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Q.I : Alysson Paradis sur les traces de Clara Morgane

Tony Cotte
Publié le 23/01/2012 à 11:18

Mardi 24 janvier à 20h40, Orange Cinemax proposera la nouvelle série du groupe, Q.I. Dans un premier temps appelée Quartier latin, la fiction met en scène Candice Doll, une jeune femme à l’avenir prometteur dans l’univers du porno. Un jour, celle-ci décide de prendre du recul sur son existence, au point de s’inscrire en philosophie à la Sorbonne contre l’avis de ses proches. Pour incarner le rôle-titre, la production a fait appel à Alysson Paradis. Alors qu’elle se prépare pour sa prochaine pièce, « La Salle des profs » au Théâtre L’Archipel, la comédienne revient sur son début de carrière et son nouveau rôle...

Tony Cotte : Que diriez-vous aux téléspectateurs qui pourraient se faire la remarque « Encore une série autour du porno !  » ?

Alysson Paradis : Le porno sert surtout à planter un décor, mais cet univers n’est pas particulièrement traité. Il s’agit du métier de l’héroïne et de ceux qui l’entourent, mais l’évolution des personnages et la quête du protagoniste principal ne sont pas tournées autour de la pornographie.

Le milieu de la pornographie dans Q.I échappe aux clichés misérabilistes. Après avoir été imprégnée de cet univers, quel regard portez-vous dessus ?

On peut l’aborder de deux façons. Hard a pris le parti d’en faire quelque chose de joyeux et quotidien, ce que l’on a fait. On peut également rentrer dans l’autre cliché, celui de Xanadu. Pour le coup, il s’agissait de cul froid, glacial, sale... C’était nauséabond et pas agréable. En préparant la série, j’ai pu me rendre compte qu’il s’agissait vraiment d’un métier : une fois les caméras éteintes, la journée de travail est terminée. En regardant un reportage, j’ai découvert une femme conductrice de métro qui faisait des tournages de temps en temps. De retour chez elle, elle parlait de ses scènes comme un journaliste évoquerait un papier écrit à sa rédaction.

Vous êtes-vous inspirée d’une personnalité en particulier pour incarner Candice Doll ?

Pour ma part, je me suis contentée d’accentuer un côté « naïf » et premier degré. Pour moi, mon personnage n’est pas bête et a le droit d’être intelligent. Le réalisateur, lui, a vu dans Candice Doll une Clara Morgane, une actrice rapidement propulsée sur le devant de la scène médiatique malgré une petite filmographie. Sans compter, bien sûr, le côté « girl next door ».

Votre personnage fait l’objet de convoitise par sa propre famille. Son nom et sa popularité permettent à ses parents d’obtenir, notamment, un prêt bancaire. Cette situation a-t-elle eu un écho particulier chez vous ?

Je vois la question que vous voulez me poser, mais ça ne se fait absolument pas dans ma famille. Mon père a toujours été clair là-dessus : il n’utilisera jamais la notoriété de ses filles pour entreprendre quelque chose.

Q.I met aussi en exergue le mépris et les préjugés que l’on peut afficher envers certains individus en fonction de leur réputation ou choix de carrière. Est-ce un message auquel vous êtes sensible ?

C’est presque une philosophie de vie : j’essaye de ne jamais avoir d’a priori. Mon père m’a toujours appris à être ouverte à toutes les opportunités, car je peux être surprise. J’ai déjà été proche de personnes avec qui ne j’avais, en apparence, rien en commun et qui sont devenues des proches. Quand j’ai rencontré le garçon qui est mon meilleur ami aujourd’hui, il portait des dents en argent à la Joey Starr. Je n’ai, heureusement, pas été rebutée par son apparence. Dix ans après, il s’habille en costume et a un haut poste dans une société.

Q.I a bénéficié d’un petit budget. Le financement d’une œuvre, qu’elle soit pour le cinéma ou la télévision, influence-t-il sur l’ambiance ou la façon de jouer ?

Ça en a forcément une sur l’ambiance. Quand il n’y a pas d’argent, il n’y a pas de temps. C’est indéniable : il faut être dans une énergie à flux tendu en permanence. Même si on ne tourne pas en pellicule, on ne va pas refaire une scène 25 fois. Tout le monde doit être encore plus à l’écoute des autres. Ne pas être dans le confort permet à chacun de se décarcasser, on devient plus créatif.

Même s’il n’y a aucune scène de nu frontal, tourner en tenue d’Eve a-t-il été difficile ?

J’étais préparée, je savais sur quoi je m’engageais. Il était clair qu’il n’allait pas y avoir de scène pornographique, car ce n’est pas mon métier. A partir du moment que l’on met des limites qui sont claires et précises, j’ai toutes les raisons de me sentir libre. J’ai eu la chance d’avoir une équipe respectueuse avec un regard amical. Je savais que le chef opérateur allait faire de jolies images et pas montrer des choses crues et moches.


