sont toujours justifiées.

« Les femmes sont plus dangereuses que les hommes dans Game of Thrones ! »

Game of Thrones a réussi à séduire un public allergique à l’héroic fantasy. Comment expliquez-vous cela ?

Certains proches qui n’ont pas encore vu la série me demandent parfois : « Mais c’est quoi ce délire autour de Game of Thrones, ça raconte quoi ? » Je leur ai dit qu’il y a des dragons, des sorcières, des ombres... Ils me disent : « Mais je n’ai pas envie de voir ça ! ». Quand éventuellement, ils finissent par regarder quelques épisodes, ils me rappellent alors et me lancent : « Mais ce n’est pas du tout ce que tu m’as dit ! » [Rires.] C’est avant tout une histoire de pouvoir, de paranoïa, de jalousie, de trahisons et drames familiaux... Et derrière, on a un arrière-plan d’heroic fantasy. Parfois, c’est plus facile d’évoquer notre société en créant un monde fantastique. Mais pour moi, la série est une représentation assez réaliste de ce que le pouvoir peut vous faire, et comment il peut ruiner votre existence.

Vous avez mentionné Mad Men un peu plus tôt. Regardez-vous d’autres séries ?

Je manque de temps. J’adore Mad Men, c’est vrai, notamment son rythme lent. Et la représentation du sexisme de l’époque est excellente. On a l’impression que c’était il y a 100 ans et pourtant, non ! Quand je regarde cette série, je me dis que les hommes auraient du avoir honte de se comporter ainsi avec les femmes. C’est révoltant, et en même temps indispensable de le montrer. Sinon, je suis terriblement en retard sur Breaking Bad. Je regarde actuellement la saison 2 c’est dire. Et je n’ai pas encore vu House of Cards. Je commence à espérer que je vais me casser une jambe, comme ça je pourrais regarder plein de séries. [Rires.]