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Présidentielle : Petit journal et grandes manoeuvres sur les écrans

Alexandre Raveleau
Publié le 20/04/2012 à 17:52 Mis à jour le 23/04/2012 à 17:14

Ce dimanche 22 avril, plus de 43 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. À 20 heures, heure officielle, les visages des deux candidats ayant obtenu le plus de suffrages seront dévoilés. Sur TF1, France 2, Canal+ ou les chaînes d’information en continu, le moment sera déjà venu de s’intéresser aux alliances, forces en présence et d’analyser les chiffres, région par région. De dix candidats, le match de la présidentielle prendra dès lors des airs de « mano a mano ». Si Nicolas Sarkozy et François Hollande dominent l’ensemble des sondages, les outsiders profitent des derniers instants de temps de parole pour faire entendre leur programme. Cet ultime sprint avant l’extinction complète des voix sur les antennes et les ondes a donné lieu à une véritable surenchère dans les médias, et plus particulièrement à la télévision. À l’heure du bilan, cette campagne de 2012 aura surtout atteint une nouvelle frontière dans l’exercice politique : l’humour. Une émission symbolise à elle seule ce changement de braquet : Le Petit journal de Yann Barthès.

Après le duel qui opposait Laurence Ferrari et David Pujadas via Parole de candidat (TF1) et Des Paroles et des actes (France 2), les dix qualifiés pour le premier tour ont occupé le terrain cathodique à toutes les heures du jour comme de la nuit. Depuis le 9 avril et le lancement de la campagne officielle, en vertu du strict respect du temps de parole, favoris et déçus des sondages sont apparus dans les 4 vérités de Télématin, l’interview de Christophe Barbier sur I>Télé, Parole directe chez TF1, face aux « graph » de François Lenglet (France 2 et BFM TV) ou dans les JT de France 3. Devant les contraintes imposées par le CSA, les chaînes d’information en continu ont trouvé la faille et appuie là où ça fait mal : multidiffusion des meetings des « petits » en pleine nuit et exposition maximale pour les cadors du PS, UMP, Front de gauche, FN et MoDem aux heures de grande écoute.

Au milieu de la mêlée médiatique, Canal+ a tiré son épingle du jeu. Non seulement la chaîne cryptée a donné rendez-vous aux téléspectateurs pour deux soirées électorales en bonne et due forme, mais elle a surtout décadenassé la parole politique, mettant l’ensemble des candidats (à l’exception de Jean-Luc Mélenchon) face à l’épreuve de l’autodérision. En mars, puis en avril, Yann Barthès a reçu les dix candidats (ou leur représentant) dans son Petit journal. Lorsque Nicolas Sarkozy s’est installé sur le fauteuil pas très stable de l’invité, 2.6 millions de Français se sont amusés en revoyant l’album souvenir du premier quinquennat. Avec 10.1% de part de marché, Canal+ frappait alors un grand coup.

À titre de comparaison, la venue de François Hollande sur le même plateau, le 2 avril (retardée en raison des attentats de Toulouse), aura rassemblé 1.9 million de téléspectateurs, soit 7.3% du public. Le leader PS a surclassé l’ensemble des autres candidats. Plus encore que des chiffres d’audience, la décontraction affichée aura été l’une des nouveautés de cette campagne 2012. Après l’ère de la « peoplisation » en Une des magazines sur papier glacé ou sur le canapé rouge de Michel Drucker, hommes et femmes politiques ont accepté de rire d’eux-mêmes, de leur travers et faux pas en communication. Une première du genre. Après les Guignols de l’info ou le tutoiement de Karl Zéro dans Le Vrai journal, la limite du champ d’action des candidats a été repoussée. Canal+ ne s’est toutefois pas seulement contenté de divertir autour de la présidentielle. Dans Dimanche+ ou le Grand journal, Philippe Poutou, François Bayrou, Éva Joly, Jacques Cheminade, Nathalie Artaud, Nicolas Dupont-Aignan ont tous répondu aux questions de Michel Denisot, Jean-Michel Aphatie ou Anne-Sophie Lapix.