Vous évoquez la notion de « respect ». Vous êtes-vous déjà retrouvée sur un tournage où vous en avez manqué ?

C’est rare et heureusement. Les techniciens sont généralement des vieux de la vieille et connaissent leur métier. Mais certains peuvent se permettre de faire des remarques à haute voix, du genre : « Voyons voir ce qu’elle est capable de nous faire la petite Paradis ». C’est ridicule et ça ne fait avancer personne.

Plusieurs actrices de cinéma reconnaissent que l’avenir pour les femmes de ce métier appartient à la télévision. Est-ce un point de vue que vous partagez ?

L’avantage que l’on a aujourd’hui c’est que la télévision en elle-même est plus intéressante. On assiste donc à un champ de possibilités beaucoup plus grand. Désormais on ne cloisonne plus et c’est une avancée remarquable. Avant, on pouvait entendre : « La télé c’est sympa, mais surtout ne fais jamais de séries  ». Aujourd’hui, les séries sont dignes des meilleurs films.

Quelle téléspectatrice êtes-vous ?

J’aime beaucoup les fictions. J’ai été élevée avec Friends. Dans ma famille, on a tous les coffrets DVD et il y en a partout : chez ma sœur, chez ma mère ou chez moi. Avec ma nièce, lorsque nous sommes seules, on regarde un épisode. On retrouve nos potes, même si on connait tout par cœur. On sait pertinemment que ni Ross ni Chandler sont nos vrais copains, mais ça fait du bien de les retrouver le soir à la maison. Dans un tout autre registre, j’ai adoré Six feet under. Je l’ai toujours vue comme un film de 5 saisons. J’aime également beaucoup Mad men, United states of Tara, How I met your mother et, c’est mon côté plus « fifille », Grey’s Anatomy.

Avez-vous des envies particulières en tant qu’actrice ?

J’aimerais avant tout faire une comédie romantique. Pour autant, je n’ai aucune envie d’être un faire-valoir dans un film, aussi bon soit-il. Je préfère rester deux jours avec une vraie partition à jouer que d’être présentes dans plusieurs scènes sans rien avoir à faire ou simplement dire « Passe moi le sel ». J’ai déjà refusé des propositions, malgré 20 jours de tournage, et donc des cachets plus importants, pour cette raison.

En 2007, on vous retrouvait dans ce que beaucoup considèrent comme le meilleur film d’horreur français à ce jour A l’intérieur. Quels souvenirs en gardez-vous ?

C’était un tourbillon, du début à la fin. La rencontre avec les réalisateurs était une révélation des deux côtés. Pendant un an, j’ai travaillé sur le film de façon assez intense. J’ai eu droit à un entrainement physique pendant quatre mois parce que je voulais faire mes cascades toute seule. On m’a enseigné l’aspect « art martial » en apprenant à tomber ou à éviter les coups, le tout avec un faux ventre de six kilos, même si c’était interdit, car il ne doit pas dépasser 10% du poids. J’avais insisté pour que le résultat soit le plus crédible possible. Entre les heures de préparation et le tournage intensif, ça a été une machine à laver. Sans compter l’épisode Cannes où l’on a reçu plusieurs insultes...

Quel en était l’objet ?

On a touché aux femmes enceintes, un sacrilège. Mon personnage faisait l’objet de la traque tout le long du film. Sans doute l’aspect réaliste n’a pas aidé. Une femme qui vient sonner chez toi pour te tuer à deux heures du matin en banlieue, c’est possible. D’ailleurs, juste avant le tournage, nous avions appris qu’une fille aux États-Unis, jalouse de sa meilleure amie tombée enceinte, l’avait découpée ! Peut-être que ce fait divers explique ces réactions ? Je retiens, au final qu’A l’intérieur a ouvert la voie en France à une vague de films d’horreur jusqu’au-boutistes. On a essuyé les plâtres en quelque sorte.

Vous aviez enchaîné avec un court-métrage d’horreur. Peut-on dire que le genre vous séduit ?

J’ai fait le court-métrage en question pour rendre service au réalisateur. Il me l’avait proposé avant A l’intérieur et comme je m’étais engagée, je ne pouvais pas me rétracter. Mais je n’ai jamais eu l’envie d’être assimilée à ça. J’ai reçu des tonnes de propositions. Récemment, j’ai d’ailleurs eu un cas de conscience avec un scénario divinement bien écrit. Mais les débuts de carrière sont trop fragiles : tant que je n’aurai pas fait un Cédric Klapisch ou un Michel Gondry, je ne peux pas retourner sur le devant de la scène avec de l’horreur.

N’avez-vous pas peur de recevoir dorénavant de nombreux rôles à la Candice Doll ?

Avant même la diffusion de Q.I, j’ai déjà eu une petite dizaine de propositions pour jouer des actrices porno ou des prostituées. Mon agent a rigolé et m’a dit de bien le prendre (rires).