Toutelatele

Sébastien Lalanne (Hero Corp 4) : « On n’est pas à l’abri de l’usure »

Marion Olité
Publié le 02/01/2015 à 19:55

Compagnon de route de Simon Astier depuis les débuts de Hero Corp, Sébastien Lalanne incarne dans la série de super-héros le délirant Doug, mais pas seulement. Témoin privilégié de l’élaboration de la série, il cumule la casquette de directeur artistique et participe au choix du casting. Cet été, lors du tournage de la saison 4 à Rochefort, il s’est confié à Toutelatele sur cette aventure hors du commun.

Marion Olité : Comment analysez-vous le parcours de la série Hero Corp ?

Sébastien Lalanne : J’ai une lecture de cette série assez personnelle. Pour moi, Hero Corp est comme un corps en mouvement. La saison 1 représente l’enfance, aussi bien dans les personnages que le ton, un peu naïf. Ils ont dix ans d’âge mental. C’est « pipi caca ». Dès qu’il y a une femme, c’est : « Ouh la la, va-t-en ! ». La saison 2 fait la transition et la saison 3 correspond à l’adolescence. Les super-héros découvrent les filles. John a des éruptions cutanées, il n’arrête pas de prendre feu ! C’est comme de l’acné poussé à outrance. Dans la saison 3, ils découvrent la violence de la vie. Là je pense qu’on arrive dans l’âge adulte avec la saison 4. Les personnages commencent à prendre conscience que le temps de l’innocence est très loin. Ils ne se prennent plus les événements « dans la gueule » comme en saison 3. La crise d’ado est passée. Le champ de l’adulte est ouvert.

Que pouvez-vous dévoiler sur cette saison 4 ?

On n’est pas sorti du cycle et du coup, on ne sait pas si on va s’en sortir tout court. Toutes les saisons sont dans cet esprit : les personnages ne sont jamais bien sûrs d’en réchapper. Leur conscience du danger a changé. L’usure va aussi entrer en ligne de compte. De son côté, John se situe dans la thématique de la lutte entre le bien et le mal. Mon personnage fait partie du groupe des délocalisés. Ils le sont au sens propre géographiquement, mais aussi dans leur rapport entre eux ou dans le rapport aux autres. Par rapport au parcours de John, nous ne sommes que des corollaires. On est pas forcément associés à la lutte du bien et du mal, même si ça peut arriver à certains personnages. Hero Corp est un chemin, qui tend vers l’individualisation. Au début, c’est une masse informe, et puis les personnalités se dessinent. Chacun a son petit parcours.

On a souvent l’impression que Doug est à côté de l’action. Va-t-il évoluer sur cette saison 4 ?

Doug est souvent au second plan en train de râler. Mais il va évoluer cette saison, même s’il a toujours ses crises d’hystérie (rires). Il a toujours un petit problème émotionnel quand même ! Il commençait déjà à avoir des projets et à se calmer en fin de saison 3. Il menait une enquête avec Mique, et pour une fois des obligations de résultat. Dans cette saison, on va avoir plus de contraintes et se retrouver vraiment en contact avec le monde. Avant, les super-héros vivaient totalement en autarcie. Ça rejoint ma lecture de Hero Corp par l’enfance et les différentes étapes vers l’âge adulte. Dans la saison 3, on découvrait la violence du monde. Dans la saison 4, on va être en contact avec une autre sphère. On va apprendre des choses sur la gestion du monde, avec un aspect politique.

« Hero Corp arrive dans l’âge adulte avec la saison 4 »

Selon vous, l’absence du personnage de Klaus, incarné par Alban Lenoir, a-t-elle porté préjudice à cette saison ?

Je ne pense pas, au contraire. Ça révèle plein de choses. C’est presque un cadeau. Un peu comme si tu enlevais le personnage préféré d’une série américaine. C’est un beau challenge, qui me fait penser à Homeland toutes proportions gardées. On scie tout et on regarde ce qui tient. Et tout tient. Je pense que même sans John, Hero Corp tiendrait quand même. L’absence d’un personnage, ça raconte aussi des choses. Il y a un trou. Et Klaus sera quand même un peu présent...