Et depuis dix jours, l’accélération médiatique a été ressentie à tous les étages du PAF. Le coup d’envoi a été donné par David Pujadas et France 2. Au cours de deux soirées, les dix candidats ont eu droit à leur « gros quart d’heure », selon l’expression du journaliste, face aux experts de Des Paroles et des actes. Résultats : 3.39 millions de téléspectateurs le mercredi 11 avril (14.1%) contre 4.24 millions le lendemain (17.2%). Au palmarès, Jean-Luc Mélenchon (4.7 millions), Nicolas Sarkozy (4.3 millions) ainsi que François Bayrou et Jacques Cheminade (ex-aequo avec 4.1 millions) sont sur le podium. La seconde soirée ayant été plus performante, ses invités ont naturellement obtenu le plus de « voix ».


Après un week-end trusté par les deux meetings géants de la Concorde (UMP) et Vincennes (PS) sur I>Télé et BFM TV, France 2 a remis le couvert avec un débat à dix. Orchestré par Yves Calvi, ce numéro spécial de Mots croisés a conquis 1.4 million de Français ce lundi 16 avril en seconde partie de soirée, correspondant à 12.2% du public. Cette belle performance pour le magazine politique n’a pas retenu toute l’attention espérée. Pour cause, les favoris des sondages n’avaient pas répondu à l’invitation, préférant laisser leur porte-parole débattre. Et si dans les coulisses de Des Paroles et des actes, Nicolas Sarkozy et François Bayrou, de même que François Hollande et Marine Le Pen, avaient évité de se croiser du regard, les quatre leaders ne se sont pas risqués à l’exercice du pupitre au compteur qui défile.

Pendant ce temps-là, Laurence Ferrari et Claire Chazal ont précipité la cadence sur TF1. Chaque soir, et midi le week-end, le jeu de questions/réponses a repris grâce à Parole directe. 6.2 millions de téléspectateurs pour Marine Le Pen, 5.7 millions chez Jean-Luc Mélenchon, 7.3 millions pour François Bayrou, 5.5 millions du côté de François Hollande, la boussole de Mediamat de l’institut Médiamétrie a délivré tous les jours ses résultats. Les tendances livrées peu après 9 heures du matin ont donné du grain à moudre aux observateurs. Ce jeudi 19 avril, la parole de Nicolas Sarkozy a été entendue par 5.9 millions de curieux (21.3% de part de marché). Tous les résultats d’audience n’ont évidemment pas la valeur d’un sondage, mais les tendances ont été scrutées avec intérêt dans les QG. Son adversaire PS sera l’ultime politicien à se faire entendre au Grand Journal de Canal+ ce 20 avril. Ensuite, jusqu’à dimanche 20 heures, le silence sera de rigueur.

Enfin, ce 22 avril, toutes les chaînes proposeront leur soirée électorale. Anne Sinclair chez BFM TV, Jean-Pierre Pernaut depuis Louviers pour TF1, le trio Laurent Delahousse / David Pujadas / Élise Lucet sur France 2 : chacun a prévu son dispositif pour couvrir l’événement. M6 s’invite également au bal. Dès 19h40, Nathalie Renoux sera en compagnie de Jean-Daniel Lévy (Institut Harris) pour l’annonce des résultats. Plus tard, à partir de 23h55, Xavier de Moulins dressera le bilan de l’étape avec deux complices triés sur le volet : Éric Zemmour et Éric Naulleau.

Après la soirée des Guignols en 1995, ce sera au tour de Michel Denisot et Anne-Sophie Lapix de tenir l’antenne en direct pour Canal+. En clair à 19 heures, la politique refera surface depuis le plateau du Grand journal, avec les expertises de Jean-Michel Aphatie, Vincent Glad, Victor Robert, Léa Salamé ou Émilie Besse. Et puisque la chaîne cryptée a toujours surfé entre le sérieux et le décalé, Mouloud Achour sera lui aussi en plateau. Par contre, pas de Yann Barthès à l’horizon. Il y a juste à croiser les doigts pour qu’aucune image à caractère pornographique ne viennent s’intercaler dans les résultats en direct, à l’instar de la « défaillance technique » de dimanche dernier sur Canal+ Décalé...