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Rubi veut envoûter les téléspectateurs de M6

Cécile Raigne
Publié le 25/04/2006 à 01:23 Mis à jour le 25/04/2006 à 16:07

Depuis hier, M6 a mis au placard le second téléfilm de l’après-midi et l’a remplacé par deux épisodes d’un genre encore peu diffusé en France : la telenovela ou littéralement, roman-télé. Rubi, une production sentimentale mexicaine toute dernière génération, débarque sur l’antenne de la chaîne privée pour 118 épisodes de 45 minutes. L’héroïne, interprétée par la sculpturale uruguayenne Barbara Mori, a donc un peu plus de trois mois pour asservir les hommes et charmer l’audience. Le titre et le logo du feuilleton, dignes des romans Harlequin, sont déjà tout un programme : amour, haine et passions vont se déverser sur l’antenne jusqu’à plus soif. Un rendez-vous qui promet de rendre addict les ménagères de moins de 50 ans... et d’assécher l’audimat des concurrents. Les téléfilms unitaires de TF1 et France 3 n’ont plus qu’à frémir.

Mais qu’est ce qu’une télénovela ? Du drame, de la romance, un soap à la sauce hispanophone et lusophone : stéréotypé, chaud, salé et dénué de saisons de production. Ces feuilletons quotidiens de soirée sont tournés pour un nombre d’épisodes donnés, à un rythme effréné, et se concluent au bout de 7 à 8 mois (200 épisodes plus tard) sur une fin en apothéose. On en parle de plus en plus, leur réputation se répand comme un raz-de-marée prêt à tout emporter sur son passage ! Né il y a 40 ans au Brésil, inspiré des romans feuilletons français du XIXème siècle, puis développé par des échanges entre le théâtre, la radio, et la musique, le genre a conquis en quelques décennies toute l’Amérique latine, avant de s’imposer en Asie, en Afrique, en Chine, et même en Russie. Chez nous, certaines de ces productions ont pointé leur nez depuis les années 80, souvent avec un nombre d’épisodes réduit et une durée reformatée. Sur TF1, il y a eu Cœur de Diamant ou Danse avec moi, sur M6, La Préférée, sur France 3 et Antenne 2, Dona Beija... Mais le record de telenovelas revient haut la main à Teva qui, avec La beauté du diable, Destinées, ou Héléna, y puise régulièrement de quoi alimenter sa grille.

Rien d’étonnant donc à ce que ce soit sa grande sœur M6 qui relance la mode en France, en offrant au genre une toute nouvelle exposition. Mais si Rubi fait autant parler d’elle, c’est avant tout parce qu’elle appartient à la nouvelle génération de télénovelas, celle qui fait fi de toute morale et ne s’achève pas systématiquement sur un happy end. Elles reposent toujours sur les mêmes ressorts dramatiques, confrontent les riches aux pauvres, les bons aux méchants, tirent sur la corde sensible et multiplient les péripéties abracadabrantes. Mais elles ont évolué avec la société et continuent à s’en faire le reflet. A l’image de Télé-Rodrigo, une télénovela colombienne très populaire en Amérique latine, et qui a remporté de nombreux prix critiques. Diffusée depuis le mois dernier en access prime time sur Pink TV, elle raconte les déboires d’un jeune chef de cuisine fauché qui n’a d’autre solution pour s’en sortir que d’intégrer une émission de télé-réalité en se faisant passer pour un gay.

Chaque année, 500 à 600 télénovelas sont produites puis suivies par 2 milliards de téléspectateurs répartis sur les cinq continents. Mais l’Amérique latine reste leur terre de souche. Elles y tirent leur substance, y soulèvent des audiences de 70% de part de marché en prime time, et y représentent un incontournable phénomène de société. Au cœur de cette gigantesque industrie règne la chaîne TV Globo, née en 1965 et devenue grâce à cette manne, le 4ème diffuseur mondial en matière de productions. Ses studios ultramodernes de La Projac, au sud de Rio, regroupent quelques 5000 employés, engagent des budgets de 25 millions de dollars et fonctionnent comme une usine à rêves, un empire qui a sécrété son propre système, ses stars, son merchandising... du prêt-à-consommer.

Produite, quant à elle, par la chaîne mexicaine Televisa, Rubi n’échappe pas au schéma classique des télénovelas, schéma selon lequel une jeune femme prédisposée au malheur, cherche le bonheur dans un long parcours semé d’embûches. Mais Rubi n’a rien d’une sainte nitouche. Cette jeune étudiante qui, depuis la mort de son père, vit sans le sou avec sa mère et sa sœur est prête à tout pour devenir riche et enviée. A commencer par trahir ses amis et jouer la courtisane. Les téléspectateurs français se laisseront-ils séduire à leur tour par ses manigances ? Réponse dans quelques jours, sitôt les présentations faites.