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Au coeur d’un Fil à la patte

Alexandre Raveleau
Publié le 28/04/2005 à 00:49 Mis à jour le 21/12/2015 à 15:41

Jacqueline Maillan, Jacques François et Jean Lefebvre ont enfin trouvé leurs successeurs pour la télévision. Sur la même scène, le producteur Olivier Minne a réuni Thierry Beccaro, Bernard Pivot, Gérard Holtz, Michel Drucker, Rachid Arhab et Daniela Lumbroso, entre autres vedettes. La distribution est la plus médiatique de la saison parisienne et sans aucun doute la plus surprenante. A l’affiche du Théâtre des Variétés, ce lundi 18 avril 2005 : Un fil à la patte de Georges Feydeau. La veille au soir, quelques privilégiés assistaient à l’ultime répétition. Cette couturière (dernier essai avant la « générale ») promettait quelques retouches indispensables au canevas de ce « one-shot » de France 2.

L’entrée des artistes est bien gardée. Ici ou là, quelques têtes connues longent les coursives du théâtre. Tex et Stéphane Thébaut sont déjà maquillés. De leur côté, Rachid Arhab et Nelson Montfort échangent quelques paroles. Dans moins de trente minutes, les trois coups seront frappés. Dans la salle vide, la table du metteur en scène est en place. Une petite lampe éclaire un manuscrit usé par le travail des deux mois de répétitions. D’annotations en didascalies, Francis Perrin parcourt sa bible, une dernière fois. Jérôme Bonaldi, en habit de Gontran de Chenneviette, jette un dernier regard vers l’orchestre depuis une loge.

L’autre lumière provient de la scène. Les éclairages de service se mêlent aux essais de Frédéric de Rougemont alors que les accessoires font leur entrée, portés en triomphe par les techniciens. Chez Feydeau, ce sont aussi des stars. Une plante en pot, un canapé, puis c’est le démontage d’une porte et même de tout un pan du décor. Le calme apparent de la salle s’oppose à la fourmilière du plateau. Il est 20 heures et Francis Perrin s’inquiète : « on stresse un peu ! » confie-t-il à ses équipes. Le rideau tombe. « On peut faire rentrer les gens. Allons-y ! », Il rejoint sa table.

Quinze minutes suffiront pour remplir les trois étages du théâtre. Le fracas des fauteuils qui claquent, mêlé au brouhaha des invités qui s’échangent rumeurs et doutes liés à la distribution, annonce l’arrivée de Feydeau à grands pas. Bertrand Renard fait une apparition discrète au paradis (dernier étage du théâtre) et Thierry Beccaro passe même la tête derrière le rideau. Si les puristes entendaient ça ! Olivier Minne introduit : « Mes chers amis ! Il s’agit de ma toute première production (A dream prod ndlr). Je suis un enfant de France 2. Et ce que vous allez voir est le résultat d’une folle aventure ! ». Les costumes (on en dénombre quarante) sont tous prêts, les décors en place. La deuxième et ultime répétition sur la scène des Variétés peut donc commencer.

Un fil à la patte est un classique du théâtre dit de Boulevard. Fernand de Bois d’Enghien (Thierry Beccaro) aime deux femmes : Lucette Gaultier, chanteuse de café-concert (Marie-Ange Nardi) et Viviane Duverger, fille de baronne (Eglantine Emeyé). Mais un mariage avec cette dernière lui offrirait un statut social digne de ses origines. De son côté, Lucette est courtisée par un général aux accents sud-américain (Patrice Laffont) qui compte bien tordre le coup à tous les prétendants de la belle. Et quand la baronne Duverger (Eve Ruggieri) vient demander à Lucette de chanter lors de la signature du contrat de mariage, les affaires s’emmêlent.

Firmin le gouvernant (Gérard Holtz) ouvre et ferme les portes, et les scènes, par la même occasion. Entrent ainsi successivement chez Lucette, Gontran de Cheneviette (Jérôme Bonaldi), son premier mari, Ignace de Fontanet (David Martin), toujours plein de bonnes idées mais dont l’haleine rend les mouches suspicieuses, Camille Bouzin (Tex), auteur de la célébrissime chanson « Il m’a fait du pied, du pied, du pied... » et tous les protagonistes de la pièce. Seul Antonio, aide de camp du général (Nelson Montfort), restera dans l’entrée. Une porte qui claque. Un cri de douleur. Et tout un public s’amuse. Olivier Minne rit à gorge déployée. En coulisses, les animateurs applaudissent leurs confrères en plein effort par écran interposé.

Tous les théâtreux ont en tout cas bien appris leur leçon. Sans trop d’embourgeoisement, Eve Ruggieri habille son personnage d’un soupçon d’autodérision. Patrice Laffont et Thierry Beccaro prouvent, quant à eux, leur aisance à jouer la comédie hors des plateaux de jeux. Les effets scéniques sont simples mais efficaces. Même si ce Fil à la patte n’a pas la saveur d’une création totalement aboutie, il demeurera comme « la » pièce de France 2. Jamais dans le monde autant de personnalités n’avaient été réunies sur la même scène.

Trois actes plus tard, le salut brouille les prévisions du metteur en scène. La musique qui ne part pas, les uns qui oublient de saluer, alors que d’autres ne semblent pas à leur place. Il n’en faut pas plus à Francis Perrin pour stopper la répétition. Le troisième essai sera le bon. Un Fil à la patte est achevé. A la montre, les douze coups de minuit ont déjà sonné.