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Pascal Sevran : un maitre-chanteur selon Balandras

Emilie Lopez
Publié le 14/10/2007 à 15:11 Mis à jour le 12/12/2007 à 15:22

Après Les Manuscrits de Claude Nougaro, Les Manuscrits de Serge Gainsbourg et Coluche, un mec libre, Laurent Balandras signe son quatrième titre : Pascal Sevran Le Maître chanteur - L’homme à qui la chanson ne doit rien. Cette enquête particulièrement minutieuse retrace, sur 176 pages, le parcours de Jean-Claude Jouhaud, plus connu sous le nom de Pascal Sevran. De sa naissance à Paris en 1945 à nos jours, chaque étape de la vie du présentateur est racontée, analysée, décortiquée avec un soin particulier.

Premier constat : l’enquête est remarquablement bien fouillée, et les références extrêmement bien expliquées. On découvre ainsi ceux qui ont, il y a des décennies, embrasées les foules par leurs œuvres. On sent l’amour que porte l’auteur à la musique, aussi palpable que son dédain pour sa cible. Autre constat : le style est excellent. Voilà bien un reproche que l’on ne peut faire à Laurent Balandras. Mais c’est surtout dans la critique qu’il excelle. Morceaux choisis : « Pascal Sevran est un imposteur », il « suinte la vanité », « se moque du téléspectateur en lui servant de la daube avariée ». Il est un « Tino rassis » qui « monte sur scène pour y brailler du Brassens », « un homme archaïque, poussiéreux ». Une multitude de mots doux qu’il distille tout au long de son pamphlet. On en viendrait presque à avoir pitié du pauvre Sevran ! L’objectif de Laurent Balandras est clair : réduire à néant la moindre once de crédibilité que pourrait encore avoir Pascal Sevran.

L’animateur a bâti sa « réputation » sur 4 grands points : l’écriture d’un des chefs d’œuvre de Dalida, Il venait d’avoir 18 ans ; son amitié avec le Président Mitterrand ; son rapport de 1981 remis à Jack Lang, alors Ministre de la culture ; son flair à découvrir de nouveaux talents. C’était sans compter sur Laurent Balandras.

Dans le premier cas, l’auteur démontre que le rôle de Sevran pourrait n’être que mineur, voire quasi-inexistant, puisque « cette chanson (...) s’inscrit à l’opposé du schéma convenu des refrains gnangnan qu’[il] expédie d’ordinaire ». Et lorsque Balandras se prend à imaginer que Sevran pourrait effectivement être l’auteur de ce titre, il n’omet pas de rajouter « nul n’est à l’abri d’un trait de génie ! ». Les honneurs reviendraient donc à Serge Lebrail et Pascal Auriat. Mais «  la question restera en suspens car [ils] ne sont plus là pour en parler ». Un fait qui arrange tant Pascal Sevran que Laurent Balandras...

Quant à son « amitié particulière » avec le Président de la République d’alors, elle est réduite à un rapport Roi / Guignol. Inutile de préciser qui serait le guignol ! « Tout au plus attendait-il de lui, puisqu’il s’avérait incapable de chanter Si tu veux ... Marguerite, de croustillantes révélations sur le show-business ». Ainsi, Sevran est décrit comme un véritable toutou, membre de la Cour du Président, à qui l’on ne s’adressait que pour lui réclamer des chansons...


Concernant le fameux rapport, voilà bien le seul et unique moment du livre où Pascal Sevran reçoit quelques fleurs de son détracteur. Ainsi peut-on lire : « Ces mesures, accompagnées de 17 propositions annexes, forment indéniablement la contribution majeure de Pascal Sevran en faveur de la chanson française. Certaines propositions peuvent même être qualifiées de « révolutionnaires » tant elles répondent à des préoccupations dont dépend la survie d’innombrables artistes ». Mais là encore, Balandras minimise le rôle du « maître chanteur », ne manquant pas de souligner «  il faut rappeler que le mémoire de Sevran n’a été qu’une base de réflexions, étudiées ensuite par des professionnels de la musique avant d’être soumise au ministre de la Culture ».

Enfin, le prétendu rôle de « découvreur de talents » de Pascal Sevran. Il est vrai que cela prête à sourire, sans même avoir été éclairé par la lanterne de Balandras... On peine à citer un artiste ayant fait ses premières armes dans La chance aux chansons. Sevran, lui, s’est accaparé des noms de Patrick Bruel, Patricia Kaas et Hélène Ségara. Laurent Balandras remet les pendules à l’heure : « [ils] n’ont pas été particulièrement recommandés par Pascal Sevran, celui-ci ne leur octroyant pas plus d’intérêt qu’à la cohorte de ses figurants. » Le constat est, pour l’auteur, clair « vingt-cinq années de télévision n’ont pas suffi à Pascal Sevran pour découvrir qui que ce soit d’important dans le petit monde de la chanson française ». Et pour cause : « Aller chez Sevran est une honte que peu d’artistes assument ». Nous n’irons pas le contredire !

Laurent Balandras est ici particulièrement virulent, mais cela peut se comprendre : lui a soutenu dès leurs premiers faits d’armes, entre autres, Olivia Ruiz et les Weepers Circus, et a œuvré au Sentier des Halles... Balandras, véritable découvreur de talents, serait-il en mal de reconnaissance, non pas des professionnels, puisque sa réputation n’y est plus à faire, mais aux yeux du grand public ?

Au sortir, lorsque l’on referme cette « œuvre », une question brûle les lèvres : qu’a donc bien pu faire Pascal Sevran à Laurent Balandras pour que ce dernier s’acharne avec tant de véhémence à le détruire ? Quel était l’intérêt réel de ce livre ? Est-ce une façon pour cet amoureux de la musique de dissocier le nom de Sevran du palmarès de la chanson française ?

Seulement voilà, la courtoisie veut que l’on ne piétine pas un homme déjà à terre. Or l’animateur préféré des plus de 70 ans est privé d’émissions depuis la rentrée, et l’histoire de la « Bite des noirs » y est certainement pour quelque chose. Sa seule activité réside à présent dans l’écriture, avec la préparation du neuvième opus de ses mémoires personnelles. Dans chacun de ses écrits, Pascal Sevran ne manque jamais de régler quelques comptes. Gageons que Laurent Balandras aura une place toute choisie dans sa prochaine parution...