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Xavier Fagnon, la voix de Matthew Fox dans Lost

Tony Cotte
Publié le 05/08/2005 à 01:05 Mis à jour le 09/05/2011 à 14:45

A l’antenne sur TF1 depuis le 25 juin, Lost, les disparus est la série événement de l’été 2005. 6.5 millions de téléspectateurs sont au rendez-vous pour suivre trois épisodes, chaque samedi soir. Parmi les rescapés de Lost, la personnalité de Jack est mis en avant. Interprété par Matthew Perry, Jack est le médecin qui n’hésite pas à prendre les choses en main pour la survie sur l’île. Toutelatele.com est parti à la rencontre de Xavier Fagnon qui double Matthew Fox dans la version française de Lost, les disparus. Une occasion de nous arrêter sur une profession de l’ombre : celle de doubleur.

Tony Cotte : Votre métier intrigue plus d’un téléspectateur et une question revient sans cesse : Comment devient-on doubleur ?

Xavier Fagnon : Il faut déjà une formation de comédien. Les gens pensent qu’il suffit d’avoir une belle voix mais ça va au-delà. Il faut s’adapter au jeu d’un autre et incarner un personnage dans une situation, dans le son et dans la respiration. Généralement, les personnes intéressées rencontrent un comédien. Puis, elles assistent à des séances et passent des essais. De fil en aiguille, on apprend le métier. Dans mon cas, j’ai mis six mois avant de toucher mon premier cachet.

Tony Cotte : Quelles sont les étapes avant de devenir « doubleur professionnel » ?

Xavier Fagnon : Pour commencer, on fait des voix de personnages en fond, c’est ce qu’on appelle des « ambiances ». Ce sont des interventions minimes. Puis, on obtient des petits rôles avant de doubler des personnages importants. Quand on est bon comédien, il peut arriver de sauter les étapes généralement pour les longs métrages car les gens ont plus de temps pour diriger un film. Mais cette prise de risque se fait uniquement si la personne à un bon niveau à la base ou quelque chose de naturel qui lui échappe.

Tony Cotte : Combien faut-il de temps pour doubler un long métrage ?

Xavier Fagnon : C’est très variable selon le rôle. Par exemple, pour les rôles principaux des Quatre Fantastiques, nous avons mis quatre jours.

Tony Cotte : Qui écrit les textes ?

Xavier Fagnon : Ce sont des adaptateurs. Les textes sont très bien travaillés mais il arrive qu’on change des choses qui échappent à l’adaptateur. Dans les séries comiques par exemple, il se peut qu’on formule autrement pour aider à notre naturel. Dans les situations qui demandent une certaine spontanéité, on va également essayer d’adapter les choses à notre manière pour se sentir plus à l’aise.

Tony Cotte : Visionnez-vous les différentes séquences dans l’ordre ?

Xavier Fagnon : Tout dépend des disponibilités de chacun selon les scènes. Les directeurs de plateau donnent une vraie couleur à l’œuvre. Ils nous expliquent ce qui manque pour être le plus fidèle possible à la version originale. Ils décident ensuite des acteurs, en collaboration avec les chaînes et les productions.


Tony Cotte : Comment se déroule une séance de doublage ?

Xavier Fagnon : Nous regardons des séquences d’environ 1min30, à deux reprises et en version originale. Puis, on le fait en français et nous corrigeons ce qui ne va pas. C’est une question d’habitude...

Tony Cotte : Un certain bagage linguistique est donc exigé ?

Xavier Fagnon : C’est vrai c’est important mais j’ai déjà doublé un film allemand et un documentaire cambodgien et pourtant on ne peut pas dire que je parle le cambodgien (rires). De préférence, il faut maîtriser la langue puisque ça donne un plus pour comprendre immédiatement ce que ressent l’acteur.

Tony Cotte : Concrètement, combien gagne un doubleur ?

Xavier Fagnon : Il existe un tarif syndical fixé à environ 5,40 € la ligne. Il évolue en fonction du support de destination. Dans Lost, par exemple, le personnage que je double, Jack, peut avoir 20 lignes comme il peut en avoir 100 ! La rémunération va donc varier.

Tony Cotte : Peut-on parler d’emploi à temps plein ?

Xavier Fagnon : Non, ce n’est pas vraiment du temps plein. Je peux faire autre chose. Je prépare d’ailleurs mon one-man-show Les projections de Xavion. Je suis avant tout comédien.

Tony Cotte : C’est ce qui vous a permis d’en arriver là ?

Xavier Fagnon : Oui c’est certain ! De plus, dans la formation classique, on favorise vraiment la diction et le travail du texte et ce sont des qualités essentielles au doublage avec la position de la voix et l’utilisation de la respiration.


Tony Cotte : Quel est le personnage que vous avez préféré doubler ?

Xavier Fagnon : Jack (dans Lost) m’a apporté beaucoup de choses. C’est un protagoniste très intéressant. Il a ce côté solide et fragile à la fois. Pour le grand écran, j’ai beaucoup aimé doubler Lancelot dans Le Roi Arthur et Hugh Jackman dans Van Helsing.

Tony Cotte : Il y a-t-il une difficulté particulière à doubler Lost ?

Xavier Fagnon : La principale difficulté pour doubler les personnages de Lost est que tout se passe en extérieur. Entre la mer, les arbres et le vent, ce sont des éléments que l’on entend pas et qu’il faut faire revivre. Il faut donc porter la voix en s’adaptant. TF1, Disney et Hervé Bellon, chef de plateau, ont tout fait pour que le doublage de la série soit soigné !

Tony Cotte : Vous sentez vous proche de Jack ?

Xavier Fagnon : On se reconnaît toujours dans un héros (rires). Je me retrouve dans Jack car il a ce côté fort et fragile que l’on a tous en nous. Par contre, je n’ai aucune notion de médecine. En dehors de ça, on est obligé de mettre de soi quand on double un personnage, c’est quelque chose qu’on libère inconsciemment.

Tony Cotte : Que pensez-vous de l’embellie autour du phénomène des « people-doubleurs » ?

Xavier Fagnon : Je comprends ce phénomène dans la mesure où on l’utilise également outre-Atlantique en tant qu’argument de vente pour les blockbusters. Mais la mise en avant de personnes qui ne sont pas comédiens, comme des sportifs ou des animateurs télé par exemple, me semble contestable en France.

Tony Cotte : Cela dénature t-il la profession ?

Xavier Fagnon : Lorsqu’on emploie, et souvent pour très cher, des personnes qui ne sont pas comédiens, on donne non seulement une fausse image du métier de doubleur mais aussi, et surtout, du métier de comédien. Tout le monde ne peut pas le faire ! Moi aussi, comme David Ginola je suis capable de shooter dans un ballon et pourtant, même si j’étais un « people » comme lui, les équipes nationales de football ne m’appelleraient pas pour marquer des buts !