Êtes-vous toujours impliqué dans Hero Corp au-delà de votre rôle d’acteur ?

Oui, on a tout fondé ensemble avec Simon : toute l’arche, l’ambiance, les personnages, bref toute l’histoire de Hero Corp. Je n’ai pas trop participé à l’écriture, seulement sur deux épisodes. En saison 1, j’ai assuré la direction artistique et le casting avec Simon. En saison 2, j’étais encore à la direction artistique et des acteurs. Et en saison 3, je ne faisais plus rien (rires), juste l’acteur. Sur cette saison 4, j’aide Simon au casting et à la direction artistique, c’est-à-dire les décors et les costumes. Je gère aussi les scènes des figurants parce qu’on a vraiment beaucoup de monde. C’est Simon qui décide de la nécessité de ma présence ou pas à ces postes.

Préférez-vous juste la casquette d’acteur ou être un peu partout ?

La saison 3, où je n’avais qu’à me soucier d’être acteur, était super confortable. Il n’y a pas d’emmerdes ! Quand je m’occupe de la direction artistique, on me demande avant une scène « on prend quel pistolet, on met quelle affiche, la porte, tu la veux jaune ou bleue ? » etc. Je sers de tamis à Simon, qui prend les décisions finales sur les gros trucs. Il y a des choses qui sont évidentes pour nous dans ces détails. Par exemple, dans Hero Corp, le papier journal n’existe pas. On ne met que des comics. On le sait, mais on s’est rendu compte que personne d’autre n’était au courant ! On tient à ces petites choses qui donnent son caractère à Hero Corp.

« Qui nous dit qu’on aura une saison 5 ? »

Quel est votre apport en tant que directeur artistique sur cette saison de Hero Corp ?

Je pense que Simon voulait que je revienne pour qu’on puisse discuter ensemble. Cette année, il me demande de trancher des choses sur des costumes par exemple. J’ai plus de distance que lui, donc je l’aide en ayant un point de vue global. On tourne de façon crossboardée, avec énormément de raccords. Plus il y a de personnes pour veiller aux raccords, et mieux c’est. Je ne suis pas toujours bon. Je rate certaines choses. Pour le coup, tout le monde est très impliqué et attentif à tout. Chacun fait attention à ses costumes, à ses blessures... Il y a un principe dans Hero Corp qui nous semble normal : on est super exigeant. Ça nous arrache les tripes de laisser passer un détail qui ne correspond pas à la série, comme de voir un panneau français alors qu’on est censé être à Montréal. Et pourtant, on ne dispose pas des moyens financiers et du temps nécessaire pour faire tout ce qu’on veut. Mais on a comme une Bible de tournage en tête. Hero Corp est très premier degré, même si on déconne à côté. Quand il y a des trucs durs ou compliqués à gérer sur le sens de la série, là ça ne rigole pas du tout.

Depuis que Hero Corp a été ressuscitée et renouvelée par France 4, soufflez-vous un peu ?

Oui, mais la bagarre n’est pas terminée. Qui nous dit qu’on aura une saison 5 ? Ce n’est pas une coquetterie de dire ça. Il n’y aura peut-être pas de saison 5. On est quand même « pauvres » pour ce qu’on fait. C’est compliqué. On en bave. Le temps de préparation est beaucoup trop court. On travaillait de huit heures le matin à 23 heures le soir pendant cette période. Le tournage, c’est presque reposant à côté ! On est ensemble, donc on a quand même une énergie commune qui nous fait avancer. Mais allez voir les gens de la décoration, qui ont fait la même chose en étant seuls dans leur coin. En ce moment, ils sont au bord du craquage nerveux et physique. Tout ça pour dire que ce n’est pas gagné. Les ambitions sont toujours plus grandes, mais là on est vraiment à la limite de la fracture.

Seriez-vous partants pour continuer Hero Corp encore quelques saisons ?

Il faut voir, pourquoi pas ? Mais j’insiste sur le fait qu’on est vraiment pauvres. Au bout d’un moment, ça tire sur la corde. On n’est pas à l’abri de l’usure, ou que la saison se plante. J’ai aussi peur de l’embourgeoisement.